Un cœur à la mer

三十八 : Le commencement

La jeune femme passa le reste de cette journée ensoleillée à méditer au sommet d'une des tours du palais, réfléchissant à la nouvelle position que lui avait attribué -sans trop lui laisser le choix- Doflamingo au sein de la Don Quichotte Family.

Chisei était désormais lieutenant.

Derrière son masque noir, la belle ninja ne pu s'empêcher d'esquisser un rictus.

Le trône de Cœur...

Il était évident que son capitaine se jouait de la situation.

Attribuer cette assise vide depuis plusieurs années à la demoiselle n'avait pas été une décision due au hasard. Chisei s'en doutait aisément.

Il paraissait évident que le Grand Corsaire avait un penchant pour l'humour noir, pour nommer ainsi sa petite sœur lieutenant à la place de son défunt petit frère.

Qu'il avait lui même assassiné.

Quelles étranges pensées avaient-elles pu amener Doflamingo à prendre cette décision d'une importance capitale ? Chisei ne le saurait probablement jamais. Et pourtant, il y a de cela deux an à peine, personne n'aurait pu deviner la tournure que prendraient les événements, et la demoiselle n'aurait jamais envisagé de devenir un des lieutenants de son frère aîné. Elle aurait certainement préféré se donner la mort.

Et pourtant...

Respirant profondément, Chisei continua ses exercices de concentration, tout en se remémorant la façon dont elle était arrivée à Dressrosa, et comment elle était parvenue à se faire une place dans cet équipage hors-norme, en seulement un an et demi.

***

- Non ! Tu n'entreras pas !

- Arrêtez-la immédiatement !

- Tu n'approcheras pas le Jeune Maître !

- Sale gamine, avec un G !

Sans se soucier de ces ordres et menaces inintéressantes, une forme noire se précipita dans la salle du trône, faisant jaillir des souffles dévastateurs sur son passage. 

Chisei courait, la respiration haletante, une idée implacable guidant ses pas vers le fond de la grande salle, les yeux rivés sur un seul homme.

Don Quichotte Doflamingo.

Elle était poursuivie par toute la Family, qui s'épuisait à tenter de la stopper, mais elle n'en avait cure.

Qu'importe ces sbires bruyants, celui qu'elle cherchait se trouvait en face d'elle.

Se propulsant vers le roi grâce aux pouvoirs du Fruit de l'Ibuki, elle planta sans hésiter ses prunelles dans les siennes, poursuivant son avancée inexorable.

- Mwéhéhé... ricana le Grand Corsaire en buvant son verre de vin rouge.

Ainsi, celle qui était parvenue à s'infiltrer dans son palais, à déjouer ses gardes et à semer la terrible Don Quichotte Family n'était autre que cette fillette avec une tresse brune et des yeux d'or ? Son sourire malsain s'élargit alors, le pirate était impatient d'assister aux événements à suivre. 

- Laissez. ordonna-t-il d'un ton impérieux à ses camarades.

Perplexes, les membres de son équipage se stoppèrent au milieu de la salle, les trois lieutenants en tête de file. Ils avaient failli à leur devoir en n'arrêtant pas cette fille, ils craignaient à la fois pour leur propre sort et pour celui du Jeune Maître qu'ils servaient.

Car il était de nature publique que Doflamingo n'était pas tendre avec ses subalternes lorsqu'ils échouaient, et encore moins avec ses ennemis.

Qu'ils soient hommes, femmes ou enfants, vieillards ou dans la fleur de l'âge, honnêtes citoyens ou malfrats, tous avaient la même valeur aux yeux de ce monstre sans scrupules : ils ne méritaient pas de vivre.

Ainsi, tous les membres de la Family se demandaient quel sort il réservait à cette belle intruse qui avait stoppé ses pas fougueux en arrivant au pied du trône royal, se tenant bien droite face au Grand Corsaire.

- Que me veux-tu, fillette ? dit le souverain amusé. 

Ces simples mots, les premiers qu'il lui adressait en personne firent trembler la jeune femme d'émotions contradictoires.

- Vous voir disparaître. répondit-elle calmement malgré tout ce que cet homme lui inspirait.

- Mwéhéhé... ria Doflamingo, aucunement impressionné par tant d'audace. Puis-je savoir pour quelles raisons ?

- Vous êtes le meurtrier de mon frère, un homme qui était pur et bon, juste et sincère, amical et protecteur... tout l'inverse de vous. Pour cela, je vous ferais tomber de votre piédestal et vous ferais connaître le même désespoir que j'ai autrefois ressenti. 

- Il ne devait pas être si fantastique que cela puisque je l'ai tué ! dit Doflamingo en riant à gorge déployée.

- Oh, mais je suis certaine que vous vous souvenez de lui... de son sang se répandant dans la neige, en cette nuit d'il y a neuf ans... des paroles que vous aviez échangées, de son visage fier malgré sa mort imminente. De son sourire, qu'il aura gardé jusqu'à la fin...

L'impitoyable souverain blêmi alors, ces quelques mots prononcés d'une voix blanche atténuaient sa grimace orgueilleuse.

- Impossible ! tonitrua-t-il.

- Je suis sa sœur... JE SUIS LA SŒUR DE DON QUICHOTTE ROSSINANTE ! clama Chisei.

- RAAAH !

Et tandis que le terrible roi plein de colère levait une main pour lancer une attaque fatale contre elle, la belle ajouta ces quelques mots :

- Mais je suis également votre sœur... que nous le désirions ou non.

Ses magnifiques yeux ambrés s'assombrirent, comme à la pensée d'une terrible tragédie.

Elle fit abstraction des cris de la Don Quichotte Family, de l'aura terrifiante de Doflamingo, de sa propre rage. Retrouvant une paix intérieure plus ou moins sereine, Chisei poursuivit :

- J'ai néanmoins quelque chose à faire avant de vous faire chuter de ce trône bien trop prestigieux pour vous. Je me dois de laver mon honneur pour venger correctement mon cher frère...

Le Grand Corsaire stoppa son mouvement et son sourire vicieux refit place sur son visage furieux. Cette gamine voulait donc de son aide ? Que pouvait-il bien y avoir de plus important que de venger cet imbécile de Corazon à ses yeux ?

En elle même, Chisei ne savait réellement si elle faisait le bon choix. Mais c'était la seule solution.

- Puisque ce monde m'a prouvé qu'il était indigne de confiance, autant m'allier à quelqu'un en qui je ne pourrait jamais croire. 

A contre-cœur, ravalant sa fierté et ses larmes, la ninja s'agenouilla devant Doflamingo et lui demanda en posant le front au sol :

- Aidez-moi, aidez-moi à me venger de Trafalgar Law ! Je ne pourrais jamais accomplir mon devoir filial sans mon cœur !

 

***