𝐴𝑟𝑡𝑒́𝑚𝑖𝑠 : 𝐿𝑒 𝐶𝒉𝑎𝑛𝑡 𝑑𝑒𝑠 𝐿𝑜𝑢𝑝𝑠 [𝑇𝑂𝑀𝐸 𝟣]

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Fatiguée. Épuisée. Éreintée. Ces trois mots tournent en boucle dans son esprit tant il résume son état actuel. Les paupières infiniment lourdes et la tête difficilement maintenue par sa paume, Phœbé lutte contre le sommeil en tentant vainement de faire attention à ce que raconte sa mère installée sur le siège passager.

- Bébé, tu m'écoutes ? s'assure April en jetant un coup d'œil dans le rétroviseur.

- Chérie, elle doit être fatiguée, soupire doucement Jay, assis au volant. Elle vient de faire à peu près cinq heures de vol de Toronto. D'ailleurs, c'est courageux de ta part, la félicite-t-il en lui lançant un bref regard.

Un faible grognement échappe à la jeune femme pour seule réponse. Elle n'a pas fermé un œil durant tout cet horrible vol. Elle ne pouvait pas se permettre de se droguer aux somnifères alors qu'elle était seule, l'obligeant, de ce fait, à se contenter de comprimés contre le mal des transports complètement inefficaces. Ce trajet aérien a été le pire de toute sa vie, à tel point qu'elle a regretté sa décision de partir, allant jusqu'à l'idée de sauter de ce maudit avion.

- Dis-moi, où est Chad ? demande sa mère suivant à peine trois minutes de silence.

- Au Canada, articule l'Afro-Américaine, les yeux clos.

- Alors pourquoi vous n'êtes pas rentrés ensemble ? poursuit April à son grand désarroi.

La prochaine fois, elle prétendra ne pas connaître la réponse, peut-être que cela évitera la curiosité de s'emparer d'elle et de lui faire subir un interrogatoire.

- Pourquoi n'y es-tu pas restée ? intervient son père, intrigué. Je pensais que ce lien d'âme-sœur empêchait tout éloignement ?

Maintenant, le coup du papa poule. Il ne manquait plus que ça.

- J'avais juste besoin de... m'éloigner, répond la jeune femme d'un ton détaché.

- De t'éloigner ? réplique Jay avec un agacement palpable. Que t'a-t-il fait ? Je ne t'ai pas confié à cet abruti pour qu'il ait l'audace de te laisser seule !

- Il ne m'a rien fait..., soupire-t-elle.

D'une oreille distraite, Phœbé écoute April qui tente de calmer son époux qui peste de plus en plus fort.

- Évite de nous tuer, déclare l'États-Unienne en constatant que la voiture adopte une allure plus rapide. C'est moi qui dois me le coltiner et pourtant, je n'ai tenté de tuer personne.

- Je te trouve bien irritée, commente sa mère.

- Et aussi très maigre, raille sa fille. Tu m'as déjà fait la remarque, merci, maman.

- Excusez-moi, Mademoiselle je suis de très mauvaise humeur, ironise April en roulant des yeux. Dorénavant, je vous laisserai tranquille, Sa Majesté.

C'est ainsi que le calme revient doucement dans l'habitacle jusqu'à ce qu'ils arrivent à destination. Phœbé descend ses affaires et les monte dans sa chambre qui n'a pas changé d'un poil avant de s'affaler sur le lit froid. Et malgré son acharnement pour ne pas s'endormir, la fatigue l'emporte.

✶❍✶

- Hayden... ? Hayden, tu es là ?

Le silence glacial répond à sa question et sans pouvoir s'en empêcher, elle sanglote. Qu'a-t-on fait de son homme ? Un bruit de chaînes résonne sur sa droite, la faisant sursauter et l'espoir grandit en elle.

- Hayden... ? se risque-t-elle encore une fois.

- Oui, Aliénor, je suis là..., répond péniblement un homme.

- Comment vas-tu ? Que s'est-il passé ? Nous déjeunions et puis...

Et puis quoi d'ailleurs ? Elle ne s'en rappelle plus, si ce n'est qu'une explosion à quelques mètres de leur terrasse extérieure. Oui, c'est bien cela. Son sourire qui s'évanouit, les cris qui surgissent de partout... et cet énorme loup noir qui jaillit de la forêt qui détermine la limite du territoire vampirique. Ce loup a-t-il perdu la tête ? A-t-il oublié le traité entre les vampires et les loups-garous ?

-  Que nous veut-il ? demande-t-elle finalement.

-  À mon avis, il ne veut que passer le temps, déclare Hayden. Du moins, sa partie clébard qui semble avoir pris le dessus.

Un puissant cri résonne et la femme reconnaît aisément la voix de sa meilleure amie. Elle tente de se redresser, seulement, des chaînes retiennent ses poignets et ses chevilles. Non... Non !

- Claire ? Claire ?! Claire ! hurle-t-elle.

- Boucle-la ! intervient un homme derrière la porte. À l'heure qu'il est, ta « Claire » doit être morte, ricane-t-il. Et bientôt, ce sera ton tour, à toi et à ton compagnon.

- À qui crois-tu t'adresser ?! rugit ce dernier en tirant violemment sur ses liens.

Un râle de douleur fait écho dans la pièce et alerte Aliénor qui malgré sa volonté, n'y voit absolument rien. Comment est-ce possible ? Pourquoi sa vue est-elle si altérée ? Elle est une vampire, voir dans le noir ne devrait pas être un problème.

- Hayden ?

- Il doit être dans les vapes, cet imbécile, se moque le gardien. Je pensais qu'après s'être fait électrocuter trois fois, il se calmerait.

Le rire gras du geôlier brui un instant avant qu'il ne se taise. Alors, c'est cela ? Ces chaînes ont de l'électricité qui s'active dès qu'un geste brusque est commis ? Ce cinglé est sadique à ce point ? D'ailleurs où sont-ils ? Et vont-ils s'en sortir ? Les larmes se mettent à perler sur ses joues et bientôt, les sanglots s'emparent silencieusement d'elle, faisant trembler chacun de ses membres.

Cela ne peut pas être réel... Ce doit être un cauchemar... Un horrible cauchemar... Oui, c'est sûrement cela et elle ne tardera sûrement pas à se réveiller. Pourtant, plus le temps passe et plus la réalité la rattrape. Les cris qui font écho dans ces lieux sont incontestablement vrais. La douleur. La peur. La tristesse. La détresse. L'espoir. Tous ces sentiments qui animent les pleurs, les dialogues entre voisins de cellules, les hurlements et aussi, les prières.

Tant de détails de plus en plus insupportables qu'elle ne peut qu'enfouir, attendant le réveil de son époux, le prince des vampires, le père de l'enfant qu'elle porte depuis quelques semaines maintenant...

✶❍✶

Les yeux fixés sur le baldaquin en bois, couvert d'un léger drapé blanc, Phœbé n'en revient pas. Ce vampire a une femme ? Et cette femme, la femme de Hayden était enceinte à cette époque ? Où peut-elle bien être à l'heure d'aujourd'hui ? Où peuvent-ils bien être à l'heure d'aujourd'hui ? Chad n'a pas pu tuer une femme portant la vie, non, il n'a pas pu. Malgré toute cette folie, il n'a pas pu oser commettre un tel crime. Elle doit être en sécurité quelque part et lui, ne doit souhaiter que vengeance pour tous ces actes horribles de maltraitances. N'est-ce pas ?

L'impression qu'elle se fourvoie vient s'opposer à la réalité qu'elle s'impose et troubler ses pensées. Si elle y croyait dur comme fer, autant qu'elle le prétend, la jeune femme ne devrait pas tant essayer de s'y convaincre, non ? Si cette hypothèse était la bonne, son instinct ne lui crierait pas de faire attention, qu'elle fonce droit dans un mur, non ? Inspirant profondément, l'Afro-Américaine ferme ses yeux, une migraine faisant sa soudaine apparition, accompagnée de la brutale sensation de devenir complètement folle.