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Le lendemain, Phœbé se réveille dans un piteux état : le cerveau embrouillé, le corps courbaturé et affamé comme un rat. S'asseyant au bord du lit, les yeux toujours clos, elle pose ses pieds souffrants sur le sol froid. Son odeur corporelle lui parvient brutalement lui arrachant une grimace. Elle empeste la sueur séchée. Elle ouvre les yeux et est surprise de constater que la pièce est plongée dans le noir par la nuit tombée.

D'un pas chancelant, elle gagna la salle de bain, difficilement trouvée. Comme à son habitude, elle évite les premiers jets glacés de la douche puis se faufile sous l'eau brûlante. Les événements de la veille lui reviennent alors, petit à petit, mais elle préfère les ignorer, les oublier pour le moment. Ne pas songer au fait que sa liberté se révèle en péril. Et que bientôt, son quotidien changera du tout au tout.

En retournant dans la chambre toujours plongée dans le noir, la jeune femme se décide à allumer la lumière. Et au lieu de s'émerveiller face à cette énorme chambre, un profond sentiment d'exaspération s'empare d'elle. La pièce, dont les trois quarts des murs sont peints en noir y compris le plafond, possède une baie vitrée implantée dans un mur de briques noires. Bien sûr, cette dernière donne sur une épaisse forêt survolée d'un fin brouillard. Juste en face du lit de couleur marron-gris, un dressing vitré aux portes coulissantes, de toute la longueur du mur, est aménagé. Il s'ordonne par genre et couleur, démontrant que le propriétaire frôle la maniaquerie. Le sol en parquet de chêne est la seule chose qui apporte un minimum de clarté.

Elle qui pensait que les loups sont synonymes de chaleur, elle se trouve déçue, mais peu étonnée de cette froideur.

Après avoir volé des vêtements, elle quitte la pièce et se retrouve dans un couloir sombre. Elle le traverse et arrive en haut d'un escalier qui conduit à une pièce bruyante et lumineuse. D'un pas assuré, elle descend une à une les marches et se dirige directement dans la cuisine adjacente à ce qui se trouve être le salon.

L'agitation s'arrête et elle sent sur ses épaules tous ces regards pesants. Mais, elle refuse d'y jeter un œil sachant parfaitement qu'il s'y trouve et qu'il n'attend que cela. En ouvrant le réfrigérateur, le corps de la jeune femme se fige. Des légumes, des fruits, des yaourts, des œufs. Il n'y a que ça. Rien d'autre. Aucun plat datant de combien de jours, aucune trace d'une quelconque viande. Rien. Uniquement des aliments de son régime nutritionnel.

Deux prénoms lui viennent à l'esprit en constatant cela : Clugan et Gordon. Ces deux pots de colle n'ont cessé de lui poser des questions aux pauses déjeuner. Des questions auxquelles elle répondait parfois brièvement, parfois complètement lorsque cela l'intéressait ou parfois le silence se chargeait de répondre à sa place.

Phœbé inspire profondément, essayant de garder son calme, puis ouvre le congélateur. Sa mâchoire se crispe et ses mains se raidissent sur la poignée. Des crèmes glacées au parfum vanille-pistache la regardent. Seuls ses parents savent qu'elle en raffole alors par quel hasard peut-il y en avoir ici...? L'étudiante se creuse les méninges et les deux mêmes prénoms reviennent... Brutalement, elle le referme et marche lentement jusqu'à la table placée au centre de la salle à manger. Elle pose ses mains dessus et étire son dos en arrière alors qu'un rire jaune résonne.

« Les descendants directs d'une grande famille de bêtas »

Ce salaud l'a réellement fait surveiller ? Il a vraiment fait ça ? Non, non, elle doit se tromper. Ce n'est pas possible. Ce cinglé ne peut pas connaître toute sa vie. Non. Elle ferme les yeux, la respiration de moins en moins contrôlée. Donc, elle se fait manipuler depuis le début ? Elle inspire une dernière fois puis se redresse. Son regard croise directement le sien. La scrutant avec attention. Tentant de déterminer ses probables réactions. Elle aimerait lui montrer son majeur, mais, elle est certaine que si sa main se déplace, elle saisira un couteau parmi ceux qui lui font face, et l'enverra sur lui.

Cette possibilité est jouissive toutefois, irréalisable. Donc, elle se contente, impuissante, de tapoter la table avant de reprendre la direction des escaliers. Sauf qu'à la première marche, la poignée de la porte s'abaisse. La jeune femme se retourne et découvre Clugan et Gordon, portant dans leur main des tas de choses à manger. Ils s'immobilisent en la remarquant puis la dévisagent avec appréhension, ne sachant pas à quoi s'attendre de sa part. Seulement, Phœbé se contente de sauter la marche entamée et attrape une boîte en carton dont la délicieuse odeur de pizza fuite. Et sans un regard de plus, elle regagne la chambre.

Elle s'éclaire uniquement avec la lampe de chevet et s'installe sur le sol avant de déguster avec appétit son dîner. Fatiguée malgré ses heures de sommeil, elle est sur le point de s'allonger lorsqu'elle s'interrompt dans son geste. Ce lit lui appartient. L'odeur qui en émane ne laisse aucun doute. Alors logiquement, dans quelques heures, il devrait la rejoindre. Et ça, elle ne le veut pas. La première solution qui émerge est de changer de chambre seulement, elle craint de finir dans la chambre de quelqu'un alors elle opte pour sa seconde option qui est de se coincer d'un côté. Ce lit immense, d'à peu près quatre places, doit bien permettre cela ? Se faufilant sous les draps, Phœbé s'approprie l'extrémité de la partie gauche.

Demain, la jeune femme ne pourra ignorer les problèmes. Elle n'aura d'autres choix que de les affronter. Et se confronter à ce qu'elle essaie depuis si longtemps d'éviter. La vie en tant que femme d'intérieur. La vie en tant que femme dépendante. Mais au fond, peut-on vraiment dompter une jeune femme non conforme aux règles ? Car c'est ce qui l'identifie. Pas une rebelle qui s'oppose, une exclue de la société pour inadaptation aux règles. Seulement, le problème paraît plus complexe. Lui est un animal dominant qui n'a pas l'air de savoir ce que signifie la patience et qui souhaite à tout prix la voir soumise...

𝐴𝑟𝑡𝑒́𝑚𝑖𝑠 : 𝐿𝑒 𝐶𝒉𝑎𝑛𝑡 𝑑𝑒𝑠 𝐿𝑜𝑢𝑝𝑠 [𝑇𝑂𝑀𝐸 𝟣]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant