𝐴𝑟𝑡𝑒́𝑚𝑖𝑠 : 𝐿𝑒 𝐶𝒉𝑎𝑛𝑡 𝑑𝑒𝑠 𝐿𝑜𝑢𝑝𝑠 [𝑇𝑂𝑀𝐸 𝟣]

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Voici maintenant plusieurs heures que les occupants de cette table ovale débattent sur les agissements d'Hayden Alexandesco. Aperçu au Nord, au Sud, à l'Est et à l'Ouest, il ne fait que provoquer la mort. Pourtant, au vu de cette situation désastreuse, Chad n'arrive pas à se concentrer. Des images malsaines défilent en chaîne dans son esprit : Phœbé et lui en train de coucher ensemble. Il n'a aucune idée de quoi découlent ces visions, mais elles s'avèrent être plus que gênantes dans ces circonstances.

En sortant du bâtiment la nuit tombée, l'Alpha soupire. La situation empire et bientôt, il n'aura d'autre choix que de finir ce qu'il a commencé. Cette besogne devait déjà être de l'histoire ancienne, mais il a fallu que ces imbéciles l'emprisonnent, car de ses mains il a anéanti une famille entière. De ses mains, il a tué chaque membre de la famille royale vampirique. De ses mains, il a détruit le règne Alexandesco. Et le seul compromis qu'ils ont trouvé pour empêcher la guerre a été de le condamner durant des siècles complets. Pourtant, ce n'est qu'une partie de la vérité. Il a commis bien pire et cela, Hayden voulait s'en venger.

- Chad ! Chad ! l'apostrophe une femme au loin qui accourt dans sa direction en faisant de grands signes de mains.

Une femme qu'il a du mal à identifier jusqu'à ce que Gordon lâche d'une voix moqueuse ce maudit prénom : Kélya, alias son ancienne « chose ». Phœbé serait sûrement ravie de la rencontrer. Lorsqu'elle arrive à sa hauteur, Chad remarque avec exaspération qu'elle n'a pas changé d'un pouce. Le même rouge à lèvres pétant, la même tenue provocante, soit un décolleté plongeant qui ne laisse aucune place à l'imagination quant à sa généreuse poitrine et le même regard sournois. À son plus grand malheur, cette femme semble pleine d'attentes le concernant.

- Je n'ai pas le temps, soupire-t-il en la contournant.

Et par-dessus tout, il n'a pas le temps de devoir une nouvelle fois se faire pardonner par Phœbé, car il est certain qu'une deuxième fois rime avec dernière fois. Sa main, aux doigts manucurés de ce même rouge, se pose sur son torse, lui arrachant un second soupir agacé. Il la connaît tenace, mais à ce point et dans ces circonstances, cela en devient plus qu'insupportable.

- Kélya, je n'ai pas ton temps. Je vais dormir et ensuite, je vais retrouver ma femme dans mon territoire demain matin.

- Ta femme ? pouffe-t-elle. Arrête tes bêtises et laisse-moi te faire du bien comme avant.

L'Alpha balaie sa main de son corps et la contourne. Plusieurs siècles sont passés et pourtant, cette femme n'a toujours pas trouvé un homme sérieux qu'elle pourra aimer, chouchouter et combler sexuellement. Dans son dos, il sent son regard meurtrier. C'est sûrement l'une des rares fois qu'elle essuie un refus de sa part. Seulement, le passé restera passé et il attendra le temps nécessaire pour être satisfait par la charmante demoiselle qui lui fait tourner la tête.

Il rejoint ses bêtas quelques mètres plus loin et leur jette un regard entendu. Cette rencontre avec cette femme ne traversera pas la frontière canadienne qui longe les États-Unis, elle demeurera ici, à Toronto.

- Alors que voulait-elle ? Retrouver les bonnes vieilles habitudes ? se moque Clugan.

Chad ne répond pas, mais cela suffit à ses deux compagnons pour comprendre que la réponse est affirmative. Ils regagnent chacun leur chambre se trouvant au SoHo Métropolitan Hôtel et le Sud-Américain se pose à la fenêtre, un verre de whisky dans la main. La vue imprenable sur les immeubles illuminés de mille feux et le trafic fluide de l'autoroute reposent ses sens en alerte constante.

- Comment va-t-elle ? demande-t-il à Isaac par le lien télépathique de la meute.

- Bien, elle est restée plus de trois heures au téléphone avec ses parents, mais je crois qu'elle s'ennuie de toi et qu'elle cherche de l'affection auprès des enfants de la meute, déclare son ami avec amusement.

- Tu crois ? rit Chad. Cela m'étonnerait beaucoup.

- Le caractère n'influe pas sur le lien d'âme-sœur, lui rappelle-t-il. J'en ai fait les frais avec Gladys durant des mois et pourtant, regarde-nous aujourd'hui.

Chad s'esclaffe en revoyant ce couple se disputer inlassablement pour des broutilles tout en gardant cette vive étincelle lorsqu'ils se regardent.

- Ce que je vais te dire t'insupportera sûrement, mais n'ai pas peur, elle ne te rejettera pas. Continue d'être toi et elle flanchera. Pas grâce au lien, mais grâce à toi.

- Je n'ai pas peur, grogne-t-il.

- Après tout, vous n'avez peur de rien, Alpha, rétorque Isaac avec sarcasme. Bon, je vais te laisser, ta chérie me fixe bizarrement comme si elle se doute d'un truc. Un peu trop maligne.

La liaison coupe et Chad finit son verre cul sec. Il n'a pas peur. En tout cas, il ne se l'avouera pas. Les rejets ont beau être rares, il peut très bien faire l'objet de ces situations insolites. De temps à autre, Phœbé baisse suffisamment ses barrières pour qu'il puisse les franchir seulement, il n'a jamais vu dans ce regard océan autre chose que de la méfiance.

Peut-être doit-il lui demander ses antécédents concernant ses congénères lycanthropes ? Peut-être doit-il prendre connaissance de ses relations de couple ? Cela lui permettra, peut-être, de saisir une chose qui, peut-être, lui échappe ? Souvent, il y pense, mais une question l'empêche d'oser : veut-il vraiment le savoir ? Tandis qu'il se penche sur le sujet, une autre interrogation lui vient : peut-être doit-il tout simplement lui dire la vérité sur ses antécédents ?

Elle meurt quotidiennement d'envie de l'interroger sur ce sujet. Il le sait. Il le voit. Son regard changeant et sa bouche entrouverte lorsqu'elle s'apprête à se jeter à l'eau. Et sa mine déconfite quand, à la dernière minute, elle se ravise. Il se sert un second verre de ce liquide ambré en soupirant. Il ne sait plus que faire.