Prologue (2/2)

Depuis le début
                                    

— Tu es extraordinaire, s'amusa-t-il.

Il se pencha vers elle et elle fut persuadée qu'il allait l'embrasser. Aurait-elle imaginé une meilleure manière de clôturer ce long regard ? Les yeux fermés, Julie attendit que vienne le moment où il ferait basculer la soirée. Elle eut à peine le temps de patienter qu'elle se rendit compte que quelque chose n'allait pas. Il n'y avait plus un bruit. Le feu d'artifice s'était interrompu, ainsi que le spectacle sur l'eau. L'étranger s'était détourné d'elle et observait les gradins. Tout était plongé dans le noir, silencieux.

Julie comprit que la fête du lac avait dérapé.

Malgré l'obscurité quasi totale, la jeune femme fouilla du regard les tribunes pour comprendre ce qui se passait. Un petit groupe d'hommes tentait de se frayer un chemin parmi les chaises pliantes pour gagner le pied de la structure métallique centrale.

Brusquement, ils allumèrent de puissantes torches électriques. Julie sentit son cœur se serrer. D'un geste instinctif, elle attrapa la main de l'inconnu. L'arrivée de ces hommes lui faisait peur. Étrangement, elle se sentait plus en sécurité à l'intérieur du périmètre de sécurité avec ce garçon qu'elle ne connaissait pas.

— Je crois que cela marque la fin de notre soirée, Julie.

— Mais...

Elle se figea.

— Comment connais-tu mon nom ?

— Je te connais. Et, c'est pour toi que je suis ici. Nous devons nous revoir demain. Est-ce que tu m'accordes un autre rendez-vous ?

Elle ne sut quoi répondre. À nouveau, les choses qu'il disait n'avaient pas de sens. L'étranger lui fit un signe de tête en direction du groupe d'hommes. L'un d'eux avait sorti un mégaphone. Sa voix retentit immédiatement :

— Les sorties sont bloquées ! Nous ne vous retiendrons qu'un instant !

Julie glissa ses doigts entre ceux de l'étranger et les serra.

— Que cherchent-ils ? demanda-t-elle, craignant de connaitre la réponse.

Elle vit les hommes fouiller les gradins et les chaises. Ils étaient à la recherche de quelqu'un, c'était évident. Leurs faisceaux lumineux mettaient en évidence des personnes un peu au hasard. Certains étaient dans les gradins, d'autres étaient sur des chaises. Les hommes étaient organisés. Et en quelques minutes, les trois gradins furent inspectés, ainsi que la moitié des chaises pliantes. Alors, ils s'approchèrent des personnes installées dans l'herbe et immanquablement, des bords du lac. C'était surprenant, mais pour la première fois de sa vie, Julie se sentit traquée. Elle savait qu'ils étaient là pour lui. La peur s'insinua en elle.

— Quelle heureuse rencontre que la nôtre, n'est-ce pas ?

Il gardait toujours le même sourire. Il paraissait détendu alors Julie essaya d'en faire autant. Elle se rapprocha de lui.

— Ils sont là pour toi, n'est-ce pas ?

Le groupe d'homme enjambait les personnes assises, traquant chaque visage avec leurs torches. Ils opéraient avec minutie, en silence, face à des gens de plus en plus mécontents qu'une opération ait interrompu leur spectacle. Les hommes restèrent impassibles. Ils se rapprochèrent. Ils s'arrêtèrent devant les barrières de sécurité. Les faisceaux lumineux éclairèrent la pelouse nue. Très vite, la lumière atteignit le bord du lac, que les hommes fouillaient avec attention. Alors qu'une lumière parcourait le terrain, elle capta le début du ponton et la seconde d'après, toutes les lampes torches se concentrèrent sur ce point. Ensemble, les faisceaux lumineux remontèrent le ponton. L'instant d'après, Julie dut se protéger les yeux quand elle fut aveuglée.

Tout se passa vite. Les hommes s'engouffrèrent à l'intérieur du périmètre de sécurité. Ils ne couraient pas, mais ils avaient une démarche rapide, militaire. Une voix explosa dans son esprit.

Attrapez-le !

Ils arrivèrent au ponton et le remontèrent les uns après les autres. Julie se tourna vers l'étranger, mais celui-ci avait disparu. Il n'y avait plus personne à ses côtés, ni à qui elle tenait la main. Elle était seule. Où était-il allé ? Comment avait-il pu quitter ce ponton ? Sa tête commençait à lui tourner. L'étranger avait disparu. C'est tout ce qui comptait. Elle ne parvenait plus à craindre ce qui arrivait. Ni les individus menaçants qui arrivaient à sa hauteur et qui lui saisirent les bras avec fermeté ni le pétrin dans lequel elle se trouvait. On lui parlait, mais elle n'écoutait pas. Elle se sentait déconnectée de tout. Plus rien n'avait d'importance. La seule chose qui en avait était que l'étranger avait disparu.

Et du plus profond d'elle-même, elle prit conscience que le compte à rebours avait commencé.



Luciano et le retour de la lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant