Chapitre 67

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Elsa

Ils étaient tous dehors. Je les entendais s'agiter au loin, mais je n'avais pas la force de me lever. J'étais restée là pendant des heures, allongée sur mon lit, les mains sur le ventre, les yeux rivés sur le plafond, dans la pénombre. De toute façon, je ne pouvais pas accéder à la fenêtre. J'avais tout perdu, je me sentais vide, plus aucune émotion ne me traversait, je ne ressentais plus rien. La glace progressait toujours autour de moi dans un craquement infernal. Tant que je parvenais à la contenir à l'intérieur, ce serait encore supportable. Mais si je n'y arrivais plus, si tout ce que j'essayais de maintenir caché explosait au grand jour, que se passerait-il ?

Je n'étais plus rien. Juste un tourbillon intérieur inarrêtable. A cet instant, je ne me sentais plus humaine, j'étais dans un état intermédiaire qui me conduisait vers l'inconnu. Celui-ci me paraissait inquiétant et attrayant à la fois. Il était tout ce que je redoutais depuis toujours mais en même temps, il me permettait de toucher du bout du doigt toute l'étendue de mes pouvoirs. Mais pouvais-je simplement revenir en arrière après avoir sauté dans ce gouffre sans fond de l'inconnu ? Je n'en avais pas la force, je m'enfonçais petit à petit, de plus en plus prisonière, incapable de remonter à la surface pour retrouver mon état normal. Jour après jour, minute après minute, je me faisais peu à peu happer par cette puissance surnaturelle. Elle n'était plus en moi, j'étais en elle. Je n'avais désormais plus d'autre choix que d'obéir à ses envies de liberté croissantes.

Je tentai une nouvelle fois de m'extirper du lit. Je me sentais écrasée sur le matelas par une force invisible, les muscles endoloris, les membres paralysés, j'étais condamnée à rester allongée sur le dos. Un nouveau tiraillement aigu vint déchirer mon ventre. D'un mouvement brusque, je réussis à rouler sur le côté jusqu'au bord du lit et vomis le restant de ce que contenait mon estomac. L'odeur désagréable qui s'en dégagea me provoqua davantage de nausées et le goût acide que conservait ma bouche semblait ne plus jamais pouvoir s'en effacer. Je me redressai péniblement en m'appuyant sur mes coudes, la tête lourde. Je regardai autour de moi, étonnée. La glace avait disparu, la chambre était redevenue normale. La douleur s'était elle aussi dissipée, me laissant enfin libre de mes mouvements. Je me mis à genoux sur le matelas, tendis la main et essayai de créer un nuage de flocons dans l'atmosphère. Rien ne se produisit malgré tous mes efforts. Je soupirai, désespérée, comprenant que je n'avais plus le dessus désormais. Je me laissai retomber sur mon oreiller et me massai les tempes, épuisée. Les cris s'accentuèrent au dehors. Je voulais les ignorer. Alors je fermai les yeux pour faire le vide dans ma tête et oublier ce qu'il se passait autour de moi.

***

Mes poignets brûlaient. Je sentais le métal froid ressérré autour d'eux.

« Il faut s'en débarrasser, nous ne sommes plus en sécurité. Son cas s'aggrave de jour en jour.

Que comptez-vous faire ? »

Il y eut un silence. Les voix semblaient étouffées. Je ne parvenais pas à les reconnaître. Une douleur s'élançait sans cesse dans ma tête posée contre la pierre lisse. Je me redressai tant bien que mal et ouvris péniblement les yeux. Je ne voyais rien. Tout autour de moi paraissait plongé dans la brume. Mon corps était endolori à force de dormir sur le sol dur. Je grimaçai en me relevant, l'épaule appuyée contre le mur à côté de moi. Je titubai, manquant d'équilibre. Je voulus me rattraper à l'unique fenêtre de la pièce dont je distinguais uniquement la clarté émanente mais mes mains ne s'y accrochèrent pas. Elles ne firent que glisser contre le verre dans un grincement métallique. Je tentai de bouger les doigts. Ils étaient prisonniers dans d'énormes menottes en fer forgé. J'eus soudainement envie de hurler, de me débattre jusqu'à briser les chaînes qui me retenaient, mais aucun son ne sortit de ma bouche. Seul un tourbillon de colère s'agitait en moi et happait mes autres émotions. Je tirai de toutes mes forces pour libérer mes mains. Les chaînes se mirent alors à s'entrechoquer, faisant bien plus de bruit que ce à quoi je m'attendais. J'entendis de nouveau de l'agitation non loin de moi. Les voix reprirent :

La Reine des Neiges 3Where stories live. Discover now