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- Quand pourrai-je rentrer chez moi ? demande Phœbé lorsque le sorcier finit son tour de soin après plus d'une heure.

- Cela ne dépend pas de moi, mais de votre âme-sœur, répond calmement Raleth. C'est lui qui vous a emmené ici donc c'est à lui de vous ramener chez vous.

La jeune femme roule des yeux, l'impression d'être retournée à l'époque où la femme était totalement dépendante de l'homme. Montrant son mécontentement dans un soupir, elle se redresse et manque de tomber au premier pas par la faute d'un objet non identifié qui traîne sur le sol. Elle reprend sa marche en ignorant le gloussement du sorcier et cette fois-ci, quelque chose bute contre sa tête.

Sans pouvoir se retenir, Phœbé pousse un cri qui se voit devenir suraigu quand elle entend avec surprise sa réaction imitée par une étrange créature qui se met à scintiller d'un magnifique bleu. Cet adorable être se présente sous la forme d'un petit dragon semblant avoir été conçu dans de la topaze bleue* par la texture brillante de sa chair.

- Bonjour, ravissante créature, sourit-elle après avoir repris son calme. Excuse-moi de t'être rentrée dedans.

- Bonjour, répond timidement le dragon. Mais c'est à moi de m'excuser, je n'étais pas visible.

- Puis-je ? demande la jeune femme en lui tendant sa paume.

En signe d'affirmation, il se pose dans sa main jusqu'à la moitié de son avant-bras et délicatement, elle le caresse en poursuivant son acheminement vers la sortie. Contrairement à ce qu'il paraît, sa peau est douce et chaude et non, rugueuse et sèche.

- Comment t'appelles-tu ? l'interroge-t-elle.

- Je n'ai pas de nom, déclare-t-il.

- Comment ça, tu n'as pas de prénom ? s'étonne la californienne. Raleth ne t'en a pas donné un ?

La petite bête secoue la tête négativement, la faisant soupirer. À tous les coups, ce sorcier doit l'appeler « la Chose », ni plus, ni moins.

- Tu es un mâle ou une femelle ? quémande l'ancienne étudiante. Enfin bref, peu importe, déclare la jeune femme face à l'air penaud que prend le dragon. Que dis-tu de Fysis ? Ou de...

Une porte claque violemment, détournant son attention de cette petite créature, et des pas résonnent fortement au rez-de-chaussée puis dans les escaliers et enfin dans le couloir dans lequel Phœbé se trouve. À moins de trois mètres, Chad lui fait face de toute sa grandeur, le regard alerte qui scrute la pièce, la poitrine se levant et s'abaissant d'un rythme rapide et les lèvres entrouvertes afin de reprendre son souffle.

Il est torse nu, le corps luisant de transpiration et gênée de cette vision affriolante, elle ne trouve d'autres solutions que de détourner les yeux. Sa respiration bruyante se rapproche et elle ressent immédiatement sa présence à une courte distance d'elle.

- Que se passe-t-il ? demande l'homme d'une voix extrêmement rauque. Je t'ai entendu et...

Intriguée par ce brusque arrêt, Phœbé lève les yeux et remarque ses iris ambrées braqués sur sa main toujours tendue et soutenant ce petit être bleuet. Ses sourcils se froncent et il jette à la jeune femme un bref coup d'œil.

- Tu as mal ? s'inquiète-t-il.

Il fait un pas en avant, seulement, à la dernière minute, il s'abstient et range ses mains dans ses poches. Un froid pesant s'installe au moment où Chad remet la distance initiale entre eux et elle ne croyait pas éprouver une telle frustration à cause de cette action.

- Non, ce n'est que...

- Il ne me voit pas, lance soudainement la créature.

- Mais je te vois, avance l'Afro-Américaine ; et je te parle.

- Oui, toi, mais pas lui. Et sois plus attentive, lui suggère-t-elle. Ta bouche ne bouge pas et ne produit aucun son : tout se passe dans ta tête. Et si je peux me permettre, tu ne devrais pas le juger par rapport à son passé. Laisse-lui une chance.

- Je...

- Phœbé ?

Cette dernière reprend contenance et croise les prunelles soucieuses de Chad. Est-elle folle ou simplement victime d'hallucinations ? Et de quoi se mêle-t-il ou elle ? La jeune femme pince ses lèvres en continuant de le fixer droit dans les yeux. Elle ne lui reproche pas particulièrement son passé, quoiqu'horrible, mais le fait qu'elle l'ait appris de la bouche d'un inconnu et non de la sienne. Elle aurait pu accepter son passé, elle l'aurait certainement fait. Sa mère lui a suffisamment fait comprendre que cela ne sert à rien de punir quelqu'un pour un passé où elle n'existe pas ; un passé qui a sûrement permis de construire une identité : l'identité de l'homme qui se tient face à elle.

Ses lèvres s'entrouvrent et se ferment. Cela à plusieurs reprises jusqu'à ce que finalement, elle décide de demeurer muette. Sa lâcheté, sa peur ou son manque de confiance en elle, quelles que soient ses motivations, lui ont causé deux semaines infernales, deux semaines où elle a frôlé la folie, deux semaines où elle s'est laissée mourir. Alors non. Elle ne lui donnera aucune chance, il se la lui procurera lui-même.

- On rentre quand ? questionne Phœbé d'un ton brusque.

- Demain matin, il est trop tard pour prendre la route maintenant, explique Chad.

La jeune femme acquiesce d'un air détaché et reprend son acheminement en direction des escaliers.

- Phœbé ? l'interpelle l'Alpha.

Phœbé... Ce prénom paraît si inapproprié dans sa bouche. Toutefois, elle n'a pas à s'en plaindre, elle lui a interdit de l'appeler par ce surnom qui, en vérité, fait frétiller son cœur. En soupirant silencieusement, l'intéressée ne se retourne pas, mais s'arrête.

- Je suis désolé, souffle sincèrement Chad.

Oui, elle aussi. Malheureusement, des excuses ne changeront absolument rien à ce qu'elle a vu, ils ne lui feront rien oublier, ils ne les feront pas revenir en Argentine où tout semblait beau. Dans le cas contraire, elle les accueillerait à bras ouverts. C'est pour cette raison qu'elle ne répond rien et descend les escaliers silencieusement, maintenant que son ami de petite taille s'est évaporé par enchantement.

Un flash de sa première rencontre avec Chad dans cette prison lui revient à l'esprit lorsque des paroles semblent lui caresser le dos. La Californienne s'immobilise, l'envie de faire demi-tour et de lui sauter dans les bras. Durant de longues secondes, elle hésite et puis, finalement, elle oublie cette idée ridicule.

𝐴𝑟𝑡𝑒́𝑚𝑖𝑠 : 𝐿𝑒 𝐶𝒉𝑎𝑛𝑡 𝑑𝑒𝑠 𝐿𝑜𝑢𝑝𝑠 [𝑇𝑂𝑀𝐸 𝟣]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant