Chapitre 25 - 14h02

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Julie claqua la porte aussitôt et rebroussa chemin. Son cœur s'était arrêté dans sa poitrine, pendant une fraction de seconde. Ce qu'elle avait entraperçu restera gravé dans sa mémoire. Elle s'éloigna en courant. La colère monta en elle, lui faisant bourdonner les tympans. Elle ferma les yeux et elle revit cette vision d'horreur. Une chambre seulement éclairée par des bougies. Des vêtements roulés au sol. Une bouteille de champagne sur la table de chevet. Et sa meilleure amie grimpée à califourchon sur Christopher qui lui était allongé sur le ventre.

— Attends ! s'écria son ainé.

La jeune femme fit volt-face.

C'était inenvisageable ce qui venait de se passer. Comment avait-elle pu lui faire une chose pareille ? Elle avait profité de la situation. Elle avait attendu que Julie s'absente pour séduire son frère ! C'était ignoble. Julie se doutait depuis un moment que Sarah avait le béguin pour lui. Même si sa meilleure amie lui avait toujours assurer le contraire, il y avait des signes qui ne trompent pas : des regards, des gestes, des silences, des sourires. Mais, jamais elle n'aurait imaginé qu'elle puisse profiter de la détresse de son frère, qu'elle puisse tirer à son avantage ces problèmes avec Élodie et Romain.

Jamais elle ne pourra pardonner une telle trahison.

Julie entra dans sa chambre et attrapa la valise qui trainait sous son lit. Elle appartenait à Sarah, qui l'utilisait pour mettre ses vêtements quand elle venait dormir ici. Elle la tira dans le couloir. Chris et Sarah l'arrêtèrent aussitôt. Lui était torse nu et ne semblait pas avoir eu le temps de s'être habillé...

— Tu ne crois pas que ta réaction est disproportionnée ? demanda Sarah, en prenant un air faussement navré. Je ne sais pas ce que tu as imaginé, mais je lui faisais juste un massage. C'était en toute amitié et...

— Dégage de chez moi !

— Je ne peux pas ! répliqua-t-elle en éclatant de rire. J'habite ici. Et dès que tu auras décoléré, tu comprendras que tu en fais trop. Chris avait besoin de moi. Il avait envie de parler. Et je sais que le champagne l'aide à se détendre. Excuse-moi de ne pas délaisser ton frère ; de ne pas être comme toi, à papillonner avec un inconnu.

Julie bouillonnait. Elle ne voulait pas seulement que sa meilleure amie dégage de sa maison, elle avait aussi envie lui sauter dessus. Elle ne la supportait plus. Par moment, elle la détestait avec ses airs supérieurs et autoritaires. C'était infernal la façon dont elle avait un avis sur tout, ce besoin qu'elle avait à chaque fois de terminer les conversations.

— Sort de chez moi...

Chris s'avança doucement et fit :

— Tu devrais essayer de te calmer.

— Reste-en dehors de cette histoire !

Trop heureux de pouvoir partir, il retourna dans sa chambre. Sarah faisait toujours face à Julie, l'empêchant de passer.

— Tout joue contre moi, mais...

— C'était l'une des règles !

— Qu'est-ce que tu vas encore imaginer ? Ton frère était mal. J'ai ouvert une bouteille et nous avons discuté. Il n'y a eu rien d'autre. Il était tellement tendu que je me suis proposé de lui faire un massage.

Les deux jeunes femmes s'observèrent un long instant, se défiant du regard. Julie sentit sa colère dégonfler. Se pouvait-elle qu'elle ait exagéré ce qui s'était passé ? Cela avait-il une importance ? Même un massage était un geste déplacé qui n'avait pas lieu d'être. Julie n'était pas dupe. Elle sentait pertinemment que sa meilleure amie avait des vues sur lui.

— Je vais te surveiller, déclara-t-elle, d'un ton qu'elle espérait dur.

— Arrête d'être parano, ça te rend ridicule.

Julie la suivit jusqu'à la cuisine. Chris était sur leur talon, tenant entre les mains, une petite caisse en plastique contenant les bougies éteintes, l'huile de massage, ainsi que la bouteille de champagne et les deux coupes. Il mit le tout sur le plan de travail, affirmant qu'il irait la vider après. Julie vit qu'il avait le regard fuyant, comme s'il était gêné de ce qu'il s'était passé. Sarah s'installa à côté d'elle. Dans leurs dos se trouvait la baie vitrée, que le vent faisait vibrer à chaque bourrasque. Sans parler du crépitement de la pluie qui martelait le toit. D'unair sombre, Chris évoqua les tuiles étaient devenues perméables depuis le débutde l'année et annonça que demain, ils devraient tous vider l'eau.

Un silence accueillit ses propos, que Julie ne voulait surtout pas troubler. Ses pensées se tournèrent vers Will. Où était-il ? Que faisait-il ? Avait-il réussi à établir un contact avec l'enfant détenu par les agents ? Quant à eux... Est-ce que Dan allait revenir ? Allait-il, avec sa brigade de fédéraux, l'emmener de force vers une destination inconnue ? Ellese remémora ce qui s'était passé, quelques minutes auparavant, dans labasilique. Les révélations que lui avait dites Will la firent frissonner. Elle avait enfin percé son secret. Et elle savait pourquoi il était traqué.

Luciano.

Will lui avait dévoilé l'existence d'un monde alternatif, secret. Une sorte de communauté clandestine. Pourtant de nos jours, rien n'était mystérieux. Internet était tellement lié à notre quotidien qu'il y avait forcément une trace de cette communauté sur la toile. Il y avait obligatoirement des sites de propagandes, des récits d'âmes perdues, des témoignages de personnes expliquant pourquoi ils quittaient leur vie, des forums peut-être aussi sectaires, qui placeraient Will comme le gourou d'un monde nouveau. Après tout, Will avait vraiment des idées d'illuminées.

Julie se demanda une seconde où elle avait pu mettre son téléphone portable, avant de se dire qu'il était probablement toujours dans sa chambre, en charge. Elle avait pourtant une recherche à faire sur le web.

— Sarah, tu peux me prêter ton portable ? Je dois faire une...

Sa meilleure amie, qui avait toujours son téléphone greffé dans la main, secoua la tête, en prenant un air faussement navré.

— Je n'ai pas de connexion. À mon avis, c'est dû à l'orage.

L'abattement lui tomber sur les épaules.

— Comment ça s'est passé pour Romain ? demanda Sarah.

— Je n'ai rien pu en tirer. Il a gardé son casque sur les oreilles et a ignoré ma présence. Il a fait preuve d'immaturité. Impossible de le faire parler.

— Il m'a dit que tout était de ta faute, hasarda Julie, légèrement mal à l'aise. Il a sous-entendu que tu complotais dans mon dos et que quand j'apprendrais la vérité, que j'allais vite redescendre. Rassure-moi, Chris, tu me caches quelque chose ?

Le jeune homme planta son regard dans celui de sa sœur, comme s'il cherchait à l'intimider ; à moins qu'il réfléchissait à ce qu'il allait répondre. Au bout de quelques interminables secondes, où même Sarah finit par montrer des signes d'impatiences, il ouvrit la bouche, mais brusquement l'orage explosa.

Luciano et le retour de la lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant