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Assise à la table d'honneur, soit à la table familiale, Phœbé avale avec exaspération son dessert qui se traduit par une barre de gâteau au chocolat. Jusque-là, il n'y a aucun problème : la taille est plus qu'acceptable. Mais que dire lorsque l'entrée se résume à un malheureux tartare de saumon gastronomique et que le plat de résistance, également gastronomique, ne contient que deux malheureux steaks, deux malheureuses petites pommes de terre et deux malheureux brocolis avec de la sauce dispersée sous forme de points pour donner l'impression, totalement opposée de la réalité, d'avoir une assiette pleine ?

Que dit-elle dans ces conditions ? Son ventre ne fait que crier famine face à ce dîner qui s'apparente à un vulgaire apéritif. Décidément, cet anniversaire devient un peu plus ridicule qu'il ne l'est déjà au fur et à mesure que la soirée avance et la jeune femme craint pour la suite des événements.

Cette dernière lève les yeux afin de vérifier que le monde ne s'est pas écroulé tant elle est concentrée sur son plat et croise le regard brun de Matthew, le benjamin, qui est installé juste en face d'elle. Il lui fait un clin d'œil qui se veut charmeur tout comme son sourire toutefois, il ne fait que lasser l'États-Unienne un peu plus. Roulant des yeux, elle signale à sa mère qu'elle se rend aux toilettes et se met debout avant de monter à l'étage. Une fois sa vessie libérée, Phœbé lave ses mains et au moment de sortir, la porte s'ouvre sur Matthew. Hourra.

- Pardon, je sors, l'informe-t-elle en constatant qu'il bloque la sortie.

- Pourquoi faire ? sourit-il. On peut tout autant s'amuser, ajoute-t-il en s'approchant dangereusement de sa personne.

- Je ne suis pas intéressée, au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, peste la jeune femme. Alors, je me répète : pardon, je sors.

- Pourquoi fais-tu la difficile ? Tu veux te faire désirer ? Un peu plus ? Tu ne crois pas que tu m'as fait suffisamment attendre ?

Un sourire salace prend place sur ses lèvres ainsi qu'un air des plus mauvais alors qu'il se rapproche encore jusqu'à ce que son dos bute contre le mur. Est-ce une mauvaise plaisanterie ? Si c'est cela, il a intérêt à s'arrêter tout de suite parce que ses nerfs lâcheront très prochainement.

- Matthew, arrête tes conneries, le conseille-t-elle.

- Sinon, quoi ? ricane-t-il. Tu vas me frapper ?

L'une de ses mains empoigne sa gorge pendant que l'autre se loge sur sa hanche et la remonte lentement avant qu'elle ne redescende sur ses fesses. Et c'est à ce moment précis que ses nerfs cèdent, à ce moment où Chad lui revient en mémoire. Cet imbécile aime ce geste également, sensation de domination quand tu nous tiens et il ne lui faut que ça pour lui donner un coup de genou dans l'entrejambe.

- Sale p...

Phœbé ne lui donne pas le temps de finir, et enchaîne avec un coup de pied en pleine tête, le mettant à terre. Pourtant, la jeune femme ne s'arrête pas là et se met à le rouer de coups. Coup de pied sur coup de pied, sans lui donner la moindre chance. De toutes les façons, lui-même n'a pas eu l'intention de l'épargner.

- Tentative de viol, n'est-ce pas ? lui lance-t-elle avec amusement. La femme n'est pas aussi faible que tu ne le pensais, vois-tu ? Pauvre chien, lâche-t-elle en balançant une dernière fois son pied sur cet individu qui est déjà en position fœtale. Essaie encore une fois et je te jure que je te tue, j'ai déjà assez de problèmes pour t'ajouter à la liste.

Sans rien ajouter, elle l'enjambe afin de sortir des toilettes et rejoint ses parents comme si de rien n'était, à l'instant où la pièce montée, sûrement aussi grande qu'elle au sol, se fait couper par le vieux couple.

✶❍✶

- Hayden ? souffle faiblement Aliénor.

- Oui, ma chérie ?

- Cela va faire quelques jours que nous sommes enfermés dans ces lieux et je devrais sûrement attendre que nous y sortions pour te le dire, mais à supposer que ce ne soit pas le cas, je tiens à te dire que je t'aime de toute mon âme, au-delà de la mort qui nous paraissait si futile dans le passé, mais qui est si près de nous aujourd'hui... Et par-dessus tout, il est temps que je t'avoue que je p...

À cet instant clé, alors que la femme prend son courage à deux pour lui avouer que cela va faire quelques semaines qu'elle porte leur enfant, la porte de leur cellule s'ouvre dans un insupportable grincement. Des yeux rougeoyants scintillent dans la noirceur et un rire cynique résonne tandis que des pas se font entendre. Aliénor se fait brusquement empoigner le bras et malgré ses protestations, elle est entraînée dans un couloir éclairé de faibles lanternes ainsi que son époux qui lutte derrière.

- Pourquoi faites-vous cela ? lance la vampire à l'intention de l'homme dont elle discerne difficilement la silhouette. Que vous avons-nous fait ? poursuit-elle en entendant aucune réponse.

- Ferme-la, lui crache l'individu qui lui tient le bras.

- Je ne vous parle pas alors vous, mettez-la en sourdine, rétorque-t-elle sèchement.

Un grognement s'élève seulement, un autre plus puissant l'interrompt et la femme n'a le temps de se satisfaire de cette soumission qu'une autre porte grince et que la lumière de l'extérieur vient l'aveugler, l'obligeant à fermer les yeux. Un gémissement lui échappe face à ce soudain éclaircissement et lorsque sa vue s'y habitue, Aliénor découvre avec effroi l'extérieur qui se résume à un sol de pierre, jonché de cadavres entassés. Des gorges tranchées, des poitrines béantes, des visages défigurés et surtout, des morts de sa grande famille.

Un haut-le-cœur l'envahit toutefois, elle tient bon et se laisse traîner au centre de cette scène digne d'un affreux cauchemar avant de faire face à Hayden qui ne la quitte pas des yeux. Néanmoins, l'homme au regard de rubis coupe leur contact visuel de toute sa grandeur et la fixe avec folie.

- Le sait-il ? demande-t-il, d'une voix extrême rauque.

- Je n'en ai pas eu le temps, répond-elle en comprenant parfaitement de quoi il est question.

Contrairement à ce qu'elle pense naïvement, il ne semble aucunement pris d'une quelconque pitié ou compassion, non, la moquerie et le sadisme paraissent être les seules émotions qui l'atteignent. Et quand il saisit sa gorge et la soulève jusqu'à ce qu'elle ne touche plus le sol, Aliénor comprend parfaitement qu'elle y passera comme eux tous.

- Lâche-la immédiatement ! ordonne Hayden qui tente désespérément d'échapper à la prise des sbires de ce loup.

- Trouve la force de pardonner, mon amour, lui souffle Aliénor en souriant fébrilement. Car je l'ai déjà fait, nous l'avons déjà fait, lui et moi, le bébé et moi.

Les yeux de son amour de toujours s'écarquillent et la vampire est propulsée des mètres plus loin. La douleur envahit chaque parcelle de son corps et en ouvrant difficilement les yeux, ils plongent directement dans le sien emplit de cruauté et de frénésie.

- Que le pardon vous soit accordé ainsi que l'amour, murmure-t-elle accompagné d'une unique larme.

Tels ont été ses derniers mots avant que la vie ne lui soit arrachée, car sa bonté n'avait d'égal.

𝐴𝑟𝑡𝑒́𝑚𝑖𝑠 : 𝐿𝑒 𝐶𝒉𝑎𝑛𝑡 𝑑𝑒𝑠 𝐿𝑜𝑢𝑝𝑠 [𝑇𝑂𝑀𝐸 𝟣]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant