Chapitre 29 - 14h39

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— Tout va bien ? demanda-t-il. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Julie secoua la tête, encore confuse et choquée. Elle pensa une seconde aux agents qui avaient été attaqués et qui avaient disparu. Mais, le prêtre n'attendit aucune réponse et fit :

— L'étranger a une planque dans l'un des voiliers qui se trouvent au port. C'est un bateau qui appartient aux Alliés. Pour l'instant, les bords du lac sont inatteignables, mais Iliane m'a affirmé que la tempête faiblissait.

Ils descendirent le trottoir, avec précaution. Les précipitations avaient inondé les rues. Il y avait peut-être vingt centimètres d'eau qui ruisselait de l'impasse, vers le centre-ville. Le déluge semblait avoir saturé les capacités de stockage de la ville. Toutes les bouches d'égout recrachaient des petits geysers d'eau de pluie. Julie se félicita de ne pas être contrainte de devoir traverser la rue. Le courant était rapide et entrainant. Elle aurait glissé à tous les coups.

Autour d'eux, l'obscurité était totale ou presque. Julie ne parvenait pas à voir les maisons qui bordaient la chaussée. Il y avait juste ces grands éclairs qui zébraient le ciel, sans toucher le sol. Les lampadaires étaient allumés, mais leurs lumières n'étaient pas assez puissantes pour trouer les ténèbres. Elle avançait dans un décor cauchemardesque. Julie n'en revenait pas d'avoir échappé une seconde fois à la créature. Pourquoi était-elle partie ? Mais plus elle s'éloignait du véhicule des agents, plus elle put prendre le dessus sur la peur.

Elle repensa à ses proches. Elle avait le cœur lourd de les avoir abandonnés. Les reverrait-elle ? Comment pouvait-elle le savoir ? Son ancienne vie allait lui manquer. Ses frères pour commencer. Comment allaient-ils faire pour survivre sans elle, alors qu'ils s'entredéchiraient ? Comment Julie comptait-elle faire sans eux ? Ils étaient les deux derniers membres de sa famille qu'elle avait. Yann allait lui manquer naturellement, mais aussi Sarah. Malgré le faite qu'elle était insupportable, Julie ne voyait pas son avenir sans elle. Même si son amie était pénible, étouffante et avait un caractère tranché, il n'empêche qu'elle restait la personne que Julie aimait le plus en ce bas monde. Elles avaient une relation si fusionnelle.

Julie fut brutalement arrachée à ses pensées quand elle trébucha et qu'elle s'étala dans l'eau. Elle n'avait pas fait attention à un défaut sur la chaussée et elle chuta à plat ventre au milieu de la rue. Son genou s'écorcha sur le bitume et elle jura. Le flot qui ruisselait le long de la route était fort et la jeune femme du s'y prendre à deux fois pour s'appuyer sur ses mains et tenter de se relever. Mais, le vent tourna et se déchaina comme s'il avait attendu cet instant précis. Il lui frappait le dos et la clouait sur place. Le courant d'eau qui descendait l'impasse s'arrêta et stagna sous son corps. Son cœur se mit à cogner à grands coups dans sa poitrine. Elle ne parvenait pas à se redresser et le niveau de pluie montait dangereusement. Elle se débattit autant qu'elle put, luttant contre les éléments qui menaçaient de la tuer. Son visage, puis l'intégralité de sa tête furent submergés. La panique l'envahit.

Alors qu'elle crut qu'elle allait mourir noyée dans quelques centimètres d'eau, deux bras l'attrapèrent par le torse et la soulevèrent. Le vent retomba et le flot se remit à descendre la rue. La jeune femme s'écroula sur le trottoir, en pleurs et tremblant. Elle recroquevilla ses jambes sous elle.

— Est-ce que ça va aller ? demanda le Père Pascal.

Le prêtre l'aida à se redresser. Julie réalisa qu'atteindre la ville était une quête perdue d'avance et que le port était hors de portée. Sans Will à ses côtés, la tempête était trop forte.

Il y eut alors un puissant rugissement animal, monstrueux qui couvrit pendant une seconde, le roulement de tonnerre. La créature se rapprochait. Julie se releva et reprit la marche, silencieuse mais terrorisée à l'idée de croiser la bête sanguinaire. Comment pouvaient-ils faire, sans Will ? Pourquoi n'avait-il pas répondu à son appel de détresse ? Le Père Pascal la suivit. Ils essayèrent d'avancer vite.

Après ce qui parut être une éternité, le duo parvint sur le parking du château. Ils n'étaient plus très loin des vieux quartiers. Ils avaient encore une longue descente raide, mais en s'aidant de la barrière, ils pouvaient espérer atteindre le centre-ville dans une trentaine de minutes. Mieux fallait prendre son temps et arriver, plutôt que de risquer une autre chute et finir noyer. Même si le vent était traitre et qu'il modifiait sans cesse sa trajectoire, cherchant certainement à la faire tomber à nouveau, Julie reprit espoir. Elle était aussi persuadée que les éléments perdaient en intensité. La tempête touchait à sa fin. Mais pouvait-elle vraiment espérer s'en sortir alors que la créature approchait ? Elle pouvait presque sentir son aura maléfique planer sur eux.

Tu as fait une erreur en quittant la maison, lui reprocha sa conscience.

Julie hurla à plein poumon quand un énorme loup bondit devant eux, à une dizaine de mètres.


Luciano et le retour de la lumièreWhere stories live. Discover now