十 : Repérée.

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Chisei passa la nuit à fond de cale, cachée par les tonneaux d'eau pure et les rations de nourriture.

Elle ne dormit que quelques heures, d'un sommeil agité, craignant d'être découverte. Alors que le soleil se levait, elle se glissa prudemment hors de la soute et vérifia que le pont était bien désert. Rassurée, la jeune femme se leva et se dirigea sans plus attendre vers les cuisines.

Elle n'avait rien avalé la veille et comptait retourner dans la lingerie militaire pour avaler un des morceaux de viande séchée qu'elle conservait dans son baluchon.

Tandis qu'elle se forçait à marcher lentement et à saluer les rares soldats qu'elle croisait d'un signe de tête, Chisei ressentit comme... une présence.

La passagère clandestine se mit aussitôt sur ses gardes, redoublant de vigilance. Cette entité, cette force qui émanait de quelque part sur le navire lui était en quelque sorte familière. Shinobi lui inspirait les mêmes émois : un mélange de respect, de puissance et de sécurité.

Malgré tout, elle ne connaissait pas la personne à qui appartenait cette essence et elle n'avait remarqué sa présence hier.

Elle longea silencieusement les cabines qui donnaient sur l'extérieur et se fondit tant qu'elle le pouvait dans les murs. Arrivée à la porte battante qui menait aux cuisines, elle s'arrêta abruptement en entendant des voix :

- Mais enfin, puisque je te dis que je n'ai pas touché à ton uniforme ! râlait une voix masculine, un tantinet geignarde.

- Rah... alors que le Vice-Amiral vient enfin de me permettre de partir en expédition... soupira un autre. Je vais être consigné, je ne serai jamais un officier de la Marine ! couina-t-il.

- Kobby... gronda une voix grave et menaçante.

Lorsqu'elle prêta l'oreille attentivement aux paroles suivantes, Chisei sût que l'aura qu'elle avait reconnu appartenait à la troisième personne. Rien qu'au ton qu'employait celle-ci, on devinait une forte carrure, un mental de fer et un caractère qui imposait le respect.

Celui qui venait de se faire apostropher aussi violemment n'était autre que le second individu.

- Ah ! Je vous en prie Vice-Amiral, je vous jure que ce n'est pas ma faute ! bégaya-t-il. Je... je l'avais rangé dans la buanderie, comme tous les soldats de ce bâtiment ! Je ne...

On entendit à ce moment-là un grand bruit, notamment celui des assiettes qui se brisaient et des larmoiements.

- J'en ai rien à faire de tes excuses ! tonna la voix de celui qui devait être le Vice-Amiral. Même pas capable de porter un uniforme ! Ni même de savoir où il l'a foutu ! Hermep ! hurla-t-il.

- Oui Vice-Amiral !? et Chisei devina que ce Hermep devait être le premier homme.

- Fais en sorte que la lingerie soit fouillée de fond en comble par cet abruti, qu'il retrouve sa tenue ou bien il devra briquer le pont en caleçon ! Vous avez dix minutes !

- A vos ordres Vice-Amiral !

La demoiselle, qui avait écouté la conversation tonitruante de bout en bout, se douta qu'elle venait de se terminer, et elle recula de plusieurs pas furtivement pour faire croire aux personnes qui sortiraient des cuisines qu'elle arrivait tout juste.

Et ce fut certainement un très bon réflexe, car c'est alors qu'un homme sorti de la pièce, faisant claquer, puis s'effondrer la porte derrière lui.

Un cœur à la merOù les histoires vivent. Découvrez maintenant