Chapitre 03

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Éléna prit le chemin, non sans anxiété, des salons privés. Il y en avait cinq au total. Le prix à débourser pour passer une soirée dans l'un de ces salons était de 675 500 roubles. Ce tarif incluait des boissons alcoolisées et des danses à volonté, ainsi qu'un strip-tease. Si le client voulait coucher avec l'une des filles qui lui était attribuée pour le service, il devait débourser 500 000 roubles de plus. Les clients de la salle, eux, devaient verser le double pour s'envoyer en l'air avec la fille qu'ils voulaient consommer.

La plupart du temps, pour ne pas dire à chaque fois, les salons étaient occupés par les mêmes clients qui souhaitaient rester discrets en ne se mêlant jamais au reste de la clientèle. Ils les louaient au mois pour la somme de 3 000 000 roubles.

Il existait une règle d'or entre les clients des salons qu'eux-mêmes avaient instaurée au fil des années ; il était interdit de mettre un pied dans le salon d'un autre, sans l'autorisation de ce dernier et encore moins de piquer et de coucher avec les filles attribuées à un autre client.

Les salons privés revêtaient d'un véritable caractère social en soi. À l'instar de la rue, ces carrés discrets étaient assimilés à un territoire occupé par les hommes provenant de milieux différents, ces mêmes hommes qui ne se côtoyaient pas à l'extérieur, voir qui étaient ennemis et qui cherchaient à s'éliminer mutuellement. Le Doll's Club était une sorte no man's land où les factions ennemies et les concurrents pouvaient s'y retrouver sans risquer une tentative d'assassinat ou un attentat de la part des uns ou des autres gangs.

Le salon noir était réservé par les clients les plus importants et les plus riches de Moscou. La rumeur qui circulait parmi les employés indiquait que des mafieux l'occupaient.

Le salon rouge, quant à lui, était le plus souvent utilisé par des chefs de gangs qui faisaient régner la terreur dans les quartiers les plus pauvres et les plus malfamés de Moscou et de ses environs.

Le bleu, lui, permettait aux banquiers et aux chefs d'entreprise de se retrouver entre eux, à l'écart des autres clients de la salle qui constituaient leur clientèle. Ils n'aimaient pas mélanger le business au plaisir.

Les hommes politiques préféraient le salon jaune, le plus grand et le plus sécurisé du club.

Enfin, les médecins occupaient le salon vert, mais seulement une à deux fois par semaine. Eux seuls ne louaient pas le salon au mois, mais payaient à la soirée et une fois par mois, ils louaient les services d'une entraîneuse pour un effeuillage. Eux seuls constituaient la clientèle la plus ennuyeuse du club.

Le cœur de la blonde battit la chamade lorsqu'elle s'approcha de sa destination et un nœud lui serra l'estomac quand les voix graves des hommes lui parvinrent derrière les rideaux épais qui gardaient leurs identités secrètes du reste de la clientèle.

Éléna avait l'habitude des hommes, de leur regard pervers et concupiscent, de leur manière de parler et de regarder les femmes qui travaillaient ici, mais elle n'avait jamais eu affaire à des criminels en dehors de ceux que Mark recevait chez eux, chez lui. D'ailleurs, quels crimes avaient commis ces gens ? Braquage ? Meurtre ? Viol ? Appartenance à un gang ou à une organisation criminelle ? Est-ce qu'ils comptaient l'ennuyer ? Lui faire peur ? La tuer à la fin de son service si elle les servait mal ?

La jeune femme souffla doucement et longuement afin de se donner du courage, puis elle écarta lentement les rideaux noirs occultant qui permettaient le maximum de discrétion aux membres prestigieux qui venaient là pour se détendre et boire un verre. Éléna regroupa ses doigts entre eux et les noua fort, puis elle franchit la barrière invisible qui la séparait de ses hôtes.

Mafiosnyy OrelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant