Chapitre 88

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Honeymaren

Je n'osais avancer tant j'étais impressionnée. Les bâtiments s'élevaient très haut, bien plus haut que les arbres, je n'avais jamais vu une chose pareille. D'ailleurs, les quelques plantes qu'il y avait étaient enfermées dans des cages de fer sans raison apparente. Les maisons étaient toutes recouvertes de pierre, ce qui me surprit tout autant. Je ne suis pas sûre que les esprits de la terre apprécieraient qu'on les défie ainsi... pensai-je. J'étais figée sur place et étais incapable de faire faire un pas de plus au renne sur lequel j'étais montée. Il n'y avait rien de familier en face de moi. Tout m'effrayait, me poussant à rester à la lisière de la mince forêt qui recouvrait le flan de la montagne que je venais de descendre, seul élément dans lequel je me sentais encore à ma place. Mon renne recula de quelques pas, visiblement apeuré, lui aussi. J'inspirai profondément et lui donnai un petit coup de talon. Il refusa de m'obéir. Pour l'encourager, je caressai doucement son encolure. Il secoua la tête en signe de mécontentement mais finit par avancer. Quand ses sabots foulèrent pour la première fois le sol recouvert de pierres lisses et arondies, il fit un écart sur le côté et manqua de me faire tomber.

« Hey, doucement... » lui murmurai-je le plus calmement possible.

J'eus beau le talonner pour redémarrer, il refusa catégoriquement de faire un pas de plus. Je soupirai d'exaspération, laissant tomber ma tête en arrière.

« C'est pas vrai... » marmonnai-je.

Je dus descendre du renne et continuer à pied, le traînant difficilement derrière moi. Le clapotis irrégulier et hésitant de ses sabots sur le sol était le seul bruit qui venait troubler l'étrange silence dans lequel était plongé le royaume. Je trouvais de plus en plus inquiétant que l'on ne croise personne, et pourtant, j'avais l'impression de sentir une multitude de regards posés sur nous. Je levai la tête et jetai un rapide coup d'œil aux habitations. Les volets qui jusqu'ici m'avaient paru fermés à cause du soleil étaient maintenant entrouverts. Je me sentais de plus en plus mal à l'aise et, pour tenter de contrer les sensations désagréables qui m'envahissaient, j'essayai de centrer toute mon attention sur les immenses tours aux flèches pointues qui s'élevaient en face de moi. Le château, pensai-je. Il avait l'air magnifique, étincelant sous le soleil de fin d'après-midi. C'était là que je devais me rendre, mais les maisons collées les unes aux autres me baraient la route. J'arrivais bientôt à un petit carrefour, pouvant aller soit à gauche, soit à droite, alors que le palais était en face de moi, derrière une rangée d'habitations. J'hésitai plusieurs minutes, ne sachant ce que je devais faire pour y accéder. Alors que je m'apprêtais à prendre la rue de droite, j'entendis des pas qui s'approchaient derrière moi. Faisant mine de ne rien avoir remarqué, je m'y engageai, restant sur mes gardes. Tout en avançant, j'écoutai attentivement ce qu'il se passait dans mon dos, essayant de faire abstraction du cliquetis des sabots du renne. Quelque chose m'inquiéta alors : à chaque foulée que je faisais, j'avais l'impression que la personne derrière moi se démultipliait, que ses pas devenaient de plus en plus nombreux et de plus en plus bruyants. Elle n'était pas seule, ils étaient plusieurs. Ils allaient à la même allure que moi et semblaient me suivre. Je devais m'en assurer. Je vis alors une petite ruelle sur la gauche et l'empruntai, voyant là une opportunité de gagner plus rapidement le château. Alors que je venais d'en parcourir les premiers mètres, je remarquai qu'il n'y avait plus un seul bruit derrière moi. Soulagée, je relâchai la pression qui s'était emparée de mon corps et continuai ma progression plus sereinement. Il faut que t'arrêtes de toujours t'imaginer le pire Honeyma... Un homme apparut soudain au bout de la ruelle, me tirant brutalement de mes pensées. Je lui lançai un regard inquiet. Il semblait figé, bloquant le passage de toute la largeur de son corps. Je ralentis, mais refusai de m'arrêter. Je ne devais surtout pas lui montrer que j'avais peur. Tout un groupe de personnes apparut alors, rejoignant l'homme et m'empêchant définitivement de passer. Je me stoppai brusquement et sentis la tête du renne se cogner de surprise contre l'arrière de mon épaule. Ils me fixaient tous, hommes et femmes, et aucun de leurs regards ne m'inspirait confiance. Sans les lâcher des yeux, je tâtai doucement les flans de l'animal où j'avais accroché mes quelques bagages. Je sentis entre deux sacs un long morceau de bois et l'attrapai discrètement.

La Reine des Neiges 3Where stories live. Discover now