Il avait toujours été doué dans ce domaine mais à l’époque où il avait été en âge de travailler, la couleur de sa peau était devenue hélas un vrai handicap, les grandes entreprises n’acceptant d’engager que des personnes à la peau claire. Il avait donc vécu de petits boulots en petits boulots mais ne s’était jamais départi de sa passion. Sa femme était décédée quelques années plus tôt, il n’était donc accompagné que de son fils, Allister, et sa famille.

Le vieil homme avait toutes les raisons pour être en colère et en vouloir au monde entier mais, au lieu de cela, il distillait sa sagesse et ses connaissances à qui voulait bien en profiter.

Un exemple d’humanité.

Un bruit léger attira leur attention et leurs regards se tournèrent vers la porte de la pièce. Orry quitta sa chaise et alla voir dans le couloir si quelqu’un avait besoin d’aide. Il aperçu Jane marcher vers l’entrée du bâtiment, seule. Le jeune homme retourna dans la pièce et rempli un autre gobelet de café puis, après avoir fait un signe de tête à Anton, il sorti rejoindre la jeune femme.

Elle était assise sur un petit muret un peu plus loin et lui tournait le dos, regardant droit devant elle et réfléchissant déjà à comment aller se passer cette première journée ici. Orry s’approcha d’elle et se racla la gorge avant de parler.

- Salut… tu veux un café ?

Jane soupira lourdement, décourageant totalement le jeune homme.

- D’accord. Je te laisse, ajouta-t-il alors, commençant à s’éloigner.

- Je veux bien un café oui, merci. Lui dit alors Jane d’une voix douce.

Orry se figea puis vint s’asseoir aux côtés de la jeune femme et lui tendit la deuxième tasse, qu’il avait remplie pour elle. Elle le  remercia et trempa ses lèvres dans le liquide encore chaud.

- Tu as bien dormi ? Demanda Orry timidement.

- Pas vraiment non. Ce café va me faire du bien. Et toi ?

- Non… je suis descendu faire quelques bricoles pour m’occuper.

Il y eu encore quelques instants de silences pendant lesquelles les deux jeunes gens burent leurs cafés, puis Jane reprit la parole.

- Je dois te dire quelque chose.

- Je t’écoute.

- Je vais certainement… aller vivre avec Maggie, Jo et Gabe… si on se trouve une maison.

- Oh… oui, je savais ça. Gabe a fait une gaffe l’autre jour.

- Je… je ne savais pas comment te le dire.

- Ce n’est pas grave, soupira le jeune homme. Je comprends. Toi et moi c’est… cassé.

Jane se retourna vers lui. Entendre ces mots de la bouche même d’Orry lui faisait mal et elle ne s’était pas attendue à ressentir ça.

  - Je suis désolé, ajouta-t-il, regardant droit devant lui. Je le suis vraiment. Plus que tu ne le crois. Je suis désolé d’avoir perdu mon sang froid, désolé de t’avoir fait peur, je suis désolé de t’avoir déçue. Il laissa quelques secondes passer. Mais surtout je suis désolé de voir que tu me fuis. J’ai voulu te venger, parce qu’à mes yeux tu es importante et que tu le mérites. Et je pensais sincèrement que… ça te ferait du bien. Je me suis trompé.

Jane ne répondit pas. Elle laissa les paroles du jeune homme glisser sur elle, et imprégner petit à petit son esprit. La sincérité qu’elle percevait dans sa voix lui serrait le ventre. 

- Je ne sais pas ce qu’il y a dans ton esprit Jane, j’aimerais comprendre. Je sais que tu n’aimes pas la violence, ça je l’ai bien compris mais… je pensais que tu croirais en moi, que tu saurais que moi, je ne te ferai jamais de mal. Tout ce que je fais, c’est pour toi. Parce que j’ai toujours envie de faire ma vie avec toi, et ça va bien plus loin qu’une histoire de descendance...

De nouveau, la jeune femme laissa les mots s’envoler sans y répondre. Elle avait besoin de plus.

- Je ne suis pas quelqu’un de mauvais, reprit Orry. J’ai cette part sombre en moi, c’est vrai mais… elle n’est qu’une toute petite partie de moi. Elle ne me consume pas, elle ne me définit pas, je ne suis pas que ça et je pense avoir le droit à une deuxième chance. Je crois que… on peut vraiment bâtir quelque chose tous les deux et j’ai réellement besoin de toi à mes côtés. Mais je ne veux pas non plus te faire croire que je suis parfait, je fais des erreurs et c’est normal. Je suis humain. Et je… enfin je… ressens des choses et…

- Tu as raison c’est cassé, le coupa Jane dans un murmure. C’est cassé, mais je sais au fond de moi que tu es quelqu’un de bien Orry, seulement… j’ai besoin de m’éloigner de toi, de laisser passer du temps, de vivre ma propre vie avant de faire des projets plus importants. Je suis jeune et penser à m’engager et fonder une famille, c’était peut-être trop tôt. Et puis… ce que j’ai vu ce soir là, m’a vraiment fait peur.

- Je suis désolé…

- Je sais, souffla Jane. Je te promets de faire des efforts mais toi, laisse moi du temps d’accord ?

- D’accord.

La jeune femme se releva et sourit à Orry, elle enjamba le muret pour retourner à l’intérieur, là où leurs compagnons de route commençaient doucement à se réveiller et se préparer pour cette longue journée de labeur.

Orry la suivit de quelques secondes, prêt à en découdre avec ce qui l’attendait.

Il fallait maintenant consolider les fondations à peine construites de la communauté et chacun avait compris que les sentiments attendraient. Le moment viendrait mais pour l’instant le bien être de tous, était prioritaire.

***


Le chant des oiseauxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant