Un cœur à la mer

八 : Le départ.

Après cette lecture, Chisei se trouva face à un dilemme des plus difficiles,et ne parvint pas à faire un choix. Elle ne savait si elle devait ou non manger ce fruit maudit par le Démon.

Elle restait partagée entre l'avis de son frère, qu'elle connaissait peu mais qu'elle adorait, qui lui conseillait de le déguster, qui la pensait capable de posséder un pouvoir aussi dangereusement puissant et celui de son défunt maître, qui l'avait élevée et qui ne croyait pas ce cadeau approprié pour elle.

La jeune femme se remémora alors quelques mots des dernières paroles de Shinobi :

Fais-en bon usage.

Ce fut les larmes aux yeux qu'elle reposa délicatement le fruit du Démon dans le coffre, qu'elle ferma avec un lourd cadenas en granit marin, par précaution.

Sa décision était irrévocable : ce fruit resterait en ce coffre, jusqu'à ce que Chisei ai retrouvé Rossinante et qu'elle ai reçu son point de vue sur la question.

La belle demoiselle glissa la minuscule clé de ce cadenas sur une chaîne ciselée, qu'elle s'attacha ensuite autour du cou.

Suite à quoi, elle rassembla le reste de ses affaires dans un baluchon en peau de chèvre de la montagne, très résistant, et y ajouta le livre annoté par Ross' et le vieux pirate. Elle comptait y ajouter ses propres pensées, les noms des hommes et femmes ayant mangé chaque fruit, leurs visages si possible, leur profession et tous les renseignements qu'elle pourrait se procurer à leur sujet.

"Connais ton ennemi et connais-toi toi-même", avait un jour écrit un célèbre stratège dont Chisei avait lu l'oeuvre et qu'elle respectait énormément.

Une fois tous ces préparatifs terminés, l'intelligente jeune fille sortis de l'ancien temple et se rendis sur la tombe de son maître. Elle lui fit ses adieux, avec beaucoup d'émotion mais brièvement. Il lui fallait se tourner vers l'avenir.

Elle se trouva sur la plage en moins d'une heure et y déjeuna, comme dix ans plus tôt, le jour où elle rencontra son plus proche parent. Ce souvenir la rempli de joie, car elle espérait le retrouver rapidement et pouvoir de nouveau le serrer dans ses bras.

Rassérénée par cette remémoration, Chisei s'assit sur le sable fin, et réfléchit alors à un plan qui lui permettrait de retracer le parcours de Rossinante, dit Corazon, afin d'enfin le rejoindre.

Son frère lui avait conté sa mission, il était au service de la Marine.

C'était déjà un bon début. Elle devait continuer à chercher dans cette voie.

Puisque sa mission était censée être secret d'Etat, peu de personnes au sein même de cette organisation devaient être au courant de l'existence de Ross'. Seuls les hauts-gradés, peut-être même seulement les célèbres Amiraux et l'Amiral Commandant en Chef savaient qu'il était infiltré.

Cependant, il était rare que les chefs de la Marine sortassent du QG de Marine Ford, et la jeune femme ne risquait pas de les croiser au coin de la première rue...

Chisei était donc obligée de pénétrer en ce lieu pour obtenir des informations. Mais comment faire ? L'île était considérée comme le troisième endroit le mieux gardé au monde, après la Terre Sainte de Marie Joie et l'imprenable prison d'Impel Down.

Faire connaître le nom de son frère pourrait le perdre : les espions étaient partout, même parmi les gardes de la justice.

Elle songeait, perdait le fil de ses pensées pour toujours revenir à la même idée : elle ne pourrait passer les contrôles stricts de la Marine, sauf si elle était elle-même de la Marine.

A ce dessein, son esprit s'échauffa.

Les nouvelles recrues ne passaient pas par Marine Ford, la sécurité s'en trouverait menacée si jamais des intrus se cachaient parmi les soldats. Chisei devrait donc monter en grade. Mais cela pouvait prendre des années !

Hors de question d'attendre !

Elle choisit de se rendre sur l'île voisine, afin de constater si le bâtiment des forces de l'ordre qu'elle avait aperçu la veille s'y trouvait encore. C'était son seul espoir...

En chemin, elle élabora un plan. Grâce à son apprentissage, elle savait se faire plus discrète que n'importe qui, était capable de se faufiler partout sans éveiller le moindre soupçon et sans se faire voir. Sa tenue noire au pantalon ample et au haut cintré, ses souliers fins en cuir et son poid plume lui assuraient une furtivité et une discrétion à toute épreuve.

Déterminée, Chisei resserra sa tresse et accosta près d'un petit bois, dans lequel elle camoufla son embarcation.

Elle se rendit aussi vite que possible sur le port, et y reconnu avec soulagement le navire de la Marine, qui s'apprêtait à mettre les voiles.

Sans plus attendre, elle se déplaça entre les badauds qui assistaient au départ en agitant leurs chapeaux, leurs mouchoirs et en criant au revoir.

Personne ne fit attention à cette forme noire dans la foule, pas même lorsqu'elle s'agrippa à la corde d'amarrage, ni lorsqu'elle remonta en vitesse cette même corde pour enfin se retrouver sur le pont du bateau. 

Celui-ci grouillait de monde, les soldats transportaient des caisses de ravitaillement, des animaux et parfois des tissus ou des objets venant des habitants. Leurs mines étaient joyeuses, après quelques semaines de surveillance sur l'île, ils allaient enfin rentrer chez eux ! Leurs familles les attendaient, le rapport allait être écrit puis envoyé à Marine Ford, avec un laisser-passer du capitaine à destination de l'Amiral Commandant en Chef.

Toutes ces précieuses informations, notre voyageuse clandestine les écouta derrière des tonneaux de poudre, près des canons. Ainsi dissimulée, elle parvenait à épier les conversations sans risquer d'être repérée.Ce ne fut que lorsque la côte de l'île qu'ils venaient de quitter eu disparu et que le pont se retrouva presque désert qu'elle osa jeter un œil à ce nouvel environnement.