Chapitre 61

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Kai

Le 21 décembre 1822

Il faisait un froid polaire cette nuit-là. C'était le début d'un hiver rude, comme nous en avions rarement eu. Tout le personnel était sur ses gardes depuis plusieurs jours déjà. La reine nous avait paru inquiète, perturbée même.

Les premiers signes de l'accouchement étaient apparus en début d'après-midi. Et voilà que nous attendions depuis plus d'une demi-heure dans le couloir, devant la porte de la chambre du roi et de la reine, sans avoir la moindre nouvelle. Je faisais les cent pas, très inquiet.

La grossesse d'Iduna s'était parfaitement déroulée mais quelque chose m'avait laissé perplexe pendant près de neuf mois : au début, personne n'avait su qu'elle était enceinte, excepté le roi, le médecin royal et moi, en qui elle faisait confiance. Elle avait réussi à tenir cela secret pendant cinq mois, dissimulant aux yeux de tous son ventre qui s'arrondissait de semaine en semaine. Et lorsque tout le monde l'avait su, son comportement avait immédiatement changé. Elle s'était montré subitement distante, y compris avec Gerda, sa femme de chambre avec laquelle elle partageait d'ordinaire absolument tout. Iduna nous avait alors paru de plus en plus tourmentée, passant le plus clair de son temps à la fenêtre de sa chambre, observant silencieusement l'horizon. Le roi lui, était resté fidèle à lui-même, et n'avait pas semblé se soucier véritablement du soudain changement d'attitude de sa femme.

Un cri de douleur déchira le silence pesant qui régnait dans le couloir. Olina et moi nous regardâmes. Nous partagions la même anxiété. Elle chiffonait nerveusement le coin du veston de sa robe, signe de son inquiétude. Nous avions laissé Gerda à l'intérieur de la chambre. C'était elle la plus expérimentée de tous les domestiques du château dans ce genre de situation. Et surtout, étant la femme de chambre d'Iduna, elle la connaissait mieux que quiconque, y compris le roi.

« Ça va encore durer longtemps cette affaire ? » marmonna le cuisinier qui attendait, comme nous tous.

Je fronçai les sourcils tout en lui jetant un regard noir.

« Un problème Monsieur Jørgensen ? Il me semble que ce moment devrait vous réjouir, comme tout le monde ici présent », lui dis-je froidement.

Il haussa les épaules.

« Un bébé reste un bébé, royal ou pas. Et puis de toute façon ça me fera qu'une personne de plus à nourrir.

Vu que vous n'avez pas l'air de trépigner d'impatience, vous pouvez toujours regagner votre cuisine, je suis sûr que vos casseroles vous y attendent dans l'évier et que les nettoyer vous excitera certainement plus que d'attendre ici en maugréant. »

Le vieux cuisinier me regarda méchamment avant de tourner des talons, baragouinant des protestations sous sa moustache. A peine eut-il disparu à l'autre bout du couloir que la porte de la chambre royale s'ouvrit, laissant apparaître le visage paniqué de Gerda.

« Vite de l'eau ! Apportez-moi une bassine d'eau et du linge propre ! » s'écria-t-elle.

Olina partit immédiatement en courant vers la lingerie. Un nouveau cri venant de l'intérieur de la pièce nous parvint. Gerda, qui était restée dans l'encadrement de la porte, se retourna vivement, inquiète.

« Comment va la reine ? » murmurai-je en posant une main sur la sienne qui était restée accrochée à la poignée.

Elle la retira vivement, évitant tout contact.

« C'est... compliqué, soupira-t-elle, prenant garde à ce que personne d'autre que moi l'entende. Elle s'épuise et le médecin a beaucoup de mal à l'aider... »

La Reine des Neiges 3Where stories live. Discover now