六 : Un don éphémère

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Le temps, comme l'eau d'une rivière, s'écoula et dix années passèrent depuis les poignantes retrouvailles entre Chisei et Rossinante.

Tel un bourgeon, la petite fille devint fleur, et une des plus ravissantes.

 Ses cheveux bruns formaient désormais une tresse fine et longue, qui lui atteignait les genoux. Sa peau, qui était vierge de toute imperfection, était d'un beau teint pâle, légèrement hâlé. Son corps était finement sculpté, ses mouvements fluides et gracieux. Ses lèvres étaient roses, ses yeux ambrés brillaient d'un éclat de détermination sans faille. Ils contenaient cependant une lueur de tristesse, un abîme de mélancolie qui assombrissait son beau visage.

Sans cette ombre, Chisei aurait certainement pu rivaliser avec Boa Hancock, la célèbre corsaire.

Shinobi, lui, alors que sa protégée s'épanouissait, vieillissait et avait maintenant du mal à se déplacer. Son visage était ridé, sa barbe et ses cheveux blancs lui pesaient. 

Il ne sortait presque plus du temple, laissant le soin à son élève de veiller sur l'île.


Néanmoins, ce n'était pas l'état du vieil homme qui ternissait ainsi la beauté de Chisei...

En un an, Rossinante était revenu de nombreuses fois sur Seihitsu, regardant grandir avec tendresse sa précieuse petite sœur, lui racontait sa vie de marine dévoué en mission d'infiltration dans l'équipage du tristement connu Don Quichotte Doflamingo, dont la prime s'élevait à 340 000 000 de berries. Il lui avait avoué son nom de code dans l'équipage : Corazon.

Mais voici neufs ans qu'il n'avait pas remis les pieds sur l'île, neufs longues années durant lesquelles Chisei ne l'avait pas vu.

 Au début, elle recevait des lettres de sa part, lui indiquant qu'il était devenu trop difficile d'échapper à la surveillance des pirates, qu'il était dans l'impossibilité de s'éclipser. Dans sa dernière lettre, il lui parlait d'un jeune garçon qu'il avait recueilli sous son aile, un "D" qui pourrait peut-être battre Doflamingo. Du moins, Ross' l'espérait.

Cette dernière lettre, elle était restée sous l'oreiller de Chisei, et avait jauni au fur et à mesure que le temps passait. 

Tous les soirs, la jeune femme la relisait, en cherchant en vain un indice lui permettant de deviner qui pourrait être ce garçon, où pourrait-elle trouver son frère et mille autres choses encore. Mais par peur que son courrier soit intercepté, Rossinante n'avait pas détaillé son contenu, et Chisei fixait l'océan depuis qu'elle avait atteint ses dix ans, dans l'attente de voir apparaître à l'horizon le navire de son frère tant attendu.

Ainsi, l'encre de la lettre s'effaçait, les mots perdaient leur sens sans en cacher d'autre et la belle élève se torturait l'esprit dans l'espoir de trouver un quelconque indice.  

En vain.

Le néant.

Depuis trop longtemps.

Et alors qu'on pouvait croire que ce malheur, cette attente, serait la seule chose qui atteignait Chisei, ce n'était pas le cas.

Depuis quelques jours, son vieux maître dépérissait.

Il ne mangeait plus, ne dormait pas et ne touchait plus à la moindre goutte de saké. Son teint était gris, ses yeux jaunes et il était parfois prit de tremblements qui pouvaient le faire tressaillir pendant des heures.

Sa petite (parce qu'elle était encore une enfant à ses yeux) ne savait quoi faire pour le soulager. Elle puisait dans les livres, lui préparait des mélanges de baies et d'herbes, lui mettait un linge humide sur le front... elle était même allée pour la première fois sur l'île voisine, pour demander conseil aux habitants.

Rien de ce qu'elle avait essayé n'était parvenu à calmer les douleurs de son protecteur.

Chisei, dont l'attitude paraissait calme et contrôlée, paniquait intérieurement. Que ferait-elle si jamais il n'existait pas de remède ? Comment pourrait-il survivre si il ne parvenait pas à s'alimenter ? Comment le guérir ? 

Alors qu'elle était en train de préparer une nouvelle mixture pour Shinobi, celui-ci l'appela faiblement :

- Chi... Chisei...

Aussitôt, elle lâcha tout ces ingrédients, et se précipita au chevet de son mentor.

- Me voici maître. Avez-vous besoin de quelque chose ? s'exclama-t-elle, en tendant la main pour saisir le linge sur le front du vieillard. Celui-ci l'arrêta net.

- Je n'ai besoin que de ton attention. articula-t-il difficilement.

- Bien, je vous écoute. dit-elle en reposant sa main.

- Mon enfant, ne t'esquintes pas à rechercher une solution contre-nature à ce problème. lui dit-il en souriant faiblement.

- De quoi parlez vo... Elle comprit alors. Hors de question que je reste sans rien faire pour vous aider ! s'écria-t-elle avec violence. Toute maladie à un remède, s'il n'existe pas je l'inventerai ! Je vous guérirai, je...

- Stop ! Il lui saisit les mains. Ma jolie, ma tendre Chisei... Ses paroles apaisèrent légèrement la jeune femme. Tu sais comme moi que cette prétendue maladie n'a pas de remède. Je me meurs. Et contre la mort, il n'y à rien à faire, à part à l'accueillir raisonnablement. J'ai reçu le don de la vie, mais il est éphémère et il est temps que je le rende. N'est-ce pas ce que je t'ai appris ? Qu'il faut considérer la vie avec sagesse et en prendre soin jusqu'au moment final ? souffla-t-il difficilement mais sûr de lui.

- Si... chuchota-t-elle, les larmes aux yeux. Mais...mais je... je ne veux pas que vous mourriez... Je me fiche d'être égoïste, restez avec moi, s'il-vous plaît... 

Et pour la première fois depuis bien des années, Chisei pleura à chaudes larmes.

- Là... allez calme-toi mon enfant, et écoute-moi attentivement. Il ne me reste plus beaucoup de temps, je le sais. Il faut que je te dise quelque chose. murmura-t-il en essuyant les larmes de son élève. Quand elle acquiesça, il reprit : 

Je suis extrêmement fier de toi. Tu es devenue quelqu'un de fort, de très intelligent et de respectable. Longtemps, tu m'as admiré, et tu m'as surpassé, mais désormais tu vas devoir faire ton chemin seule. Je... J'ai un objet dans le coffre derrière toi. Prends-le, fais-en bon usage. Je te l'offre. Tout ce que je te demande, c'est de vivre pleinement, de ne pas regretter tes choix. Même si c'est dur, continue d'avancer, la récompense n'en sera que meilleure. Ne te laisse pas abattre, bats-toi pour ce en quoi tu crois...

Il fut alors prit d'une violente quinte de toux, qui le secoua et le fit devenir encore plus livide. Affolée, en pleurs, Chisei s'efforça de le soutenir et elle parvint à entendre les derniers mots de celui qu'elle considérait comme son père.

Pars à l'aventure, recherches ton frère. Fais des rencontres, vis. Surtout, vis...

Tremblante, Chisei attendit la suite mais son maître ne disait plus un mot. Elle tenta alors de prendre son poul, sans succès. Réalisant ce qui était vraisemblablement arrivé, elle secoua doucement le vieil homme.

- Maître... maître... je vous en prie... MAÎTRE ! 

Ses appels sans réponses, elle s'effondra sur le corps du vieil homme qui lui avait tout appris, qui n'était plus, et pleura toutes les larmes de son corps.

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