Chapitre 05

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Marya conduisit le criminel à l'étage, morte de peur. La jeune femme était tellement terrorisée qu'elle loupa une marche par deux fois en manquant de peu de se tordre les chevilles et de s'étaler dans l'escalier. Heureusement pour elle, le bel inconnu l'avait retenue de justesse, l'empêchant de se blesser sérieusement, d'autant plus qu'elle portait des échasses en guise de chaussures.

Le beau brun avait l'habitude de ce genre de comportement. Il était habitué à ce que les personnes perdent leurs moyens quand elles avaient affaire à lui. Néanmoins, la petite blonde, elle, n'avait pas eu peur de le rabrouer comme elle l'avait fait devant ses hommes. Son attitude de petite rebelle de pacotille l'excita davantage. Elle lui plaisait encore plus. Il n'aimait pas les filles sans caractère, mais à l'inverse, il ne supportait pas les femmes qui se montraient trop caractérielles. À ses yeux, la femme idéale était celle qui faisait preuve de douceur, de respect et d'obéissance, mais qui ne se laissait pas marcher dessus et ce, qu'importait la personne lui faisant face.

Pour l'heure, le peu qu'il avait vu de cette Tatiana lui plaisait et il n'avait aucun doute qu'elle lui plairait davantage.

La danseuse, morte de peur pour son matricule, frappa timidement à la porte du bureau de Karp et entra. Elle avait perdu toute contenance dès lors que ce client lui avait demandé, ou plutôt ordonné, de voir le gérant de l'établissement. Ce dernier sera furieux et sa colère retombera indéniablement sur l'ensemble des employés qui n'hésiteront pas à le faire payer à Éléna quand ils apprendront l'origine de la colère de Karp ; Éléna avait manqué à son devoir en demandant à une autre fille de servir les clients pour lesquels elle avait été attribuée et pas le moindre ; un client habitué du club et du salon privé noir.

— Karp, je t'emmène un client du salon privé.

— Oui, je connais monsieur Volkov, répondit le gérant en levant les yeux par-dessus l'épaule de Marya. Laisse-nous.

La jeune femme ne se fit pas prier pour retourner dans le couloir. Seule, elle relâcha tout l'air emmagasiné dans ses poumons depuis cinq bonnes minutes et porta sa main sur sa poitrine où elle sentit les battements de son cœur s'emballer.

Marya travaillait au Doll's Club depuis cinq ans et c'était la première fois qu'elle craignait pour sa vie. Aucun employé ne connaissait la vie privée et intime des clients, ni de quel type de criminels il s'agissait, mais les salariés savaient pertinemment que les occupants des salons noir et rouge étaient des individus violents et dangereux qui n'hésitaient pas à tuer les employés s'ils estimaient avoir été mal reçus.

Cela s'est produit une fois, il y a un an et demi. Une employée avait ouvertement ridiculisé un chef de gang en commettant l'impardonnable ; se moquer de ses tatouages. Ce dernier avait alors sorti un couteau et lui avait tranché la gorge. Ce fut pour cette raison sordide que le salon rouge s'appelait salon rouge. Avant ce drame, il était connu comme le salon gris. Le rouge du sang s'était répandu sur la moquette grise et les ouvriers avaient eu du mal à l'ôter. Aussi, Karp avait demandé à ce que de la moquette rouge soit mise, afin que plus aucune trace de sang ne se démarquât du sol.

À la suite de cet incident, Karp s'était débarrassé de la dépouille de son employée en la balançant dans le lac, non loin du club. Le client a dû grassement le payer pour cette perte subie. Une fille en moins dans le club était de l'argent en moins pour le patron, surtout que le criminel avait éliminé l'une des starlettes du DC'.

Karp avisa le brun qui attendait sur le pas de la porte et lui indiqua, d'un signe poli de la main, le canapé confortable en face de lui afin qu'il y prenne place. Il lui servit ensuite un verre d'Armagnac de cent douze ans d'âge et un cigare Montecristo. Le gérant se faisait un devoir de connaître les péchés mignons de ses meilleurs clients quels qu'ils soient ; alcool, cigares, cigarettes, bijoux ou femmes. C'était une manière pour le quarantenaire d'amadouer le client ou, comme cela était présentement le cas, espérer le calmer un peu afin que ce dernier ne fît pas preuve de véhémence à son égard. Il ne le montrait pas, mais Karp était mort de trouille à l'idée que cet homme pût être mécontent.

Mafiosnyy OrelOnde histórias criam vida. Descubra agora