Chapitre 30 - 15h12

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À peine Julie eut-elle le temps de détailler la bête, qu'un étrange drap se mit à se mouvoir dans la nuit et à la recouvrir. Elle se dressa sur ses deux pattes arrière. Le monstre se métamorphosa en un être décharné, enveloppé d'une longue cape noire qui claquait au vent et dont la capuche masquait son visage. Il ne semblait plus y avoir de corps sous le vêtement. La créature flottait à une dizaine de centimètres au-dessus du sol. Julie n'arrivait pas à en détacher son regard. Elle avait l'impression de voir ses yeux, rouges, comme deux petits feux. À moins que ce ne soit son imagination qui lui jouait des tours.

Will, si tu m'entends, nous avons besoin de toi ! Elle pensa fortement. Maintenant !

L'entité cachée sous la cape se mit à faire des bruits étranges, des râles gutturaux et saccadés comme si elle riait, ou qu'elle s'étouffât. Une voix s'éleva alors. Les sons étaient viscéraux, sans chaleur ni relief. Sans humanité.

— Ton appel à l'aide est vain. Tu ne peux pas être sauvée.

Un flot de sentiment contradictoire envahit la jeune femme, comme deux liquides opposés dont on l'aurait inondé. Un torrent glacé se déversa dans ses veines et un autre brulant. La chair de poule lui recouvrit les bras et la nuque, car la voix de la créature la terrifiait. Elle n'avait qu'une envie : rebrousser chemin. C'était la Mort qui se tenait devant elle. Et la Mort semait la mort. Julie percevait le danger. Elle devait fuir, s'éloigner. Et pourtant, les sons à peine articulés et compréhensifs réveillait quelque chose en elle. C'était dans ses tripes. Une sensation agréable dans le bas-ventre, chargé d'adrénaline. La même que quand elle montait dans des manèges à sensation. Julie dû lutter contre l'envie de s'avancer de quelques pas.

Jamais, elle n'avait ressenti un tel duel sensoriel.

— Qu'est-ce que vous voulez ?

C'était une vraie question. Julie ne comprenait pas ce que voulait la créature. Pourquoi en aurait-elle après elle ? Pourquoi ne courait-elle après Will ? C'était plus logique. Après tout, c'était lui le garçon aux facultés extraordinaires ; celui qui avait créé un autre monde. Aurait-ce été surprenant qu'une créature démoniaque intervienne pour s'opposer à lui ? Non... mais alors pourquoi ce monstre se dressait-il devant elle ?

— Je suis là pour toi, marmonna la créature, de sa voix caverneuse et sans vie. Je suis là pour toi. C'est ton tour d'affronter ta destinée.

La jeune femme constata que sans s'en rendre compte, elle avait fait quelques pas dans sa direction. La créature était à quelques mètres et c'est alors qu'à son tour, elle s'avança. Sa longue cape noire flottait à quelques centimètres du bitume et elle glissa vers de Julie, réduisant considérablement l'écart entre eux. Son pouls s'accéléra. Les fourmillements dans son bas-ventre s'accentuèrent.

Julie s'arrêta. Le danger était trop grand.

— Qu'est-ce que vous me voulez ?

Après l'orage qui s'était arrêté, c'était maintenant la pluie dont les dernières gouttes tombèrent. En quelques secondes, la créature s'était suffisamment rapprochée pour la dominer de toute sa hauteur. Julie était vulnérable. Comment était-elle censée se protéger contre ce démon ? Avant qu'elle ait fait le moindre geste, un bras squelettique jaillit de sous la cape et l'attrapa par le cou. Cette dernière n'eut pas le temps de hurler ni de reculer. C'était une sensation terrifiante que de sentir une poigne d'ossement, dépourvu de chair, se refermer sur sa gorge. Cauchemardesque aussi.

— Je suis venu chercher la lumière.

Julie avait son regard perdu dans les deux petits feux rouges, pas plus grands que des flammes de briquet, danser sous la capuche. La bête resserra sa prise et les pieds de sa proie quittèrent le sol. C'est alors qu'elle comprit.

Et qu'elle paniqua.



Luciano et le retour de la lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant