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- Alors ? lance Juan. J'ai entendu dire que toi et la demoiselle ne communiquiez plus.

- Alors quoi ? grogne Chad. Elle finira bien par retrouver l'usage de sa bouche.

- Nous y croyons tous, raille son oncle. En tout cas, il semblerait qu'Enrique soit plus intéressant que toi pour le moment et l'on dirait bien qu'il essaie de te la piquer.

- Et ça marche ! enchérit Calum avec moquerie.

Chad serre la mâchoire en observant de son rocher, installé en hauteur et donnant un aperçu sur la lisière de la forêt et sur la rivière, Phœbé et ce petit morveux qui la suit sagement. Le garçonnet est à peine âgé de cinq ans, mais l'innocence dont il fait preuve et qui attire sa compagne alors que lui est sur le banc de touche lui tape considérablement sur les nerfs. Il devrait en avoir honte, mais il est terriblement jaloux de ce môme.

- Allez, va t'excuser, soupire Juan.

- Depuis ce matin, dix heures, elle ne t'a pas adressé ni un mot ni un regard ! déclare Calum. Et je tiens à préciser qu'il est dix-sept heures, se moque son cadet après un coup d'œil à sa montre. C'est la meilleure des solutions.

Peut-être a-t-il raison ? Cela va faire sept heures qu'ils se trouvent sur le site de cette rivière et Phœbé a communiqué au moins un mot à chaque individu présent sauf lui qu'elle prend le soin d'ignorer. Seulement, cette femme est tellement complexe que peut-être, les excuses sont la pire chose qu'il puisse faire. Mais a-t-il vraiment le choix ? Et puis, qui ne tente rien n'a rien.

Avec agacement, il se redresse et sous les encouragements, majoritairement moqueurs, des hommes de sa famille, Chad avance dans sa direction. À ce moment, la jeune femme lève la tête et en le voyant arriver, son sourire se meurt. Enrique, lui, se sauve littéralement en l'apercevant et rejoint ses cousins tandis que l'États-Unienne tente de faire demi-tour.

- Phœbé, souffle-t-il en glissant sa main dans la sienne, douce et délicate.

Il la retourne et dans un soupir, elle plonge son regard dans le sien. L'exaspération qui le remplit le ferait bien sourire, car il ressemble étrangement à celui de sa mère après une énième idiotie de son père.

- Je suis désolé, chuchote finalement l'Alpha.

- Non, tu ne l'es pas, le contredit aussitôt Phœbé. Tu crois que c'est ce que j'ai envie d'entendre, mais ce n'est pas le cas. Je veux uniquement la vérité.

- Certaines vérités ne sont pas bonnes à dire, Mía...

- Je n'ai pas confiance en toi, Chad, avoue la Californienne sur un ton de reproche. Je vis avec toi depuis un mois et tu ne daignes toujours pas me dire la vérité, s'irrite la jeune femme. Je t'ai dit que je ferai des efforts à condition que tu en fasses et des efforts, je peux t'assurer que j'en fais ! En récompense à cela, devine quoi : je tourne en rond dans une énorme baraque vide tous les jours ! Tu t'enfermes dans ton bureau, tu disparais le matin, tu caches des choses et tu mens, tu me mens ! Alors, ne viens pas me dire que tu es désolé si tu ne comptes pas changer les choses !

Ses doigts quittent rageusement les siens, son regard azur se pose un instant sur l'horizon et lorsqu'il s'ancre de nouveau dans le sien, une lueur étrange à l'intérieur, Chad se demande s'il appréciera les prochains mots qui sortiront de cette bouche. Et à son plus grand malheur, son sixième sens a vu juste.

- Est-ce que sacrifier ma vie de petite humaine asociale en valait la peine si c'est pour que tu me traites ainsi ? l'interroge-t-elle. Sincèrement et, réponds-moi, si c'est pour me faire si peu confiance au point de me cacher tant de choses, pourquoi ne m'as-tu pas laissé là où j'étais... ? Sans toi dans ma vie... Est-ce que cette situation en valait la peine ?

Quelqu'un lui aurait dit plus tôt que des mots peuvent être aussi douloureux, il l'aurait certainement envoyé bouler. Mais maintenant que cette phrase sort de sa bouche, de cette si belle bouche qui le torture quotidiennement, il se rend compte que les mots sont bien plus violents que toutes les guerres, tous les combats, tous les conflits qu'il a eu à affronter jusqu'à ce jour. Et la cicatrice qu'ils laissent dans sa poitrine est bien plus profonde que celles qui habitent sa chair.

Chad n'a pas pensé un seul instant que la femme devant lui pourrait avoir des doutes de cette ampleur. Que cette sublime femme qui le fixe avec attention pourrait lui lâcher ces mots. Qu'elle ne lui fasse pas confiance, il aurait pu le comprendre. Qu'elle lui fasse quelques reproches, il l'aurait accepté. Mais cela... Que va-t-il faire de ça ? Que peut-il répondre à cela ? Peut-être qu'il doit tout simplement lui dire ce qui lui passe par la tête ? Alors, il adopte un air inspirant au calme olympien et qui contraste avec l'animosité de ses pensées se bousculant dans sa tête avant de répondre :

- Oui, ça en valait largement la peine.

Ses doigts se posent sur sa peau qui se couvre de frissons, remontent sur sa poitrine où vibrent les rapides battements de son cœur et enfin, sur ses lèvres pleines qu'il caresse de son pouce. Ses yeux plongent dans les siens observateurs et dans un même geste, son visage se rapproche jusqu'à ce que leurs nez se frôlent. Phœbé tente de reculer, mais il la retient par la taille.

- Je le fais fonctionner, Mía, dit-il en référence à son corps. Et chacune de ces sensations, tu ne les trouveras nulle part ailleurs. Je suis sûrement un sacré imbécile de ne pas te traiter comme tu le mérites après t'avoir enlevé à ta vie, mais je te promets que dès que tout sera fini, je serai ton homme.

- Pourquoi tu ne peux pas l'être maintenant ? Qu'est-ce que tu me caches ? Certaines vérités ne sont pas bonnes à dire, mais les mensonges sont pires, Chad.

- Mon passé est sombre, Mía. Plus sombre que tu ne le crois. Plus sombre que tu ne pourrais l'imaginer. Plus sombre que tu ne pourrais le supporter. Alors, s'il te plaît, Mía : laisse ma vérité là où elle est, supplie-t-il.

Le Sud-Américain s'apprête à sceller cette demande, cette unique demande d'un baiser, mais alors que leurs lèvres vont se trouver, Phœbé pose son poing sur son torse, secoue la tête de gauche à droite et s'éloigne.

- D'accord, crache-t-elle, amère. Très bien. Qu'il en soit ainsi. Mais je ne te confierai rien, Chad. Rien qui ne puisse mettre ma santé mentale en danger.

D'un pas, elle se défait de sa prise affaiblie sur sa taille et lui tourne le dos. Vient-elle d'interdire tout sentiment, peu importe leur nature, envers lui ? Vient-elle de s'interdire à lui ?

- Elle n'en a pas le droit ! hurle soudainement son loup. Elle est nôtre ! Nôtre !

Elveyn grogne sauvagement et les barrières qui le retiennent se brisent sans aucune difficulté. Ses dents s'allongent, signe qu'il ne tardera pas à complètement se métamorphoser, pourtant il reste planter là, à la regarder s'éloigner. Pas seulement physiquement, mais aussi mentalement, émotionnellement. Elle vient de couper ce fin lien, à peine défini et plus il pense, plus son loup devient fou. Alors, avec le peu de contrôle qu'il lui reste, il s'enfonce dans la forêt et donne libre cours à son loup qui n'accepte pas cette décision.

Pourquoi ne peut-elle pas juste s'y faire ? Comprendre que les choses ne sont pas si simples ? Qu'il ne peut pas vivre sans elle autant qu'il ne peut pas tout lui confier ? Que son regard changerait si elle prend connaissance du sang qui coule sur ses mains ? Et de sa véritable nature ? Celle d'un sauvage sanguinaire et sadique ?

Ses foulées le mènent à la falaise et le hurlement de son loup déchire la paix des lieux, imposant le silence aux habitants de la forêt et par-dessus tout, implorant la lune, qui pointera bientôt le bout de son nez, de pardonner ces actes passés qui, aujourd'hui, lui coûtent la partie la plus importante de son être. Son âme-sœur.

𝐴𝑟𝑡𝑒́𝑚𝑖𝑠 : 𝐿𝑒 𝐶𝒉𝑎𝑛𝑡 𝑑𝑒𝑠 𝐿𝑜𝑢𝑝𝑠 [𝑇𝑂𝑀𝐸 𝟣]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant