Chapitre 52

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Elsa

Cela faisait des heures que j'avançais à travers les bois. Le jour commençait tout juste à se lever et laissait d'immenses balafres rosées au travers du ciel. Cela faisait longtemps que je ne l'avais pas vu aussi clair et dégagé que ce matin-là. Peut-être était-ce de bon augure pour le restant de mon voyage... Pourtant, au fur et à mesure que je progressais, je découvrais de plus en plus d'arbres morts, complètement noirs et dénudés de feuilles. Je m'approchais de la forêt enchantée pour sûr, mais ce qui m'inquiétait, c'était que ces arbres et leur terrible maladie ne cessaient de gagner du terrain, s'avançant toujours plus vers Arendelle. Je tentais de les ignorer en ne leur accordant pas plus que quelques regards furtifs. Mais c'était inutile, tout cela trottait dans un coin de ma tête malgré toutes mes tentatives pour me changer les esprits. Je me forçai alors à fixer la crinière de mon cheval qui se balançait lentement le long de son encolure au rythme de ses pas. Cela me permettait de faire abstraction de ce qui m'entourait, du moins pour le moment. Soudain, des cris me firent sursauter. Mon cheval fit un violent écart, pris de peur lui aussi. Je réussis à me retenir à lui, m'empêchant de tomber.

« Doucement... » lui murmurai-je en le caressant d'une main tremblante.

L'écho de ces cris étranges résonnait toujours dans la montagne. Ils venaient de l'est, j'en étais certaine. Je regardai un instant le chemin qui se dessinait au travers les bois devant moi. Je n'avais qu'à le suivre, il me mènerait tout droit au camp Northuldra. Mais ma curiosité était plus forte. Lorsque de nouveaux cris dans lesquels je pouvais clairement percevoir une rage naissante retentirent, je me décidai et forçai mon cheval à partir sur la droite, dans une partie plus rocheuse et escarpée de la montagne.

Ses sabots produisaient un cliquetis sur les énormes pierres qui recouvraient le sol. Je n'étais pas sereine, sentant à chacune des nouvelles foulées de l'animal qu'il dérapait sur cette surface bien trop glissante pour lui. T'es complètement inconsciente Elsa ! pensai-je en me tenant fermement aux rênes. Nous arrivâmes bientôt devant un passage très étroit où se trouvait d'un côté le vide et de l'autre une paroi rocheuse. Je stoppai mon cheval et soupirai. Tout était calme depuis plusieurs minutes.

« Peut-être... Peut-être que ça n'en vaut pas la peine finalement », dis-je en ne quittant pas des yeux le minuscule chemin à flanc de falaise devant moi.

L'animal hennit, paraissant acquiescer, et recula de quelques pas, effrayé. Je m'apprêtai à faire demi-tour quand subitement, les hurlements reprirent de plus belle, bien plus proches cette fois :

« Donne-moi ça idiot !

— Tu vois pas que c'est pas le moment là ?!

— Oh la ferme ! »

Je levai la tête et me penchai légèrement pour tenter de voir ce qu'il se passait au-delà du passage escarpé. En vain, des arbres immenses me cachaient la vue. Des pins. Je ne connaissais pas cette partie de la forêt, cela pouvait être dangereux. Je descendis de mon cheval et inspirai profondément tout en ôtant mes chaussures à talon. Je saisis d'une main peu sûre ses rênes et avançai vers le sentier rocheux.

« Ok... murmurai-je en posant un pied sur la première pierre qui se présentait à moi. T'es complètement folle ! »

Mon cheval commença à s'affoler et me tira en arrière. Je l'ignorai et continuait ma lente progression, une main posée sur la paroi rocheuse, l'autre toujours fermement agrippée aux rênes. L'animal recula de nouveau, manquant de me faire tomber.

« Je t'en prie j'ai besoin de toi ! » lui lançai-je pour essayer de le rassurer comme je pouvais.

Il hennit bruyamment, secoua la tête et finit par avancer timidement vers moi. Je soupirai de soulagement et repris ma route en essayant de ne pas jeter le moindre coup d'œil en contrebas. Je savais pertinemment que si mon cheval glissait, il m'entraînerait avec lui dans sa chute sans que je puisse le retenir, et vu ce qui nous attendait en bas, nous aurions peu de chance de nous en sortir intacts. Mes pieds nus sur les pierres me faisaient terriblement souffrir. T'as vraiment choisi le bon jour pour mettre des chaussures à talon... Qu'est-ce qu'Anna dirait ? Je souris en songeant au visage affolé de ma sœur. Mais cette pensée me fit perdre un instant ma vigilance : mon pied dérapa et, en tentant de me rattraper, il rencontra le bord d'un rocher saillant. J'étouffai un cri de douleur quand je sentis que ce dernier s'enfonça dans ma chair. Je devins blême en voyant le sang s'échapper de la plante de mon pied. Mon cheval s'était brusquement arrêté derrière moi. Je sentais son souffle chaud sur ma nuque. Nous ne pouvions pas rester là, c'était trop dangereux. Alors, je pris sur moi et réussis à marcher en boitillant et en retenant ma respiration. Chaque fois que je posais mon pied blessé sur une nouvelle pierre, j'y laissais une trace rouge vif qui paraissait indélébile. Lorsque j'arrivai enfin de l'autre côté de ce terrible chemin je relâchai enfin la pression et repris mon souffle. Je remis rapidement mes chaussures, préférant encore cela à marcher pieds nus. Soudain les voix reprirent. Des voix d'hommes, accompagnées de terribles grognements. Sans plus attendre, je montai sur mon cheval et le lançai au galop à travers les pins.

La Reine des Neiges 3Where stories live. Discover now