Chapitre 7

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Kristoff 

La nuit était tombée depuis plusieurs heures. Je me tournais sans cesse dans mon lit, n'arrivant pas à trouver le sommeil. Je me mis sur le dos et soupirai, tout en posant un bras sur l'oreiller au-dessus de ma tête. Je regardai le baldaquin de mon lit, perdu dans mes pensées. Depuis qu'Anna était reine, elle se montrait de plus en plus distante avec moi, étant en permanence occupée par les affaires du royaume. J'avais tout d'abord pensé que ma demande en mariage nous rapprocherait, nous liant l'un à l'autre à tout jamais. J'avais eu tord. Cette nouvelle vie auprès de celle que j'aimais s'annonçait beaucoup plus compliquée que je ne l'avais cru. Nous nous aimions toujours autant – si ce n'est plus – mais nous n'avions que de rares occasions pour nous voir. La plupart du temps, nous n'étions pas seuls et ne pouvions donc pas profiter d'un moment d'intimité. La jeune femme voulait évidemment bien faire et répondre correctement à son devoir de reine mais sacrifiait toute une partie de sa vie privée, dont je faisais pourtant partie. Je savais que cette situation la faisait souffrir, même si elle essayait de ne rien laisser paraître, gardant en permanence son grand sourire et sa bonne humeur qui la définissaient. Elle me manquait. Elle me manquait terriblement alors qu'il n'y avait qu'un couloir qui nous séparait l'un de l'autre en cet instant. Qu'un couloir qui séparait nos deux chambres.

Je me redressai pour distinguer les deux aiguilles de l'horloge sur laquelle les rayons de la lune se reflétaient. Minuit et demi. Il était tard. Mais je savais que c'était ma seule occasion si je voulais enfin la retrouver. Je me levai, enfilai rapidement un pull de laine et me dirigeai vers la porte. L'obscurité de la nuit m'empêcha de distinguer quoi que ce soit dans le couloir. Tout était calme. Le personnel devait également s'être couché, ne jugeant plus leur présence nécessaire. J'avançai doucement à tâtons dans la pénombre, laissant glisser mes doigts contre le mur me menant à la chambre d'Anna, quelques mètres plus loin. Un rai de lumière apparaissait sous la porte de cette dernière. Que fait-elle encore debout à cette heure-ci ? me demandai-je. Je m'approchai et actionnai le plus silencieusement possible sa poignée. J'entrai dans la pièce, refermant la porte derrière moi. En me retournant, je vis Anna affalée sur son bureau qui semblait profondément endormie. J'avançai vers elle, prenant garde à ne pas faire de bruit. Je remarquai alors un petit filet de bave qui coulait le long de sa joue. Je ne pus m'empêcher de sourire. Je soulevai légèrement sa tête qui était restée posée sur des documents officiels. Sa salive risquant de les tacher, je les retirai et les empilai soigneusement sur le coin de son bureau. Elle devait certainement être en train de les signer avant de tomber de fatigue, déduisis-je en voyant ses doigts encore refermés sur son stylo plume couvert d'encre. Je le lui retirai délicatement des mains, le rangeai à sa place et portai doucement la jeune femme jusqu'à son lit, évitant de la réveiller. Quelques mèches de ses cheveux s'étaient entortillées autour de sa couronne. Après les avoir patiemment démêlées, j'enlevai son diadème de sa tête et le déposai sur sa table de chevet. Anna poussa un léger soupir de bonheur dans son sommeil. Un petit sourire inconscient apparut sur ses lèvres. Elle était magnifique. Voyant qu'elle n'avait pas pris la peine de retirer ses vêtements, je passai une main dans son dos, retirant une à une les attaches de sa longue robe. Je la lui ôtai bientôt complètement et la rangeai dans sa penderie. La jeune femme portait un corset encore serré autour de ses côtes et de sa taille. Je le lui délaçai légèrement, lui permettant de respirer plus à son aise. Je ne me permis pas de le lui enlever complètement, c'était son intimité et je la respectais. Ce n'était pas à moi de le faire, du moins pas pour l'instant. C'était trop tôt. Je ramenai ses draps et sa couverture sur elle, m'assurant qu'elle n'attrape pas froid. Je déposai tendrement un baiser sur son front avant de me lever. Je lui jetai un dernier coup d'œil et souris en la regardant dormir si paisiblement. J'éteignis la petite lampe à huile restée allumée sur son bureau et repartis aussi silencieusement qu'à mon arrivée. Quand je fus de nouveau dans le couloir, je poussai un long soupir et me laissai glisser le long du mur, jusqu'à ce que je me retrouve assis, les genoux contre ma poitrine. J'étais heureux qu'Anna se repose enfin, elle qui voulait prendre le moins de pauses possibles dans ses journées. Mais une fois de plus, nous n'avions pas réussi à nous voir, ne serait-ce que quelques instants, quelques minutes de bonheur partagées au coin d'une cheminée ou à observer les étoiles par la fenêtre. Une fois encore, je me retrouvais seul à devoir tuer le temps qu'il me restait dans cette nuit sombre et froide. Je posai le sommet de mon crâne contre le mur derrière moi et fermai les yeux. J'avais vécu des années dans la nature, entouré parfois uniquement de Sven et des trolls, sans aucune présence humaine. Cette sorte de solitude et de manque de socialisation avec mes pareils ne m'avait jamais réellement affecté. Mais cette fois c'était différent. Je vivais dans un château, entouré de domestiques qui répondaient présents en cas de besoin et ne manquais objectivement de rien. Sven profitait également de son confort dans les écuries. Nous avions tout pour être heureux. Cependant, l'amour que je ressentais pour Anna, ces sentiments qui me tordaient délicieusement le ventre et qui accéléraient les battements de mon cœur en sa présence, était nouveau pour moi. Je n'avais jamais dû faire face à de telles sensations de bonheur. Mais ce dernier semblait être aussi fragile que du verre soufflé, capable de se métamorphoser en un instant en une immense peine, bien plus douloureuse que toutes ces années passées en l'absence d'autres êtres humains. Sans aucun moments privilégiés avec Anna, c'était ce que je ressentais depuis plusieurs semaines maintenant. Mon cœur semblait être compressé dans une minuscule cage, bien trop petite pour contenir tout l'amour que j'avais pour elle. Je devais me retenir, patienter et ne pas laisser mes sentiments déborder de cette cage qui supportait à elle seule tous les efforts que je faisais pour ne pas céder à la tentation de garder la jeune femme pour moi, nous permettant enfin de vivre notre vie à deux comme nous l'espérions autrefois.

La Reine des Neiges 3Where stories live. Discover now