- Allez ! On est là depuis deux minutes, on fait un tour et on revient ok ? Restez là si vous préférez.

- On reste là, répondit Orry sèchement.

Rob, Maggie et Jo enjambèrent une barrière et s’engouffrèrent dans la forêt sans ajouter un mot. Jane et Orry s’assirent à même le sol et attendirent en silence. La jeune femme semblait dans ses pensées et lui, ne voulait pas l’importuner. Il fut surpris quand il entendit sa voix de longues minutes plus tard.

- Tu le ressens toi aussi ?

- Oui. Je ne sais pas ce que c’est mais, il y a un truc pas net ici… je n’aime pas ça du tout.

- Eux, ne l’ont pas senti. Il s’est passé quelque chose sur cette île Orry, j’en suis certaine. La partie Nord a été rasée c’est bien ce que vous avez vu ?

- Oui il n’y a plus rien là bas, tout a été brûlé.

- Mais pourquoi n’ont-ils pas fait pareil dans la partie sud ?

- Je n’en sais rien. Ils avaient peut-être besoin de garder cette partie là intacte… ou ils n’ont pas eu le temps… je ne sais pas. C’est bizarre.

- Certains pensent qu’ils ont évacué les personnes les plus riches pour qu’elles s’établissent à Manhattan. Moi je ne pense pas, s’ils avaient voulu garder les personnes d’ici en vie, ils auraient établi une sorte de second Manhattan.

- En vie ? Tu penses que…

- Je n’en sais rien mais j’ai discuté avec Anton et Hanet et ils n’ont aucun souvenir de déportation de personnes ayant vécu ici… Anton le saurait Orry, il a connu le monde d’avant et…

Un cri interrompit la jeune femme qui en perdit son souffle. Elle se leva d’un bond, tout comme Orry et ils fixèrent l’endroit par lequel leurs trois compagnons étaient partis. Puis le jeune homme avança de plusieurs pas.

- Reste là, je vais les chercher, lança-t-il à l’intention de Jane.

- Non, je viens, je ne reste pas seule ici.

- Tu t’enfermes dans le camion et tu nous attends.

- Non ! Je t’accompagne.

Orry souffla, il saisit la main de la jeune femme pour la garder près de lui et ils s’enfoncèrent à leur tour dans la forêt.

Ils avaient parcouru une centaine de mètres quand ils entendirent des bruits de pas venant vers eux. Quelqu’un courrait. Ils se stoppèrent et n’eurent pas longtemps à attendre avant de voir Maggie surgir devant eux, totalement affolée. Elle se jeta dans les bras d’Orry et fondit en larmes.

- Qu’est ce qu’il se passe Mag, où sont Rob et Jo?

- C’est horrible Orry, je… c’est affreux.

- Où est Rob ? Mag où est mon frère ?

- Il est resté là bas, avec Jo… Ils sont…

Elle écarquilla les yeux et plaqua sa main sur sa bouche.

- Ils sont quoi ?

- On a trouvé un… une… Oh mon dieu.

La jeune femme eu soudain un haut le cœur et s’écarta d’Orry pour se pencher et vomir tout ce que son estomac contenait. Jane ne savait plus quoi faire, quoi penser. Elle l’aida à retenir ses cheveux et essaya de la réconforter.

- Jane, tu peux la raccompagner au camion ? Je vais voir ce qu’ils ont trouvé.

- Non Orry je ne te quitte pas, répondit la jeune femme apeurée mais déterminée. Tu n’y vas pas seul.

Elle se retourna vers son amie et lui demanda doucement.

- Maggie est-ce que tu te sens capable de retourner au camion toute seule ?

Maggie hocha la tête, s’essuya la bouche d’un revers de manche puis elle récupéra les clés du camion et repartie en courrant. Jane se tourna vers Orry.

- Tu es une tête de mule, lui dit-il en fronçant les sourcils.

- Je sais… allons y.

Elle lui prit la main et ils continuèrent leur progression, plus lentement et le cœur battant. Ne sachant pas vraiment par où aller Orry appela son frère à plusieurs reprises avant d’avoir une réponse qui les aida à se diriger.

Ils finirent par arriver dans une sorte de clairière où ils retrouvèrent Rob et Jo. Ce dernier était assis par terre et semblait dévasté. Rob était debout devant ce qu’on devinait être un trou énorme et assez profond. Il se retourna vers son frère et Jane et leur fit signe de s’arrêter.

- Non, ne venez pas là c’est… merde… c’est…

Orry ne l’écouta pas, il lâcha la main de Jane et franchit les quelques mètres qui le séparaient de son frère. Lorsqu’il réalisa devant quoi il se tenait, il réagit aussi rapidement qu’il le put et se retourna juste à temps pour retenir Jane qui s’était elle aussi avancée et dont les jambes avaient cédé sous le choc. Il l’entoura de ses bras et l’aida à s’asseoir alors qu’elle portait ses mains à sa bouche pour retenir un cri d’horreur.

- On sait où sont les habitants de l’île maintenant, souffla Rob d’une voix que la colère mais aussi l'abattement rendaient plus rauque.

Orry serra Jane un peu plus fort dans ses bras mais ne pouvait détacher ses yeux du spectacle qu’il avait devant lui. A quelques pas, dans ce trou creusé par la main de l’homme se trouvaient les personnes qui avaient vécu ici, il y a plusieurs dizaines d’années. Les personnes qui avaient habité les maisons qu’ils occupaient à présents, qui avaient laissé tous ces souvenirs derrière elles, qui étaient certainement sur les photos, encore accrochées au mur à leur arrivée.

Elles n’étaient plus rien à présents, elles ne représentaient plus rien d’humain. Il n’y avait qu’un tas d’os, que des morceaux d'étoffe qu'on avait dû jeter par dessus leurs corps pour les camoufler. On n'avait même pas pris le temps de reboucher cette fosse commune de laquelle avait dû s’élever une odeur innommable, à l’époque. Il était impossible de discerner combien de corps avaient été jetés là, sans ménagement, sans prière, sans aucun sentiment, mais une chose était sûre.

Il y en avait trop…

***

Le chant des oiseauxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant