Chapitre 16

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Kristoff

Cette cabane, isolée au fond des bois. Elle sentait l'aiguille de pin en permanence. Je connaissais parfaitement cette odeur. Cela faisait sept ans qu'elle venait chatouiller mes narines. Je n'aimais pas ce lieu. Je ne l'avais jamais aimé. Il y faisait toujours sombre, même en plein été. Mais c'était l'hiver la pire des saisons. Il me paraissait durer huit mois dans l'année. Je devais alors rester enfermé, seul dans cette vieille habitation que je détestais. Je n'avais rien à y faire à part errer de pièce en pièce à la recherche d'une éventuelle occupation que je ne trouvais jamais. Parfois, je me mettais à genoux sur mon lit, posais mes mains sur le rebord de la fenêtre se trouvant juste au-dessus et regardai les flocons de neige tomber gracieusement au dehors. Je pouvais passer des heures dans cette position, me laissant émerveiller par la beauté de la nature. Je n'avais pas le droit de sortir seul. On me l'avait interdit. Les loups, affamés en cette saison, n'hésitaient pas à s'approcher des hommes. Mais était-ce la seule raison de cette interdiction ? Sûrement pas. Cela suffisait-il pour m'empêcher de la braver ? Non, évidemment. Alors, ne supportant plus d'être enfermé et de devoir observer derrière une vitre ce qui m'enthousiasmait tant, je sortais. La porte, pourtant verrouillée, n'avait jamais été un obstacle pour moi. Je savais depuis bien longtemps où était caché le double des clés. Il suffisait de soulever quelques bûches attendant près de la cheminée pour le trouver.

Je m'asseyais dans la neige, à quelques mètres seulement devant la cabane. J'étais alors entouré d'immenses pins m'ayant toujours impressionné de par leur taille et leur majestuosité. Moi, je n'étais qu'un être minuscule, sans importance, qui ne laisserait jamais de trace dans ce monde comme pouvaient le faire ces grands arbres, debout depuis des dizaines d'années. J'enfonçais mes petites mains dans l'épaisse couche de neige sous moi. Le contact glacé de l'eau cristallisée contre ma peau ne me dérangeait pas. C'était comme si je ne sentais plus rien. Pourtant, au bout d'à peine quelques minutes, mes doigts rougissaient et se raidissaient à cause du froid. J'avais de plus en plus de mal à les bouger. Mais cela m'importait peu. Je m'allongeais sur le sol, me servant de la neige fraîche comme un gigantesque matelas. Et puis j'observais. J'observais un écureuil sauter d'un pin à l'autre, contrôlant parfaitement son délicat atterrissage. J'observais les flocons tourbillonner dans le ciel grisâtre avant de venir se coller sur ma peau. Ils ne résistaient pas longtemps et fondaient aussitôt, formant une petite gouttelette d'eau qui dégoulinait ensuite le long de ma joue ou de mon front. Je fermais les yeux et écoutais le silence de la forêt.

***

Ce silence je le retrouvais dans cette même pièce. J'étais pourtant bien loin de la forêt, bien loin de ces odeurs, de ces sensations. Je ne sentais pas le froid de la neige sous ma peau. Non, je sentais seulement la douceur de mes draps. Cependant, je savais que le calme régnant ne durerait pas. Il en avait été de même, dix-sept ans auparavant...

***

Un coup de feu résonna soudain au loin. Je me redressai, paniqué. Je levai la tête vers le ciel. Des corbeaux passèrent au-dessus de moi, poussant des croassements affolés. Je savais ce que cela signifiait. Il arrivait. Je me mis difficilement debout, mes pieds s'enfonçant dans la poudreuse. Je tentai de courir jusqu'à la cabane. Il ne fallait pas qu'il me voit. Pas dehors. J'essayai de pousser la lourde porte de bois. Elle ne s'ouvrit pas. J'avais pourtant pris garde à ne pas la laisser se refermer. Le vent avait dû la rabattre, bloquant ainsi le verrou. Je fouillai dans la poche de mon manteau. La clé n'y était pas. Je me retournai, regardant l'étendue de neige sur laquelle j'étais encore allongé quelques secondes plus tôt. Elle devait forcément être là, quelque part. Il fallait que je la retrouve, et vite. Je me jetai à plat ventre sur le sol, creusant désespérément dans la neige. Il se rapprochait, j'en étais certain. J'entendais presque ses pas. Pourtant, je devais continuer, poursuivre mes efforts pour retrouver cette clé. C'était ma seule chance. Mais il était trop tard. Un homme barbu, grand et de carrure imposante, sortit des bois. Il portait un fusil en bandoulière. Je détournai le regard en apercevant un jeune chevreuil – fruit de sa chasse – sur ses épaules. Du haut de mes neuf ans, je n'avais jamais compris l'intérêt que l'on pouvait trouver à tuer un animal sans défense.

La Reine des Neiges 3Where stories live. Discover now