🌗||{11}||🌗

39.9K 3.4K 143
                                    

Les yeux fixés sur son plafond blanc depuis une demi-heure déjà, Phœbé n'en revient toujours pas. Tant, que chaque minute, la jeune femme touche ses lèvres du bout des doigts. Elle ne revient pas de l'avoir laissé faire. Elle ne revient pas d'y avoir participé. Elle ne revient pas d'avoir eu autant de sensations à son touché. Est-elle folle ? S'est-elle, malgré ses efforts, laissée séduire ? Doit-elle se haïr pour cela ? Ou au contraire, être fière d'elle pour avoir lâché prise pour une fois ? Elle ne sait pas, elle ne sait plus rien, excepté que cet Alpha l'agace au plus haut point pour la simple et bonne raison que malgré elle, il est source de sensations nouvelles. La porte s'ouvre sur sa mère et l'interrompt dans ses pensées.

- Tu n'es pas allée courir, ce matin ? l'interroge-t-elle.

- Non, je n'en avais pas envie.

- D'accord, en tout cas, c'est l'heure. Ton père est déjà parti et moi, je ne vais pas tarder.

La jeune femme hoche la tête et April referme la porte après un dernier regard inquiet en sa direction. Phœbé laisse passer quelques minutes puis se rend à la douche. Au rez-de-chaussée, elle prend rapidement le petit-déjeuner concocté par sa mère avant de quitter sa maison.

Les mains dans les poches, l'étudiante avance d'un pas mou et rythmé sur le trottoir bondé en cette heure matinale. Ses yeux se promènent avec ennui sur la foule pressée, confondant Homme et êtres surnaturels, et croisent directement des prunelles brun si clair, si profondes qu'elles semblent ambrées. Attirée par ces deux iris, elle se permet de le détailler.

Du haut de son mètre quatre-vingt-dix, le propriétaire de ces splendides yeux est éblouissant. Son teint mat ressemble à celui d'un Sud-Américain et ses cheveux tressés sont attachés en haut de son crâne. Des lunettes de vue rondes habillent son nez ni trop gros, ni trop fin tandis que des clous noirs ornent ses oreilles. Elle baisse légèrement son regard et elle est certaine d'une chose : sa bouche pulpeuse deviendra à coup sûr l'un de ses fantasmes.

Inconsciemment, sa marche s'interrompt et son regard se fait plus observateur, plus appuyé. L'homme, adossé à un véhicule dernier cri et attirant une attention considérable sur lui, est paré d'un jean slim bleu, un tee-shirt gris et un manteau noir par-dessus ; un style banal qui le met très bien en valeur.

Avec ravissement, Phœbé remonte le long de son corps puissant pour s'arrêter à ses prunelles où elle se noie volontiers. Elle doit résister à l'horrible envie de réduire cette distance entre eux afin de lui sauter dessus, car une chose tilt dans son esprit. Celui qui pollue ses rêves. Celui qui ne désire se montrer. Celui qui l'emmerde autant qu'il la contrôle. Son instinct la pousse à comprendre, à faire le lien entre ses rêves et la réalité. Entre cet Alpha et ce type. Entre le lien qui les unit : lui et elle.

« Si jamais un jour, en croisant un être de la race lupine, vous ressentez une attirance incontrôlable, fulgurante, sexuelle, je vous annonce que vous avez trouvé votre moitié, votre âme-sœur. » Voici ce que sa professeure de seconde a eu l'honneur d'annoncer à sa classe lors d'une intervention sur les lycanthropes.

Ses yeux s'écarquillent et sa bouche s'entrouvre tandis que de loin, elle voit le sourire qui apparaît sur ses lèvres. Il le sait. Dès ce maudit jour à l'intérieur de cette prison, il l'a su. Ce salaud joue avec elle depuis le début et s'amuse, comme deviné, à la séduire, à la tester et peut-être même à garder un œil sur elle. Sa mine surprise s'assombrit au fur et à mesure que les coïncidences deviennent des événements calculés.

Dans l'espoir complètement bête et illogique qu'il ne l'ait pas vue, elle baisse la tête et reprend sa route d'une marche rapide. Elle ne veut pas de ça. Elle ne veut pas vivre avec une personne qu'elle ne connaît et n'aime pas. Elle ne veut pas devenir un joli objet de décoration qui ne servira qu'à pondre des descendants. Elle ne veut pas arrêter ses études pour rester cloîtrée dans une immense villa à attendre. Elle ne veut pas devenir dépendante. Car oui, c'est exactement ce qui se prépare. Une vie de petite femme qui se doit d'être parfaite et exemplaire, s'occupant avec les tâches ménagères et celles d'une meute qui n'est pas la sienne en attendant que son gentil petit alpha rentre d'une journée de travail. Oh que non ! Il en est hors de question ! Elle préfère céder sa place. À la rouquine par exemple, c'est ce qu'elle désire : le pouvoir et la gloire.

Durant plusieurs mètres, la jeune femme adopte cette même démarche pressée afin de se cacher parmi l'attroupement. Néanmoins, les mêmes pas lents continuent de résonner derrière elle, signe qu'il est toujours là, en train de la suivre. Subitement, Phœbé se fait haler sur le côté, plus précisément, dans une ruelle.

- Le petit chaperon rouge se fait pourchasser par le grand méchant loup ? se moque une jeune femme à capuche qu'elle reconnaît immédiatement.

- Izïa, dit-elle avec soulagement.

- Pour vous servir, déclare-t-elle d'un ton solennel. Bon, ce n'est pas le moment. Allons-y, clame-t-elle avant de s'enfoncer dans l'étroite rue.

Courant telles des dératées dans les ruelles, elles atteignent rapidement le toit. Le loup ne semble pas les avoir suivies, procurant à Phœbé un sentiment de soulagement mélangé à celui de l'appréhension. Cet homme ne lâchera pas l'affaire et attendra sûrement qu'elle mette un pied dehors pour la kidnapper. Dans quelle merde s'est-elle encore fourrée ? Bien que ce n'est pas de sa faute. Mais celle d'un possible créateur ou créatrice lunaire qui s'éclate à lier des personnes à leur insu.

- Alors, tu m'expliques ? l'attaque sa sauveuse, à l'instant où elle atterrit sur le matelas gonflable.

- Expliquer quoi ? demande Logan avec son habituel regard froid en arrivant de nulle part. Pourquoi êtes-vous dans cet état ? Vous avez couru ? enchaîne-t-il avant que ses prunelles ne se fassent encore plus sévères. Qui fuyiez-vous ?

Izïa jette un coup d'œil paniqué à Phœbé qui le lui rend. Que faut-il répondre ? La vérité ? Un mensonge ? Une demi-vérité ? Ou un demi-mensonge ?

- Personne ! répond sa sœur, choisissant la carte du mensonge. On faisait la course. Et c'est moi qui ai gagné ! sourit-elle avec fierté.

- Pourquoi tu mens ? intervient narquoisement Phœbé. Tu sais très bien que c'est moi qui ai gagné. Mauvaise perdante.

Les jeunes femmes s'envoient un regard complice derrière de la défiance.

- On va y aller nous, annonce Izïa en saisissant sa main. À tout à l'heure !

Elle l'entraîne dans une des tentes les plus éloignées et s'assied, attendant les explications de l'Afro-Américaine. Celle-ci prend également place sur le tapis de sol.

- Le type qui me suivait... C'est... Il est...

La jeune femme passe une main dans ses cheveux coiffés en un chignon, les lèvres pincées. Les gros yeux d'Izïa, lui intimant d'accoucher, lui arrachent un soupir.

- C'est mon âme-sœur, finit-elle par annoncer telle une bombe.

Les yeux de l'adolescente en face d'elle s'agrandissent comme des soucoupes. Sa bouche s'écarte sous le choc. Et elle demeure silencieuse de longues minutes.

- L..., le beau gosse là ? L'Alpha suprême ? Attends, attends... Le roi des loups ? Le plus dominant de tous ? Le plus dangereux et, par la même occasion, le plus fou est ton âme-sœur ?! s'écrie-t-elle, perplexe.

- Moins fort ! somme Phœbé en chuchotant.

- Mais ça veut dire que tu viens de le fuir ? Que je viens de t'y aider ? Mais on va se faire descendre ! Non ! Je vais me faire descendre ! panique Izïa.

Incrédule, la mélanoderme la dévisage. Depuis quand les rebelles, les filles de son genre perdent autant leur calme ? Leur capacité à réfléchir correctement ? Mais, au fond, peut-être que cela signifie qu'elle est vraiment dans la merde ? Et qu'elle ne pourra s'en sortir. Après tout, qui arrive réellement à échapper à son âme-sœur ?

𝐴𝑟𝑡𝑒́𝑚𝑖𝑠 : 𝐿𝑒 𝐶𝒉𝑎𝑛𝑡 𝑑𝑒𝑠 𝐿𝑜𝑢𝑝𝑠 [𝑇𝑂𝑀𝐸 𝟣]Where stories live. Discover now