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- Mía ? Mía ? Réveille-toi. Phœbé... ?

Ses yeux s'ouvrent en sursaut et la jeune femme bondit hors du lit en croisant un regard sang. Elle frotte ses yeux, incertaine de sa vision, pourtant, la personne face à elle demeure la même  : un Chad au regard fou.

- Vous l'avez tué ? Vous l'avez vraiment tué ? demande Phœbé.

- Tué qui ? Phœbé, que se passe-t-il ? s'inquiète Chad.

- Elle, sa femme, Aliénor. Elle était enceinte. Et vous l'avez tué.

- Oui, c'est cela, commence une voix dans sa tête. Ton âme-sœur est un assassin sans aucune peine qui a ôté la vie à une femme enceinte.

- C'est pour cela qu'il veut se venger, comprit la jeune femme. Tu as détruit sa famille...

- Et tu sais comment je me vengerai ? lui souffle-t-on à l'oreille. En détruisant la sienne, en te détruisant toi.

Son corps se couvre immédiatement de chair de poule et ses doigts se glissent dans sa chevelure emmêlée. Sa rencontre avec Hayden devient moins hasardeuse, tout comme la raison de cette envie de vengeance pressante. Les images de ces derniers jours s'enchaînent et bien qu'au départ, Phœbé n'a pas compris le but de ses cauchemars, le visage angélique de cette femme à la peau métissée et aux cheveux bruns et frisés semble tout résumé.

Qu'a-t-il fait ? Cette unique question la pousse à lever les yeux vers lui. Vers ce Chad qu'elle ne connaît pas et qui se rapproche dangereusement d'elle. Un rictus durcit son visage tandis qu'il ne cesse de la dévisager avec amusement. L'homme s'accroupit devant elle et prend durement son visage en coupe.

- Pourquoi pleures-tu ? demande-t-il narquoisement. Que se passe-t-il ? Mía ?

- Allez-vous-en ! hurle l'Afro-Américaine en se défaisant de sa prise pour aller se coller contre le mur. Ne me touchez pas ! Vous n'êtes qu'un monstre ! Un lâche !

Sa voix se casse pitoyablement et au travers de ses yeux brouillés de larmes, elle croit distinguer ce rouge passé au doré puis deux Chad. La pièce commence à tourner, sa respiration se fait difficile, lui donnant la soudaine impression de suffoquer, ses membres se mettent à trembler violemment et un énorme trou noir qui n'empêche pas sa voix de résonner dans son crâne.

- À bientôt, ma chère... À très bientôt...

✶❍✶

Doucement, ses yeux s'entrouvrent et une vision floue qui se stabilise rapidement l'accueille. Toutefois, elle n'a le temps de s'attarder sur le plafond d'un gris étrange, qu'un haut-le-cœur lui prend l'estomac. La jeune femme se redresse vivement dans le but de rejoindre les toilettes les plus proches sauf qu'un bol apparaît sous ses yeux, porté par elle ne sait quelle magie et ne se faisant pas prier, elle le saisit et vomit toutes ses tripes.

- Ne vous inquiétez pas, cette réaction est tout à fait normale, la rassure une personne que Phœbé n'aperçoit pas. Je vous ai donné un remède pour éliminer la magie qui se trouvait dans votre corps. Cet Hayden est un sacré petit magicien, ricane-t-elle.

- Et ce n'est surtout pas drôle, rétorque la Californienne en essuyant sa bouche du revers de sa main.

- Ah, les humains, soupire cet inconnu. En plus d'être fragile comme des renifleurs, vous n'avez aucun sens de l'humour, raille-t-il.

- Des renifleurs ? répète Phœbé sans se préoccuper davantage du reste de sa phrase.

- Des petites bêtes roses aussi moches et puantes que vous, les humains, explique-t-il.

- Vous êtes vraiment obligés de vous attaquer à nous de cette façon ? D'ailleurs, vous n'êtes pas un humain vous-même ?

Un rire ironique résonne dans cette pièce à peine éclairée et devant une grande fenêtre dissimulée sous un rideau suffisamment foncé pour filtrer la lumière, une silhouette passe à pas lents, semblant couverte d'une longue cape. La jeune femme la suit du regard jusqu'à ce qu'elle disparaisse dans la noirceur et une certaine appréhension s'installe au creux de son ventre.

- Bouh ! s'écrie subitement cet anonyme en apparaissant sous son nez.

Prise de court, l'Afro-Américaine tressaute vivement, manquant de peu de bondir hors du lit sur lequel elle est installée tout en poussant un affreux cri dans le même élan.

Visible à l'aide d'une boule de lumière sortant de sa main habillée d'une armure au prolongement de griffes de métal, cet étranger se présente sous un aspect particulier. Son visage est dissimulé sous une capuche qui laisse échapper quelques longues mèches poivre et sel ainsi qu'un casque qui ne protège que partiellement sa tête, ce qui permet à la jeune femme de percevoir sa mâchoire en squelette. Loin d'être étonnée comme elle devrait l'être, cette dernière arque un sourcil, soudainement sceptique.

- Vous êtes un squelette et vous osez critiquer ? demande-t-elle avec raillerie.

- C'est tout ce que me voir vous inspire ? semble-t-il se vexer. Vous n'êtes absolument pas saine d'esprit.

- Saine d'esprit ? peste Phœbé. Mon âme-sœur est un loup, un vampire se promène tranquillement dans ma tête en plus de s'amuser à me faire assister à des exécutions réaliser par le côté psychopathe de ce dit âme-sœur, et vous, un squelette à l'humour noir, vous attendez à ce que mon équilibre mental soit intact ? résume-t-elle en toisant ce sorcier.

À cet instant, une porte s'ouvre, détournant l'attention de l'États-Unienne à peine deux secondes ; un court chrono qui suffit à son interlocuteur pour s'éclipser, emportant la lumière avec lui et la plongeant dans l'obscurité semi-opaque. Une main se pose dans son dos et son corps frissonne, mais pas pour les motifs que provoque habituellement le toucher de Chad sur elle. Non, cette fois-ci, ces frissons mélangent dégoût et peur et son cœur qui s'agite dans sa poitrine le lui prouve.

- Ne me touche pas, souffle-t-elle.

- Je...

- Ne m'adresse pas la parole, l'interrompt-elle, sa voix se faisant plus dure.

- Tu...

- Le jour où tu porteras ce qui fait de toi un homme, tu pourras repasser, crache l'Afro-Américaine, le coupant une nouvelle fois. Pour le moment, je n'ai rien à te dire et ton tour pour t'expliquer est expiré alors ferme-la.

La Californienne le sent bouger avant qu'il ne se poste devant elle. Elle ne perçoit que son imposante silhouette et son odeur qui flotte dans l'air. Puis, comme le personnage agaçant qu'il représente, Chad pose délicatement ses doigts sur sa joue et se met à la caresser.

- Mía, je...

- Je t'ai dit de ne pas me parler et de ne pas me toucher ! s'écrie-t-elle en repoussant férocement sa main. Et ne m'appelle pas « Mía », je ne t'appartiens pas !

Sans aucune protestation, sa main ne touche plus sa peau et plus un mot ne vient perturber ce silence pesant. Pourtant, Phœbé n'a aucune difficulté à imaginer sa mâchoire serrée, ses doigts qui glissent sur son visage et son regard fixé sur elle, sûrement à se torturer inutilement l'esprit  : soit à se demander comment il aurait pu échapper à cette situation, soit à se demander comment il va l'arranger.

Dans tous les cas, la sensation d'être revenue à la case départ dans leur relation laisse un goût amer dans la bouche de la jeune femme.

𝐴𝑟𝑡𝑒́𝑚𝑖𝑠 : 𝐿𝑒 𝐶𝒉𝑎𝑛𝑡 𝑑𝑒𝑠 𝐿𝑜𝑢𝑝𝑠 [𝑇𝑂𝑀𝐸 𝟣]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant