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Orry était assis à la table de la cuisine, ses mains liées autour de sa tasse, ses yeux plongés dans le liquide brun et fumant. Il écoutait d'une oreille distraite la conversation que tenait sa famille. Son frère serrait sa femme contre lui et l'écoutait attentivement lui conter ce qu'elle avait fait de sa journée et comment leur petit garçon avait fatigué toute la maisonnée. Il avait dû sentir l'angoisse grandissant au fur et à mesure que les heures passaient et Isabel le déplorait. Protéger son fils était sa priorité et elle avait l'impression d'avoir échoué.

Les voix étaient basses, discrètes. Il ne fallait surtout pas réveiller Tom et Jane, qui dormaient paisiblement à l'étage. Orry aurait voulu, lui, que la jeune femme soit éveillée car il n'avait pensé qu'à la serrer contre lui, sur le chemin du retour. Mais il comprenait sa fatigue et avait pris sur lui de la porter jusqu'à sa chambre. Après l'avoir déposée dans son lit il était resté avec elle quelques instant puis avait rejoint les siens.

Pour l'instant, aucune question n'avait été posée. Chacun profitait de retrouver fils, mari, mère. La conversation était en apparence futile et cela faisait du bien à tout le monde.

Orry but un peu de son café et profita de la légère brûlure que le liquide chaud laissa dans son oesophage. Celle-ci était douce, agréable.

Machinalement, il releva sa manche droite et laissa ses doigts glisser sur sa peau. Il sentit toutes les aspérités qui s'y trouvaient, parsemant son avant bras et remontant vers son coude. Il n'entendait plus rien autour de lui. Il n'y avait plus que lui et ces cicatrices. Il n'y avait plus que le souvenir de ce jour là, la douleur, l'odeur, la peur.

- Orry !

La voix de Rob le sortit de sa torpeur. Il releva la tête et ses yeux tombèrent dans ceux, horrifiés et larmoyants, de Jane, fixés sur son bras. Il tira d'un coup sec sur sa manche et se leva d'un coup, faisant sursauter la jeune fille. Il prit une grande inspiration et s'approcha d'elle doucement.

- Qu'est ce qu'il t'est arrivé ? Demanda-t-elle légèrement paniquée.
- Des brûlures, c'est rien. Répondit-il, essayant de minimiser ses blessures.
- Mais... tu en as d'autres ? Comment tu les as eues...
- Jane, calme toi, je vais bien d'accord ? Ca va je te promets.

Orry prit doucement la jeune femme dans ses bras et la serra contre lui. Elle était bouleversée par ce qu'elle venait de voir et il s'en voulait énormément. Il aurait dû faire plus attention, ses cicatrices pouvaient être choquantes pour quelqu'un qui ne savait pas, il en avait conscience.

- Viens. Lui souffla-t-il une fois qu'elle se fût calmée.

Il l'emmena dans le salon et s'assit sur le canapé, la gardant contre lui.

- Ca va mieux ?
- Oui, je suis désolée j'ai été surprise. Je... tu as mal ?
- Non, c'est vieux. J'avais 17 ans quand ça s'est passé.
- Tu as d'autres cicatrices ?
- Oui. Sur tout le côté droit du corps. Répondit-il avec franchise.

Jane apporta sa main à sa bouche. Elle tremblait. Ses yeux étaient écarquillés devant l'horreur qu'avait vécu le jeune homme face à elle. Mais il semblait si calme. Il avait accepté tout ça et, après tout, il n'avait pas eu le choix.

- Mais, que s'est il passé ? Demanda-t-elle, soucieuse de connaître le passé de son compagnon.
- Je ne te raconterai pas maintenant. Ça n'est pas le moment Jane. Tu es choquée et je ne veux pas en rajouter. Je te dirai tout, mais j'ai besoin d'encore un peu de temps. Et toi aussi.
- Je peux... voir ?
- Non... s'il te plaît. Pas maintenant.

Il y eut un instant de silence. Orry avait peur de blesser la jeune femme mais il était sûr de lui. Ce n'était pas le moment. Il fut surpris quand Jane posa ses lèvres sur les siennes, mais ressentit également un énorme soulagement.

Le chant des oiseauxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant