𝐴𝑟𝑡𝑒́𝑚𝑖𝑠 : 𝐿𝑒 𝐶𝒉𝑎𝑛𝑡 𝑑𝑒𝑠 𝐿𝑜𝑢𝑝𝑠 [𝑇𝑂𝑀𝐸 𝟣]

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Atmosphère tendue quand tu nous tiens... Le bruit strident des couverts dans les assiettes résonne dans la salle à manger alors qu'aucune discussion n'est échangée. Et c'est bien la première fois qu'en présence des Thompson, une telle atmosphère règne. Cela s'explique sûrement par la compagnie non désirée de Chad à cette table par Jay. Si ce n'était pas pour sa fille, il l'aurait certainement déjà mis à la porte et Phœbé l'en remercie même si elle préférerait que cette tension ne soit pas aussi pesante. Mais bon, il ne faut pas en demander trop non plus.

- Donc, vous êtes âme-sœur ? commence Annisa décidant d'ignorer l'ambiance.

- Apparemment, répond Phœbé en fourrant une énorme part de tarte dans sa bouche dans le but de pouvoir esquiver cette attention qui se dirige vers eux.

- Et comment l'avez-vous su ? poursuit April, soudainement intéressée.

Cette dernière roule des yeux en constatant les joues pleines de sa fille, à tel point qu'elle ressemble à un rongeur qui se démène tant bien que mal avec la nourriture dans sa bouche, et oriente son regard sur Chad. Celui-ci, installé en face de l'Afro-Américaine, ne semble pas déranger par la question et paraît même prêt à y répondre.

- Eh bien, c'est assez particulier, mais pour ma part, ça a commencé par un sentiment de possessivité et de protection inexpliqué envers elle, explique-t-il avec franchise. Après, je serais curieux de savoir comment cela s'est passé pour Phœbé...

La jeune femme a à peine suivi la discussion, toutefois, l'énoncé de son prénom ne lui a pas échappé et a rebranché son cerveau. Alors, ses yeux, jusqu'à maintenant rivés sur son assiette, se lèvent et s'ancrent dans les siens, fixés sur elle. Comme à son habitude, l'États-Unienne s'y perd volontiers, oubliant la situation dans laquelle elle se trouve. C'est fou comment l'ambré de ses iris est hypnotisant.

- Vous allez faire des bébés ? intervient la voix enfantine de Kamelya.

Phœbé s'étouffe avec sa propre salive tandis qu'un sourire en coin prend place sur les lèvres de l'Alpha. Annisa, quoiqu'amusée, sermonne sa fille, exposant le fait qu'ils ont des choses à faire avant d'arriver à cette « étape de la vie ».

- Mais ils s'aiment déjà, expose-t-elle, plongée dans l'incompréhension.

Cette fois-ci, l'Afro-Américaine manque de s'étouffer avec de l'eau et est prise d'une violente quinte de toux.

- Je... Je... On va passer au dessert, déclare-t-elle en s'arrêtant difficilement de tousser.

Sans un mot de plus, elle s'enfuit dans la cuisine, attisant l'amusement du Sud-Américain qui la regarde partir. Les deux femmes la rejoignent un instant plus tard, les couverts et assiettes en main, mais aussi, un air moqueur et sournois collé sur le visage.

- J'en connais une qui était gênée, sourit sa mère en déposant ce qu'elle tient sur le comptoir.

La concernée se racle la gorge, se remettant encore de son étouffement, et prend le soin d'ignorer la remarque de la rousse en saisissant le plateau qui contient diverses salades de fruits. En retournant à l'extérieur, la jeune femme constate que Chad est en pleine conversation avec Kamelya et le père de cette dernière. Une conversation qui paraît amuser les deux hommes.

- Phœbé ? l'interpelle la fillette.

- Oui, trésor ?

- Ton amoureux a dit que tu vas devenir l'une des femmes les plus heureuses de l'univers ! s'écrie-t-elle, les yeux pétillants de magie.

- Ah bon ? Il a dit ça ? fait semblant de s'étonner l'intéressée.

- Avant de penser à faire cela, il faudrait peut-être penser à devenir un homme, intervient Jay qui jusqu'à présent demeurait silencieux.

- Papa..., soupire Phœbé.

Ce dernier n'ajoute rien et ajuste ses lunettes avant de se murer de nouveau dans son silence. Phœbé lance un regard à Chad dans l'espoir qu'il ne réplique pas, mais c'est sans compter sur son culot qui le pousse à faire le contraire.

- Avec tout le respect que je vous dois, Monsieur Brown, reprend-il ; votre fille m'a accordé son pardon, de ce fait, je ne comprends pas l'utilité de votre rancœur.

- L'utilité de ma rancœur ? Vous ne l'avez pas vue avec ses kilos en moins, les yeux cernés, le visage fermé, les nuits agitées. Vous êtes revenu comme une fleur quand tout revenait à la normale.

- Papa ! rouspète Phœbé.

- Quoi ? rétorque son père. Il faut qu'il sache ce qu'il t'a fait avant de prétendre pouvoir te rendre heureuse.

- Jay, intervient sa mère en revenant dans la pièce ; cela ne nous concerne pas.

Une sorte de dispute générale commence alors. Le clan des deux hommes qui semblent d'accord sur le fait qu'elle a fait le mauvais choix en lui pardonnant face à leurs épouses qui soutiennent la thèse que « ses choix sont les siens et qu'ils ne devraient pas s'en mêler ». Chad, plus vieux de plusieurs siècles, ne fait aucune preuve de maturité et se mêle à ce stupide débat, affirmant que cela ne regarde qu'eux et que les avis extérieurs ne les intéressent pas.

Phœbé assiste donc à la situation la plus agaçante à laquelle la jeune femme a eu affaire jusqu'à maintenant. Ils discutent ses choix sans lui accorder la moindre considération, le moindre coup d'œil, la jugeant trop naïve, trop tolérante ou au contraire, emplie de bonté et de compréhension.

Inconsciemment, sa mâchoire se resserre et ses poings se referment. Pour qui se prennent-ils ? À juger ses choix. À juger sa vie. Est-ce qu'elle, elle se permet de le faire à leur égard ? Et de surcroît devant eux ? Les battements de son cœur s'accélèrent et sans un mot, elle quitte la pièce avant de franchir la porte. Seulement, en jetant une dernière œillade dans leur direction, elle croise le regard interrogatif de Kamelya à qui elle mime de se taire. Ces idiots n'ont même pas remarqué son déplacement, si ce n'est elle, alors il serait dommage de changer la donne.

Elle pourrait crier, montrer ouvertement son énervement, cependant, elle préfère encore imaginer leur tête quand ils s'apercevront que l'objet de leur dispute n'est même plus là et qu'ils comprendront que tout ce blabla ne sert à rien. Strictement à rien. Seigneur, quel échec.