Ou l'art d'oublier de se renseigner.

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Le soleil était quasiment passé sous la ligne d'horizon. Les teintes sombres de la nuit prenaient le pas sur les lueurs orangées qui subsistaient encore. Les bruits de foule suivaient le même chemin, mourant peu à peu, ils finiraient par laisser place au silence presque religieux d'un village endormi. Alors que les passants rentraient chez eux, une silhouette avançait à contre-courant. Marie se dirigeait d'un pas assuré vers le magasin de vêtements de la chatte auprès de laquelle elle s'était endettée, un sac imposant entre les mains. Plusieurs félines rentraient des présentoirs ornés de vêtements tantôt simples, tantôt flambants, à l'intérieur de la boutique. L'une d'entre elles abandonna sa tâche en apercevant la faelienne, l'invitant immédiatement à se rendre dans le bureau de sa patronne. Passant par les ateliers, où les couturières étaient loin de chômer malgré l'heure tardive, la dryade fut reçue par la matrone, toujours joliment habillée de son écharpe en fourrure bleue.

« Une infusion de feuilles de coca enchantée ? »

La jeune fille plissa les yeux. Si sa mémoire ne lui jouait pas de tours, elle était quasiment certaine que l'équivalent terrestre de cette plante avait un lien de parenté avec la cocaïne.

« Non merci, refusa-t-elle poliment. Je suis simplement venue pour vous apporter la somme de ce mois-ci. »

Joignant le geste à la parole, elle déposa son sac bien garni sur le bureau de la minette écaille de tortue.

« En revanche, est-ce que je suis obligée de compter ces billes une par une ? J'ai gâché un temps fou à recompter deux fois, même en faisant des tas de dix. »

Éclatant de rire, la Purrekos posa une patte sur son ventre. Elle fixa la jeune fille, les yeux plissés, en reprenant à demi son sérieux.

« Tu les as comptées une à une ? »

Jetant un regard acide à la patronne, Marie ne prit même pas la peine de répondre. Ses yeux d'ambre communiquant efficacement son agacement.

« Il existe effectivement des moyens plus rapides d'effectuer une transaction. Est-ce que tu stockes la totalité de ton maana chez toi ?

- A quel autre endroit suis-je censée le conserver ? répliqua la faelienne piquée au vif.

- Il n'y a pas de banques dans ton monde ? »

Bouillant intérieurement, Marie acquiesça de mauvaise grâce. Comment avait-elle pu être aussi stupide pour ne pas penser à quelque chose d'aussi simple.

« Les banques se chargent d'échanger ton maana contre des pièces d'or si vraiment tu ne souhaites pas conserver tes biens sur un compte. L'or le plus modique vaut trois fois le prix du maana et il existe des pièces de plusieurs valeurs qui sont fort pratiques pour alléger ton porte-monnaie.

- Je connais le principe, c'est juste que je ne savais pas que vous en aviez ici aussi. »

Ce fut au tour de la Purrekos de s'offusquer en levant un sourcil réprobateur.

« Penserais-tu par hasard que nous sommes en retard sur les humains ? »

N'ayant pas envie de s'attirer les foudres de la féline, Marie tenta une réponse diplomate.

« Non, c'est juste que tout est si différent que je ne sais pas ce qui existe ou n'existe pas ici. »

Elle n'ajouta pas qu'au premier abord elle avait bien cru se trouver à une époque semblable au Moyen Âge. Ni que, sans magie, les Eldariens se situeraient sans doute à l'âge de pierre.

« Et où est-elle, cette banque ? questionna la dryade pour tenter de détourner le sujet.

- Quelques rues plus loin, il y a des panneaux que tu pourras lire si tu prends la peine de lever un peu le nez.

Quand les choses s'écorçent.Nơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ