Chapitre 7 - 9h22

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Dans le ciel, le soleil continuait son ascension et faisait grimper inexorablement les températures. L'air était sec et brulant. Il devenait difficile à respirer. C'était une énième journée de canicule, où les météorologues allaient enregistrer des chaleurs records. Chaque jour était pire que le précédent, provoquant des restrictions d'eau draconiennes dans tout le pays. Epouvantable.

Les deux jeunes femmes arrivèrent péniblement dans le lotissement où cette dernière habitait. C'était sur les hauteurs de la ville, dans une impasse à quelques minutes du Château que vivait Julie. Le trajet fut éprouvant. Sarah s'était arrêtée trois fois pour reprendre sa respiration et râler. En période de forte chaleur, elle faisait son possible pour ne pas quitter la maison. À partir de dix heures, elle se barricadait à l'intérieur. Julie avait avancée, insensible à ses jérémiades. Elle aussi avait eu le souffle court. Elle se tourna vers Sarah qui peinait à suivre. Elles avaient fait le plus dur. La maison était située au fond, dans un cul-de-sac, où le terrain du quartier redevenait plat.

— Je ne m'y ferais jamais, râla Sarah. J'ai besoin d'un soda frais.

— Des nouvelles de Yann ?

Son amie consulta son téléphone portable, avant de secouer la tête. Les deux jeunes femmes traversèrent la rue côte à côte. Au bout de quelques minutes, la grande maison, destination tant attendue, apparut à une centaine de mètres, au détour d'un virage. Julie remarqua immédiatement que la voiture de Chris, l'ainé, était garée devant. Il n'était donc pas parti à la recherche de Romain. La jeune femme atteignit le portail, qu'elle franchit avant de se rendre compte qu'elle avait encore distancé Sarah. Cette dernière peinait à tenir le rythme. Son visage était rougi par l'effort. Un simple aller-retour en ville semblait l'avoir épuisé. Sarah avait toujours eu du mal dans les activités sportives et elle privilégiait systématiquement les transports en commun à une balade à pied. Sauf qu'aucun bus ne desservait les hauteurs d'Annecy.

À peine avaient-elles franchi le portail, que la porte d'entrée s'ouvrit à la volée et que Chris vint à leur rencontre :

— Vous avez des nouvelles ?

Les deux jeunes femmes échangèrent un regard. Elles gagnèrent la maison et s'installèrent à la table de la cuisine, sous le ventilateur qui tournait à fond. L'ainé s'impatientait et exigeait de savoir ce qu'avaient donné les avis de recherches publiés par Sarah, sur les réseaux sociaux. Agacée, elle lui répondit :

— Quand tu nous as appelées, nous nous sommes empressées de monter. Excuse-moi si j'ai préféré attendre d'être là pour les poster. Et puis, si ça ne va pas assez vite, je t'en prie : fais-le. Pourquoi serait-ce à moi de le faire ? Il n'est pas mon petit frère.

— Parce que tu vis quasiment ici, rétorqua Chris d'un ton tranchant, et que tu as l'habitude de te mêler de ce qui ne te regarde pas.

Au lieu de se froisser, Sarah sourit et fit :

— Tu as raison. Je suis un pilier dans cette maison. Heureusement que vous m'avez. L'avis de recherche est publié sur sa page perso, mais les notifications de ses proches et de toutes les personnes susceptibles de le croiser tardent à venir. Je ne crois pas que tu ais besoin de dramatiser. Tu sais que Romain est en âge de ne plus se plier à tes commandements.

Chris secoua la tête, subitement abattu. Il leur expliqua que la situation était pire que ce qu'elles croyaient. Au début du mois dernier, lui et Romain avaient été convoqués devant le Juge des Enfants. Julie en avait entendu parler, mais elle ne s'y était pas intéressée. Tous les semestres, ils étaient tous assignés pour faire un point. Le dernier qui s'était tenu était le premier auquel elle n'avait pas été conviée. Elle avait, entretemps, atteint sa majorité et Chris avait cessé d'être son tuteur légal. Julie n'avait jamais aimé ces rendez-vous. Au temps où elle y allait, il y avait toujours eu un trio d'assistantes sociales qui les affrontaient, désireuses de savoir comment se déroulaient leurs vies, depuis que leur père s'était suicidé. Ces trois femmes, que Julie appelait secrètement les Harpies, s'étaient opposées à ce que Christopher Favre devienne le tuteur légal à elle et Romain. Elles avaient monté un dossier à décharge contre lui, affirmant qu'il n'arrivait pas à s'occuper de lui, et qu'il serait incapable de subvenir à leurs besoins. Mais, la Juge avait été plus clémente et Chris avait bénéficié d'une période d'essai pour prouver qu'il en serait capable. Une période de six mois, qui se renouvelait à chaque fois. Les Harpies avaient finalement été forcées de revoir leur jugement et au bout du troisième rendez-vous, elles avaient arrêté de demander un placement. Elles avaient même été jusqu'à lui donner des conseils et à appuyer certaines aides administratives. À chaque fois que Chris sortait de ses entretiens, il était encouragé et félicité. Julie ne pouvait pas se douter que la dernière convocation s'était mal passée. Si elle ne s'était pas davantage intéressée, c'était parce qu'elle avait été persuadée que l'entretien n'avait été qu'une formalité, comme tous les précédents.

Luciano et le retour de la lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant