Chapitre 76

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Kristoff

Anna n'avait pas fermé l'œil de la nuit. Elle était restée assise dans le salon jusqu'au retour d'Honeymaren, et même quand celle-ci était finalement rentrée, elle avait refusé de venir se coucher. J'étais parti dormir seul, sans parvenir à la convaincre de faire de même.

J'ouvris les yeux, réveillé par la lumière du jour qui commençait à se lever. Anna était plantée devant la fenêtre de la chambre, bras croisés devant sa poitrine et visage inquiet.

« Qu'est-ce qu'il y a ? » demandai-je d'une voix encore endormie.

La jeune femme ne sembla pas m'entendre. Elle avait les yeux rivés sur ce qu'il se passait au dehors, ne se préoccupant de rien d'autre, pas même de moi. Je me redressai sur le lit, m'étirai en baillant et repris :

« Anna ? Tu m'entends ? »

Elle ne bougea pas mais répondit tout de même :

« Ils sont en train de sortir, ils ont passé la nuit là-dedans.

— De quoi tu parles ? »

Le ton de sa voix était étrange. Elle semblait prête à se briser à chaque phrase, tellement sa gorge était serrée. Alarmé, je sortis du lit, enfilai un haut beige à manches courtes et m'approchai de la jeune femme. Je posai ma main sur son épaule ; elle tremblait. La pâleur de sa peau m'inquiéta.

« Tu devrais te reposer... Ce n'est pas prudent de ne pas dormir, surtout en ce moment. On ne peut pas se permettre de manquer également de sommeil.

— Regarde-les, dit-elle d'une voix morne. Ils se rassemblent tous au milieu du village. Quelque chose se prépare Kristoff. Et toi tu veux que j'aille dormir comme si de rien n'était... J'en serais bien incapable. »

Ses yeux paraissaient vides. Je suivis malgré moi son regard. Elle avait raison. Des dizaines de Northuldra se regroupaient petit à petit à l'ancienne place du feu central. Ils provenaient tous d'un seul et même endroit, ayant visiblement passé la nuit là-bas.

« La cabane d'Erik... mumura Anna. C'est forcément celle-là.

— Erik ? » répétai-je.

Elle acquiesça sans plus d'explication. Soudain, la porte de la chambre s'ouvrit violemment, laissant apparaître un Ryder essouflé.

« Vite ! dit-il, haletant. Il faut... Il faut que vous veniez. »

Anna et moi nous regardâmes, comprenant que quelque chose n'allait pas. Nous nous précipitâmes vers le jeune homme que nous suivîmes à travers la cabane jusqu'à la porte d'entrée. Alors que nous étions dans le couloir, nous entendîmes des cris monter au dehors. Tout fut démultiplié une fois à l'extérieur. Ces hurlements grandissaient au fur et à mesure, jusqu'à former une seule et même voix. La foule rassemblée là était déchaînée. Tous les Northuldra présents avaient leur poing levé vers le ciel et réclamaient à l'unisson la présence de Yéléna. Malgré tout ce tumulte, leur cheffe n'apparaissait pas, ce qui ne faisait que renforcer un peu plus la puissance de leurs cris. En nous approchant, je remarquai que femmes et hommes tenaient tous des armes rudimentaires, des lances artisanales pour la plupart. Anna tenta de s'avancer davantage. Je la retins par l'épaule, l'en empêchant.

« Je ne comprends pas ce qu'ils veulent », cria Ryder, essayant de couvrir les hurlements de la foule.

Je lui lançai un regard inquiet. On voyait toujours les marques sur son visage. Ce n'était pas joli à voir.

« Où est ta sœur ? lui demandai-je.

— Là-bas », dit-il en désignant la foule.

Je vis effectivement Honeymaren qui tentait de se glisser entre tous ces manifestants improvisés sans y parvenir. Comprenant qu'elle n'y arriverait pas, elle vint vers nous, le visage grave.

La Reine des Neiges 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant