Chapitre 23 - 13h37

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Julie tremblait, incapable de s'arrêter. Elle luttait contre les larmes, qui menaçaient. Il lui avait fait peur. C'est à peine si elle le vit rallumer la bougie en soufflant dessus. Elle n'entendit pas ses excuses, quand il fit le tour de la table et qu'il s'agenouilla à ses pieds pour implorer pardon. Il semblait regretter d'avoir perdu le contrôle.

— Ça va, réussit-elle à dire.

Brusquement, un coup sourd et puissant s'abattit contre l'un des murs de la basilique, la faisant trembler ses fondations. Julie se leva, envahit par une peur viscérale. Qu'est-ce que c'était ? Était-ce la foudre qui s'était abattue sur le bâtiment ? Julie eut alors une vision nette. Une créature était juchée sur les toits de l'église. Un monstre, s'apparentant à un loup-garou avec de longs poils et des griffes acérées. Elle vit distinctement son mince museau et ces crocs qui en dépassaient. Julie n'avait aucun doute. Cette bête était la manifestation physique de la tempête.

Tu perds la tête ma fille, se lamenta sa conscience.

— Que se passe-t-il ? demanda Will, s'inquiétant à son tour. Tu as vu quelque chose ?

— Tu n'as rien entendu ? Une créature est dehors ! 

— Calme-toi, Julie, reprit-il en lui prenant délicatement les avant-bras. Tu ne crains rien. Et puis, nous n'en avons pas fini. Notre conversation se terminera quand tu te décideras à me suivre.

Mais, Julie ne l'écoutait pas. Tout son esprit était concentré sur ce qui se passait à l'extérieur. Elle entendait des coups contre la porte principale, avec la même puissance que l'aurait fait un bélier, en temps de siège. Les murs tremblèrent avec force. La flamme de la petite bougie vacilla.

Pourtant, Will se releva, doucement. Ses yeux marrons continuèrent de l'étudier avec un intérêt. Julie lutta contre l'envie de l'attraper par les épaules et de le secouer. Pourquoi ne prenait-il pas les devants ? Pourquoi ne s'élançait-il pas vers cette créature pour la mettre en échec ?

— Elle va entrer, murmura-t-elle, terrifiée.

— Acceptes-tu de quitter ta vie et de me rejoindre ?

— Ecoute-moi ! s'énerva-t-elle. Rappelle le prêtre. Il court un grave danger là-haut. Il faut fuir avec lui. Je t'en prie, retournons le voir et partons d'ici.

— Je ne suis pas certain des intentions de cette entité, mais je ne crois pas que Père Pascal l'intéresse. Je doute qu'il ait entendu la même chose que toi.

— Mais, qu'est-ce que tu racontes ?

— Je pense que cette créature est là pour toi. Et je suis le seul qui peut t'offrir quelques heures de répit avant la confrontation. Je peux te sortir de ce bâtiment, te mettre à l'abri et te protéger. Mais, tu dois d'abord accepter l'idée de tout quitter pour me suivre. Une autre vie t'attend. Tu dois me faire confiance. Si cela peut t'aider, considère ton départ comme temporaire. Le temps que nous trouvions les forces nécessaires pour contrer les hommes. Je peux te déposer chez toi, mais alors, tu devras faire ta valise, prête à t'exiler.

Cette Créature en a après toi ? s'alarma sa conscience.

— Je ne peux pas et tu le sais bien. Les fédéraux en ont après toi, pas après moi. Ce soir, quand tu partiras, les agents aussi. Tout est arrivé avec toi et tout s'arrêtera avec toi. Dès demain, je retrouverais une vie normale.

Julie regretta d'avoir prononcé ces mots. Pourquoi fallait-il toujours qu'elle parle sans réfléchir ? Tout lui parut si compliqué. Pourquoi Will souhaitait-il l'emmener avec lui ? Dans quel but ? Il lui demandait si elle pouvait le suivre, mais il ne lui expliquait pas pourquoi il avait besoin d'elle. Elle s'apprêtait à lui poser les questions, mais il se mit brusquement à pleuvoir et la jeune femme crut que la fin du monde leur tombait dessus. Même depuis l'endroit où ils étaient, elle entendit le déluge s'abattre sur la basilique, et dont le martèlement se répercuta dans les grands espaces au-dessus de leurs têtes. À son soulagement, elle vit Will lever la tête. Lui aussi entendait la pluie torrentielle. Les éclairs se multipliaient et frappaient des lieux qui semblaient tellement proches. Julie sursauta à chaque explosion.

— Il cherche juste à t'impressionner et à te déstabiliser, murmura Will. Dis-toi que rien n'est réel. Cette créature veut t'attraper mais tu n'es pas encore prête.

Que je ne me laisse pas impressionner ? pensa-t-elle. C'est que tout ceci me parait rudement réel !

Le vent souffla avec une telle force que la basilique trembla à nouveau. Et au comble de l'horreur, Julie vit de l'eau s'infiltrer par les fissures du mur et à stagner à leurs pieds. C'était de l'eau de pluie glacée.

— Tout ceci n'est pas réel ? hurla-t-elle. Ouvre cette porte et fais-moi sortir !

— Est-ce que tu veux que je quitte cette ville sans toi ? insista Will. Est-ce que tu souhaites vraiment reprendre ta vie, là où je l'ai arrêté ?

— Tu poses la question comme si tu connaissais déjà la réponse ! explosa-t-elle. Je ne sais pas comment l'expliquer, mais je pense que nous sommes liés tous les deux. Quelque chose s'est créé entre nous et si tu venais à disparaitre, j'aurais l'impression de ne plus être entière.

L'étranger sourit.

— Tu te moques de moi, reprit-elle. C'est stupide ce que j'ai dit.

— Au contraire, je ressens exactement la même chose.

— Je te suivrais, Will ; où que tu ailles.

Une nouvelle fois, un choc terrible fracassa la porte principale. Et Julie sut que la créature était entrée. La seconde d'après, elle entendit distinctement dans le brouhaha de l'orage, le son désagréable de longues griffes qui rayent la pierre. L'entité s'était élancée à leur poursuite et elle allait débouler d'un instant à l'autre dans les souterrains.

L'étranger tendit sa main, mais Julie recula contre le mur. Elle ne se sentait pas bien. Elle manquait d'air. Et la petite flamme de la bougie qui ne cessait de vaciller, renforçait l'étroitesse de l'endroit. Sa tête lui tournait. Son estomac se contractait. 

Il y eut un choc contre leur porte, qui se fissura.

— Prend ma main et nous disparaitrons. Mais, tu dois me promettre que lorsque je reviendrai vers toi, ta valise sera faite et que tu seras prête à me suivre.

Il y eut un coup, qui poussa légèrement l'ouverture. Des attaques de griffes effritèrent le mince espace pour l'agrandir. Si la créature se jetait encore une fois contre la porte, Julie savait qu'elle finirait par l'ouvrir assez pour lui permettre de passer.

— Oui ! hurla-t-elle.

Will continuait à parler, mais elle ne l'écoutait plus. Il s'était approché d'elle et il la plaquait contre lui. Il y eut un autre coup sourd et la porte fut pulvérisée en projetant des débris et de la poussière. Avant que les ténèbres tombent, Julie vit, par-dessus l'épaule de Will, le monstre bondir sur eux. Mais, une seconde trop tard. Julie ignorait si c'est le monde qui disparut dans le noir parce que la bougie s'était éteinte ou si cela était parce que Will était si près d'elle qu'il obstruait tout son champ de vision.

L'obscurité tomba sur la jeune femme.

Et le silence l'envahit.

Luciano et le retour de la lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant