Chapitre 89

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Iduna

Je me sentais mourir de chaud. Je ne savais pas depuis combien de temps la charrette avait démarré mais cela me semblait être une éternité. J'allais étouffer si je restais encore longtemps sous cette maudite couverture. Alors, discrètement, j'attrapai le couteau que j'avais toujours accroché à ma ceinture, et déchirai le tissu d'un coup sec, laissant une ouverture assez large pour respirer. Je l'écartai un peu pour tenter d'entrevoir où je me trouvais. La cime des arbres qui défilait devant mes yeux m'était complètement inconnue. Ce n'était plus celle des bouleaux de la forêt enchantée. Je sentis une boule d'angoisse se former dans ma gorge. Quelle idée j'avais eue de me cacher là-dedans ? Personne ne m'avait vue, ils finiraient tous par croire que j'avais été tuée dans la bataille et ne me chercheraient pas. Sauf peut-être ma mère... Mais avait-elle survécu ? Je n'en savais rien, je ne ressentais plus rien.

« A chaque fois que tu te poseras une question, ferme les yeux et la réponse finira par apparaître au fond de ton cœur », me disait-elle souvent.

Je fermai alors les yeux, essayant de me concentrer le plus possible sur la forêt enchantée et ce qu'il en restait.

« Il faut que je sache », murmurai-je.

Mais rien ne m'apparut. Je n'entendais que les battements de mon cœur qui tambourinait de plus en plus fort dans ma poitrine. Un épais brouillard venait de se former dans mes pensées, m'empêchant d'avoir la moindre vision de ce qu'il se passait là-bas. Je rouvris les yeux et soupirai. C'était ma faute, je n'aurais pas dû suivre ma curiosité et prendre en pitié un parfait inconnu. Il faisait partie de nos ennemis qui plus est. Si le chef Harald l'apprenait, je risquais d'être bannie à tout jamais des Northuldra.

Le faible rayon de lumière qui s'insinuait à présent à l'intérieur de la charrette me permit de regarder ce qui m'entourait. Il y avait des cagettes de bois remplies d'armes. Je n'en connaissais aucune. Elles étaient bien plus sophistiquées que les nôtres. Il n'y avait pas de bois ni de pierre, mais uniquement du fer. Je le reconnaissais à son éclat et sa froideur. Nous n'avions aucune arme de ce genre, mais uniquement des petits ustensiles, comme le couteau que j'avais toujours sur moi, qui nous avaient été échangés contre certains de nos savoir-faire. Je passai doucement mes doigts sur un long morceau de métal aplati de part et d'autre et dont la poignée était richement décorée de petits motifs que je ne parvenais pas à correctement distinguer dans la pénombre. Le bout d'un de mes doigts glissa par mégarde sur la lame et fut immédiatement entaillé. Je retins un cri de douleur et mis la phalange qui commençait à saigner dans ma bouche, ne pouvant désinfecter la blessure autrement. Je frissonnai en pensant à quel point il était facile de transpercer un corps avec de telles armes. Soudain, mon regard se posa sur le jeune garçon que j'avais déposé non loin de moi, espérant que quelqu'un puisse le sauver. Il était toujours inconscient et son entaille à l'arrière du crâne ne cicatrisait pas. Il perdait beaucoup de sang. J'arrachai une des manches de ma tunique et l'enroulait autour de sa tête, espérant que cela puisse stopper l'hémorragie au moins jusqu'à notre arrivée je ne savais trop où. Je ne savais pas pourquoi je l'avais sauvé. Il était un peu plus vieux que moi et ne portait pas d'arme au moment où il avait été blessé. Je l'avais trouvé allongé dans l'herbe, le crâne à moitié écrasé contre un rocher, mais encore vivant. Il respirait encore, c'était tout ce qui m'importait. Son visage doux m'avait paru si inoffensif que j'avais tout de suite compris qu'il avait été une victime collatérale de la bataille entre nos peuples. Il ne devait rien y comprendre, tout comme moi, ou du moins, je l'espérais. J'avais senti au fond de moi que c'était de mon devoir de le sauver. Voilà tout.

Alors que je posais ma main sur son front fiévreux pour m'assurer que son état ne s'aggravait pas, je vis un faible sourire se dessiner sur ses lèvres et un petit soupir s'en dégagea. Je stoppai immédiatement le contact établi entre nous, soudainement gênée. La charrette roula sur une pierre et le soubresaut qu'elle fit me projeta sur le jeune homme. Mes doigts heurtèrent une petite plaque métallique cousue sur son vêtement. Je parvins à lire ce qui était gravé dessus : Agnarr. Drôle de prénom, pensai-je. Je réussis à me redresser et m'éloignai le plus possible de lui. Je remarquai alors qu'une partie de la couverture s'était soulevée au moment où la roue avait heurté la pierre, laissant une ouverture assez large pour que je puisse m'extirper de là sans attirer l'attention. Je passais ma tête à l'extérieur et regardai discrètement autour de moi. Il y avait deux hommes à l'avant de la charrette qui me tournaient le dos. Tout un groupe de personnes était à cheval au devant de nous et discutait :

La Reine des Neiges 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant