Chapitre 31

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Anna

Le soleil de l'après-midi tapait contre les vitres du palais. Quelques rayons de lumière se posèrent sur mon visage et donnèrent de jolis reflets roux à mes cheveux. Je souris et fermai les yeux en sentant leur douce chaleur sur ma peau. Le mois de mai approchait à grands pas. Enfin ! J'allais bientôt me marier ! A cette pensée, je sentis des petits picotements d'excitation dans le bas de mon ventre. Jamais cette perspective ne m'avait paru aussi proche. Je rouvris les yeux, revenant à la réalité. Je vis les nombreux tas de dossiers posés sur le bureau en face de moi et poussai un soupir de lassitude. Comment ma sœur avait-elle pu se charger d'autant de choses durant son règne, sans jamais sourciller ? Je n'étais pas aussi courageuse et assidue qu'elle. Ces courriers officiels m'ennuyaient au plus haut point. J'ouvrais les lettres une à une en parcourant rapidement leur contenu, sans y prêter davantage attention. Je me rendis alors compte que Kai, le majordome, avait soigneusement empilé les faire-part de mon mariage avec Kristoff sur un coin de mon bureau. Il ne manquait plus que le cachet royal avant de pouvoir les envoyer aux représentants des royaumes alentours afin de les y convier. Je marquai alors consciencieusement d'un sceau chacune des invitations. C'est officiel, me dis-je intérieurement après avoir cacheté le dernier faire-part.

« Kai ! » appelai-je.

J'entendis des pas précipités dans le couloir puis vis le domestique apparaître dans l'embrasure de la porte du cabinet dans lequel je me trouvais.

« Vous m'avez demandé Votre Majesté ? » me demanda-t-il poliment.

Je me retins de rire en entendant le ton solennel que prenait le majordome à chaque fois qu'il s'adressait à moi.

« Je souhaiterais que vous fassiez parvenir au plus vite ces faire-part annonçant mon futur mariage aux royaumes voisins, lui dis-je en essayant de garder mon sérieux.

— Bien Votre Altesse. Je m'assurerai que le bateau qui les transportera parte demain matin à la première heure. »

Il prit le paquet de lettres que je lui tendais. Je remarquai alors l'air exaspéré qu'il affichait, lui qui paraissait de plus en plus aigri et réticent à mon mariage avec Kristoff. Au fur et à mesure que les jours passaient, son visage et ses expressions devenaient toujours plus froids lorsque nous abordions ce sujet. Avant même que je ne puisse lui faire la moindre réflexion, le majordome fit une légère révérence et repartit aussi vite qu'il était arrivé. A peine eut-il quitté la pièce que je m'affalai sur mon siège, incapable de me tenir droite une minute de plus. Je me massai les tempes dans l'espoir d'atténuer un mal de crâne qui revenait de plus en plus fréquemment. Je tournai la tête vers la pendule à ma gauche. Seize heurs trente-cinq. Allez, un peu de courage, me motivai-je malgré moi.

***

Quelques heures plus tard, je me retrouvais à regarder tristement le soleil couchant depuis le balcon de ma chambre. Les derniers rayons de lumière rendaient l'eau du fjord scintillante. Le ciel avait pris une jolie teinte rose-orangée. Je soupirai devant ce magnifique spectacle. Kristoff me manquait terriblement, bien que ce fût moi qui l'ai envoyé chercher Elsa. Je me remémorai alors le dernier baiser que nous avions échangé avant son départ pour la forêt enchantée hier après-midi. Je fermai les yeux, imaginant ses lèvres chaudes et douces contre les miennes. Je souris à cette pensée. Il doit certainement être arrivé, supposai-je. On frappa à ma porte, ce qui me tira de mes songes.

« Entrez », dis-je, déçue de ne pouvoir profiter davantage de ce court instant de bonheur.

Ce fut de nouveau Kai qui ouvrit la porte.

« Le dîner est servi votre Altesse, m'annonça-t-il.

— J'arrive tout de suite ».

Je me tournai une dernière fois vers l'extérieur. Le soleil avait disparu à l'horizon.

***

Une heure plus tard, je revins dans ma chambre et me jetai à plat ventre sur mon lit. J'avais beaucoup trop mangé. Le repas m'avait paru extrêmement long sans la compagnie de Kristoff. N'ayant aucune autre distraction, j'avais englouti tout ce que l'on m'avait présenté. Combien de fois avais-je repris une part de gâteau au chocolat ? Cinq, six fois ? Je ne savais plus très bien.

Je me mis sur le dos, fixant le plafond. Je me sentais terriblement vide, même après avoir avalé autant de nourriture. Non, ce n'était pas lié, c'était un sentiment plus intense, plus profond, plus douloureux. Je n'avais jamais ressenti de telles sensations. Je comprenais enfin ce qu'était l'amour, à la fois tendre et douloureux, joyeux et triste, passionnel et haineux. Il décuplait nos sentiments, que ce soient les pires ou les meilleurs. Jamais je n'avais été aussi heureuse et triste à la fois. J'aimais Kristoff plus que tout au monde. J'avais vécu et je vivais les meilleurs moments de ma vie en sa compagnie. Mais dès qu'il n'était pas là, je ressentais une déchirure intérieure si profonde que je me retrouvais presque morte et incapable de vivre en son absence.

Je me levai et quittai ma chambre, incapable de calmer mon trouble. Le couloir était sombre et silencieux. Tous dormaient. J'étais seule. Je me déplaçais le plus silencieusement possible. Mes pieds nus sur le parquet ne faisaient pas le moindre bruit. Cette sensation me rappela subitement mes sorties nocturnes lorsque j'étais enfant dans l'espoir de retrouver Elsa dans sa chambre. Je me remémorai cette immense déception lorsque, chaque nuit, je me rendais compte que l'unique porte me séparant de ma sœur était en permanence verrouillée, m'empêchant d'aller la retrouver. Je me souvins de la peur de me faire surprendre par mes parents, cette même angoisse qui me serrait la gorge, bien des années plus tard alors qu'Iduna et Agnarr n'étaient plus de ce monde...

Je me rendis dans la pièce voisine, la chambre de Kristoff. Elle était affreusement vide, dépourvue de vie et de chaleur. Tout était calme. Trop calme. Je frissonnai. Cette situation me rappela subitement la première scène de mon cauchemar, identique à celle que je vivais actuellement. L'image d'Elsa et Kristoff s'embrassant me revint alors en mémoire. Mes poings se serrèrent. Je secouai la tête, chassant ce souvenir glaçant de mon esprit. J'entrai et allumai un feu dans l'imposante cheminée pour contrer la fraîcheur de la nuit qui gagnait peu à peu le palais. Je regardai quelques instants les flammes rouges et jaunes danser dans l'âtre, puis vins me blottir dans les draps de Kristoff. Ils étaient imprégnés de l'odeur du jeune homme, ce qui m'apaisa immédiatement. Je m'enroulai un peu plus dedans en m'imaginant dans ses bras. J'enfouis mon visage dans un des deux oreillers du lit. Une larme coula sur ma joue. J'étais à fleur de peau. Toute la fatigue accumulée ces derniers jours me rendais extrêmement sensible et l'absence de Kristoff n'arrangeait rien. Je passai doucement mes mains sous l'oreiller pour le presser davantage contre ma tête. Soudain, mes doigts effleurèrent quelque chose d'inhabituel. Quelque chose de lisse, doux et légèrement rugueux. Du papier, pensai-je. Je me redressai brusquement et sortis l'objet de sa piètre cachette. Il s'agissait bel et bien d'une feuille de papier que l'on avait pliée en quatre. Je l'ouvris délicatement, rongée par la curiosité et le cœur battant. Je découvris une lettre :

J'imagine que si tu lis ce message c'est que je dois terriblement te manquer, au point de venir occuper mon lit... Peu importe ! Sache que je n'aime pas non plus être loin de toi, sans pouvoir caresser tes cheveux si doux, sentir ton parfum si agréable et voir tes grands yeux bleus qui me manquent tant. Je pense très fort à toi, où que je sois au moment où tu lis ces quelques mots. Je te promets que nous rattraperons tous les instants que nous aurons ratés vendredi quand je rentrerai. D'ici là, essaye de ne pas trop baver sur mon oreiller en pensant à moi ! Je t'embrasse très fort mon amour... Je t'aime.

PS : ne t'avise pas de venir trop souvent dans ma chambre le soir (même si j'avoue que cela doit être très tentant...) ! On ne sait jamais, tu pourrais garder cette habitude même après mon retour... Il ne faudrait pas que cela dérape et que nous fassions quoi que ce soit avant notre mariage...

Kristoff

A la fin de ma lecture, je fus surprise de remarquer que je souriais bêtement, sans même m'en être rendu compte auparavant. Je caressai du bout des doigts l'écriture bancale et irrégulière de Kristoff. La sensation de vide qui m'avait oppressée quelques minutes plus tôt avait totalement disparu, laissant place à un sentiment de légèreté. Je me laissai alors retomber en arrière sur le lit en soupirant de bonheur. Mon futur mari me réservait toujours des surprises et c'était ce que j'aimais par-dessus tout dans notre relation.

« Moi aussi je t'aime », murmurai-je doucement en pressant la lettre contre ma poitrine.

Je fermai les yeux et m'endormis rapidement dans la chambre du jeune homme. 

La Reine des Neiges 3Where stories live. Discover now