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- Je n'irai pas chercher mes affaires avec vous ! Je ne vois même pas l'intérêt d'y aller puisque je ne veux pas rester ici ! s'écrie Phœbé en faisant de grands gestes avec ses bras.

- À quel moment t'ai-je demandé ton avis ? aboie Chad, en la fusillant du regard. Soit, tu viens et tu te tais, soit, tu restes ici et quelqu'un s'en charge ! Mais sache que tu ne sortiras pas de mon territoire de si tôt.

- Vous êtes en train de me menacer de m'enfermer ? s'enquiert Phœbé. Vous croyez que vous allez m'empêcher de voir mes parents ? Les quelques jours qui sont passés vous ont laissé croire que vous pouviez m'imposer toutes vos décisions ?

- Écoute-moi bien, grogne-t-il. C'est très simple : ou tu te dépêches, ou quelqu'un y va à ta place. Tu as une demi-heure.

L'homme quitte la chambre et la jeune femme se dirige d'un pas traînant dans la salle de bain. Vraisemblablement, elle n'a pas le choix au risque de ne pas revoir ses parents avant longtemps, car il en est très certainement capable. Et cela, elle ne le supportera pas.

✶❍✶

Garés dans l'allée de sa maison en ce samedi matin, Phœbé sent le stresse monter en elle en constatant que les deux voitures sont présentes. Elle jure dans sa barbe et ouvre la portière. Le conducteur, nul autre que son fardeau, l'imite.

- Vous ne comptez pas rentrer ? se soucie-t-elle. Parce que je ne pense pas que vous soyez le bienvenu. En fait non, vous ne mettez pas un pied chez moi.

Il soupire d'agacement néanmoins, il respecte sa décision et s'installe sur le capot de la voiture. À grandes enjambées, Phœbé atteint le perron et baisse la poignée avant de héler ses parents. Rapidement, son père apparaît, le teint blafard, l'air d'avoir pris un soudain coup de vieux par la faute des énormes poches sous ses yeux. Ces derniers s'ouvrent grands comme des soucoupes en l'apercevant puis deviennent luisants.

- Hey..., souffle timidement la jeune femme.

Elle a à peine le temps de réagir qu'elle se fait capturer dans les énormes bras de son père. Elle répond à son étreinte en passant ses fins bras autour de sa taille.

- Oh, ma princesse..., chuchote-t-il en la berçant doucement. Où étais-tu passée ? Nous nous sommes tant inquiétés.

- C'est assez compliqué à expliquer, répond-elle simplement alors qu'en vérité, il n'y a rien de plus évident à raconter que les événements passés. Où est maman ? reprend-elle en ne la voyant pas arriver.

- Dans ta chambre, dit-il. Elle ne l'a pas quitté de la semaine... Tu devrais y aller, assure-t-il en se détachant de son petit trésor.

La jeune femme ne se fait pas prier, embrasse la joue de son père et accourt dans sa chambre. Sa mère est couchée sur son lit, dos à elle et tient un énorme ours blanc entre ses bras. Elle le reconnaît immédiatement. Il lui a été offert quand elle était encore une enfant par celle-ci et elle ne l'a jamais quitté même maintenant qu'elle est une jeune femme de dix-neuf ans.

Sans un mot, elle contourne le lit et s'allonge à côté d'April. Les lèvres de cette dernière se mettent à trembloter et des larmes roulent sur son visage avant de mourir sur le matelas.

- Alors c'est ton tour ? commence-t-elle, la voix éraillée : signe qu'elle a déjà pleuré auparavant. Tu es venue chercher tes affaires ?

- Maman..., murmure-t-elle en tentant tant bien que mal de ravaler ses larmes. Ne pleure pas...

Tendrement, sa mère glisse sa main sur sa joue, le visage maintenant baigné de perles salées.

- Je t'aime tellement, ma chérie... Tellement...

Ses yeux clairs et luisants la détaillent scrupuleusement tandis que Phœbé détourne le regard, les lèvres pincées afin de ne pas avoir à subir ce spectacle. Par sa faute, sa mère pleure. La seule femme qui a su la chérir comme sa propre fille pleure par sa faute. Ou plutôt par la sienne. Elle ôte la peluche qui les éloigne et enlace délicatement la rousse.

- Je suis désolée, maman..., couine l'Afro-Américaine.

La jeune femme resserre son étreinte autour du corps secoué par les sanglots silencieux de sa mère et finit par céder à ses émotions. Les yeux fermés, elle laisse cette eau salée couler sur ses joues et plonge son visage dans le cou d'April. Comment se pardonnera-t-elle de faire subir cela à cette femme ? Cette femme qui n'a qu'elle comme unique enfant ? Cette femme qu'elle aime autant ? Durant plusieurs minutes, si ce n'est pas des heures, elles restent ainsi : blotties l'une contre l'autre.

- Il est où ? demande doucement la quadragénaire de son timbre cassé.

- Dehors, annonce l'étudiante. Je ne voulais pas qu'il rentre alors je lui ai demandé d'attendre dehors.

- Pourquoi as-tu fait cela ? l'interroge-t-elle. Je veux voir à quoi ressemble l'homme avec qui tu vas passer le reste de ta vie.

April se redresse, essuyant l'humidité sur ses joues, seulement, les traces perdurent sur son visage au teint laiteux déjà incroyablement rougi. Elle tente un pitoyable sourire censé être joyeux et arrête en croisant le regard explicite de sa fille.

- On les fait, tes valises ? enchaîna-t-elle.

En devinant que la rousse ne désire qu'une chose : se plonger dans une activité afin d'oublier la réalité, la jeune femme opine et l'observe attraper une valise noire à la droite de son armoire.

- Alors que prends-tu ? questionne-t-elle en ouvrant les portes du placard.

Portant un regard coupable sur le dos de sa mère, Phœbé la rejoint et commence à envoyer des vêtements au hasard sur le lit. Elle prendra sûrement tout, car tous les vêtements présents à l'intérieur sont des vêtements qu'elles portent et aiment. À côté, sa mère se chargea de plier et de ranger dans la valise. Dans le plus grand des calmes.

𝐴𝑟𝑡𝑒́𝑚𝑖𝑠 : 𝐿𝑒 𝐶𝒉𝑎𝑛𝑡 𝑑𝑒𝑠 𝐿𝑜𝑢𝑝𝑠 [𝑇𝑂𝑀𝐸 𝟣]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant