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- Chad ? geint Phœbé. Je m'ennuie... !

Affalée sur le canapé, le dos sur l'accoudoir et les jambes en l'air, la jeune femme mange voracement du pop-corn face à un écran noir. Cet aliment lui plaît seulement au goût, car ses grains qui se coincent dans ses dents sont l'une des choses les plus désagréables qu'elle puisse subir.

- Tu t'ennuies parce que rien ne t'intéresse, soupire l'Alpha qui a revêtu sa paire de lunettes rondes.

Pas de vielles lunettes ringardes, non, de belles lunettes qui ajoutent à son charme et à son taux de sex-appeal déjà très haut.

- Je vois que tu as trouvé de quoi te distraire, s'amuse-t-il, remarquant son regard insistant.

Ses prunelles d'or ne perdent pas en intensité derrière les verres et son sourire reste éblouissant et ravageur. Terriblement beau. Terriblement dangereux. Les plus belles choses nous hypnotisent au point de nous faire oublier que la rose a des épines, que l'amour a ses limites et que la beauté est un poison dissimulé.

- Tu as quel âge ? commence-t-elle en continuant de s'empiffrer.

- Humainement, j'ai vingt-sept ans.

- Et surnaturellement ? poursuit-elle empreint de curiosité.

- Trois millénaires.

- Ah ouais, enchaîne-t-elle nullement impressionnée, mais sceptique ; tu es vieux... Ça fait de toi un pédophile, non ?

L'Afro-Américaine pouffe en levant les mains en signe d'innocence lorsqu'il lui envoie un regard des plus meurtriers, jamais vu sur Terre auparavant.

- Mais dis, en trois millénaires, tu n'as trouvé personne d'autre à emmerder avec tes histoires d'âme-sœurs ? De plus, si je puis me permettre, d'un point de vue logique, ce sont des âmes-sœurs donc si j'en suis la logique, c'est de l'in...

- Phœbé, soupire-t-il ; je ne sais pas quel genre de clowns, loin d'être amusants, tu as avalé ce matin, mais tais-toi.

Le corps de la concernée est secoué par de légers ricanements. Il semble qu'il ne connaisse pas ce détail si propre à elle. L'ennui a toujours raison d'elle. Les blagues nulles. Les paroles inutiles. Les piques inoffensifs qui peuvent devenir blessants. Tous ces détails qui font d'elle une véritable chieuse.

- En trois mille ans, vous avez eu combien de conquêtes ? Une petite centaine ? Mille ? Ou peut-être bien autant que votre existence ? Avec un physique pareil, c'est tout à fait plausible.

- J'apprécie le compliment, mais je n'ai pas de temps à perdre avec les conquêtes si ce n'est que celles territoriales.

- Vous mentez, l'accuse-t-elle. À moins que vous n'ayez eu une esclave sexuelle ou une sorte de « chose » ou que vous ne soyez...

- Je crois que la rivière t'a épuisée au point de t'enlever toutes traces d'intelligence et de lucidité, assure Chad, dubitatif. Alors, repose-toi et ta bouche aussi par la même occasion.

D'un coup, elle se redresse, renversant quelques grains de pop-corn sur le sol et observe l'homme, qui fait de même, face à elle.

- Tu as détourné la question, affirme-t-elle. Vous en aviez une. Assume-la, je ne suis pas du genre rancunier sur les actions passées.

L'Alpha soupire. Son humeur taquine lui plaît. Elle le sait. Elle le voit au sourire qui, de façon presque indiscernable, fend les commissures de ses lèvres. Il aime lorsqu'elle communique. Même quand elle ne fait que lâcher des idioties comme à cet instant.

- C'est bien beau de discuter avec vous, Monsieur l'Alpha, mais je sors. C'est en restant ici que je vais devenir folle.

- Je viens avec toi, affirme-t-il en posant son ordinateur portable, sa paperasse et tout ce qu'il a pris pour créer son bureau improvisé.

- Je suppose que je n'ai pas le choix, marmonne la jeune femme en l'imitant avant de prendre la direction de la porte d'entrée.

La nuit est déjà tombée et pourtant, tous courent dans tous les sens à l'extérieur. Au loin, une intense lumière attire l'attention de Phœbé qui suppose avoir affaire à un énorme feu de camp. Sans prendre en compte l'autre cinglé dans son dos, elle s'y aventure. Certains membres la saluent modestement tandis qu'elle s'approche du centre de l'agitation. Comme elle l'a deviné, un feu s'élève dans la pénombre et crépite agréablement. Autour, pareil à P.E.L.I, des personnes sont installées : couples, amis, familles alors que des mètres derrière, plusieurs tables sont collées, plus d'une centaine.

- Pourquoi vous ne m'avez pas dit qu'il y a un dîner ? le questionne-t-elle en le dévisageant du coin de l'œil.

- Je pensais que tu étais insociable, se justifie-t-il ; que tu n'aimais pas la communication et tout ce qui regroupe l'interaction avec les autres, donc, je n'ai pas vu l'intérêt de te le dire, finit-il.

- Ouais, c'est ça, braille l'Afro-Américaine ; je peux ajouter séquestreur à votre liste peu valorisante.

Continuant son acheminement, assistée par le léger rire de son accompagnateur, la jeune femme se fait intercepter par une main qui se pose sur sa cuisse. Elle baisse les yeux et découvre un enfant haut comme trois pommes, tenant avec difficulté sur ses petits pieds. Impuissante devant cette bouille joufflue et innocente, elle se courbe et le saisit sur sa hanche.

- Bonsoir, jeune aventurier, sourit-elle. Que puis-je pour toi ?

Le bonhomme ne lui répond pas et prend son visage en coupe à l'aide de ses doigts empotés avant de sourire de manière joviale.

- A-Alpha, bégaie-t-il en la fixant droit dans les yeux.

- À ce qu'il paraît, s'adoucit-elle. Et comment tu t'appelles, bonhomme ?

- Chayton !

Cette sonorité la pousse à détailler l'enfant de plus près et ses traits indiens ainsi que sa peau bronzée lui sautent aux yeux. Un magnifique bébé d'origine indienne.

- Tu es beau, tu sais, le complimente-t-elle en lui embrassant sa joue rebondie ; et en plus, tu sens bon le bébé.

À plusieurs reprises, elle lui embrasse la joue et finit par lui poser une question importante : où se trouve sa mère ? À ce moment, elle entend une femme qui hèle le prénom de son petit compagnon. Ce dernier se débat et une fois au sol, il avance du mieux qu'il peut en direction de sa mère. Celle-ci le gronde jusqu'à ce qu'il pointe Phœbé.

- Et c'est moi, le pédophile, lui chuchote Chad à l'oreille avec amusement.

- Ce n'est pas la même chose, le contredit-elle. J'aime juste les enfants et j'ai dix-neuf ans alors que vous, vous avez près de cent soixante fois mon âge et vous êtes là à attendre de moi que je fasse des choses qu'une jeune n'est pas censée faire avec un vieux.

- Je suis vieux uniquement si tu te préoccupes de mon vécu, physiquement, génétiquement, j'ai vingt-sept ans.

- Mentalement aussi, il semble que votre long vécu n'a pas eu raison de votre maturité.

Durant de longues secondes, ils se défient du regard, chacun soutenant sa vision des choses. C'est la mère de Chayton qui vient timidement les interrompre toutefois, le plissement de leurs yeux affirme une chose : cette discussion est remise à plus tard.

𝐴𝑟𝑡𝑒́𝑚𝑖𝑠 : 𝐿𝑒 𝐶𝒉𝑎𝑛𝑡 𝑑𝑒𝑠 𝐿𝑜𝑢𝑝𝑠 [𝑇𝑂𝑀𝐸 𝟣]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant