🌙||{67}||🌙

18.6K 1.8K 77
                                    

Une petite foule, composée d'une dizaine de personnes toute vêtue de noir, mélange êtres surnaturels et humains. Debout dans cet immense terrain plat et mêlant herbes et fleurs, ils sont tous rassemblés autour de cette fosse où trône la photo d'une sublime jeune femme à la peau ébène. Son regard azur, luisant de mille feux, est plissé tant le sourire qui repose sur ses lèvres est immense et éclatant. Le cliché avait été pris lors de son voyage en Argentine, paraissant avoir été fait à son insu. Pourtant, il n'y a aucun doute quant à l'épanouissement qui se lit sur son visage.

Le silence est roi et seuls quelques sanglots l'interrompent. Ceux d'une mère désemparée qui a perdu son unique enfant. Logée contre son époux qui tente de lui servir de roc, la rousse observe les amis et les connaissances de sa défunte fille, racontée ce qu'elle est, ce qu'elle était.

- Je l'ai côtoyée pendant à peine un mois, mais je crois avoir réussi à cerner ce curieux personnage, déclare Calum en observant l'assemblée. Phœbé était un sacré bout de femme avec un caractère de feu, rit tristement Calum accompagné de l'assistance qui approuve ses dires. Je n'ai jamais vu une femme aussi chiante, pouffe-t-il avant de reprendre son sérieux ; pourtant, Phœbé avait un grand cœur. Elle avait beau tenter de le cacher, s'en apercevoir était chose facile, car sa bonté était sans égale. Elle aimait les enfants, elle aimait les choses simples et pour profiter de ce qui lui était offert, elle a su mettre cette incroyable fierté de côté. J'ai vu dans son regard une passion dévorante pour la peinture et pour tout ce qui lui était précieux. Je l'ai vu aimer comme une fille, aimer comme une sœur, aimer comme une mère et aimer comme une femme. En ces quelques jours, elle est passée du rire au cri, du bonheur à l'agacement, du plus haut au plus bas, achève-t-il, faisant référence à cette affreuse période qu'a subie la jeune femme. Mais ce qu'on retiendra d'elle est qu'elle était une femme forte et passionnée à qui la vie a été enlevée trop tôt. Que Phœbé repose en paix, car elle le mérite.

Tout a été dit. Son petit bébé était tout cela. Une femme forte et fière possédant un cœur plus grand que ce qu'elle ne laissait paraître. April le remercie silencieusement du regard pour ces mots auquel Calum répond d'un léger sourire. Elle est si heureuse qu'elle ait eu le temps de s'ouvrir au monde avant de le quitter. Son regard se détourne dans un malheureux hasard et elle découvre un énorme loup noir plus loin. Il se tient fièrement et assiste attentivement au déroulement des funérailles. Chad... Elle éprouve une telle compassion à son égard... Elle n'imagine pas sa douleur d'avoir perdu sa moitié... Péniblement, son attention revient sur le cercueil qui disparaît sous la terre et un hurlement déchirant couvre sa peau de chair de poule alors que le loup disparaît dans la sylve.

✹↞♝↠✹

Souvent, il se demande comment ils en sont arrivés là. Pourquoi lui avait-elle fait confiance aussi aveuglément ? Quelle chance avait-il eue pour qu'il soit lié à une femme aussi superbe ? Et par quel miracle avait-elle accepté de l'aimer malgré tout ce passé ? Ces questions tourmentaient sans cesse son esprit fébrile. Il se souvenait encore du son de sa voix. De son rire harmonieux et de son éblouissant sourire. De la douceur de sa peau sous ses doigts et de la chaleur de son corps contre le sien. Et par-dessus tout, il se souvenait des frissons qui couvraient sa peau lorsqu'elle surprenait son regard sur elle. Il l'adorait tant. L'admirait sans limite. L'aimait comme il n'était pas permis.

Au début, il se rendait à plusieurs reprises sur sa tombe toujours fleurie, toujours propre. Une amie. Une fille. Une âme-sœur. Ces inscriptions affligeaient tout son être qui ne pouvait se résoudre à sa disparition. Il passait des nuits entières dans le froid alors qu'au gré des jours, son parfum disparaissait. Les images de son enterrement le torturaient inlassablement et lui oppressaient la poitrine. Debout, à la lisière de la forêt, la réalité ne l'avait que trop heurté. Son odeur se répandait dans l'air comme si elle était encore présente alors que ce cercueil blanc témoignait de son absence.

Il observait la scène. Sa famille et quelques membres de sa meute se tenaient là. Honorant sa mémoire. Il avait croisé le regard de quelques-uns, désolé, peiné, empli de pitié alors qu'ils la mettaient en terre. Rendant la chose tellement plus réelle. Renvoyant un spectacle qui n'avait fait que l'accabler un peu plus. Dans un hurlement, il s'était de nouveau enfoncé dans la forêt, enfoncé dans la frénésie, car c'est à ce moment que son âme avait commencé à dépérir. Ses hallucinations se multipliaient. Ses pensées irrationnelles avec elles.

Comment avait-elle pu l'abandonner ? Si tôt après lui avoir pardonné ? Comment pouvait-il lui en vouloir alors que tout cela était de sa faute ? Il aurait dû l'écouter elle ainsi que son père et la laisser tranquille. La pensée naïve que cela aurait sûrement changé la donne le rongeait systématiquement. Quelque part, il savait que cela était faux, mais comment pouvait-il en être sûr ? Le jour de sa mort était ancré dans sa mémoire et rendait l'écoulement des jours d'une agonisante lenteur. Son cœur meurtri, victime d'un gouffre sans nom, demeure le seul témoin de l'annihilation de ses sentiments. Seule la démence perdurait durant ces nuits a erré où il l'apercevait, l'appelant et dansant parmi les arbres.

Il la poursuivait. Sa douce voix l'appelant encore et encore. Son doux rire l'attirant incessamment. Chaque jour, son esprit et son loup se détachaient un peu plus, car cela faisait bien longtemps que sa forme humaine n'est plus. La seule pensée qui le réconfortait et qui apaisait ses peines était que lorsque tout cela serait fini, il la rejoindrait dans le ciel. Il serait de nouveau réuni. Et cela pour l'éternité...

𝐴𝑟𝑡𝑒́𝑚𝑖𝑠 : 𝐿𝑒 𝐶𝒉𝑎𝑛𝑡 𝑑𝑒𝑠 𝐿𝑜𝑢𝑝𝑠 [𝑇𝑂𝑀𝐸 𝟣]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant