On s'y frotte et s'y pique.

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« On va manger. »

Cette phrase, prononcée avec si peu de considération, était en réalité salvatrice pour Marie. Chaque centimètre carré de son corps la faisait souffrir. Elle avait essayé de refuser à plusieurs reprises de continuer, mais Balgard était resté intraitable et ses menaces agissaient comme un énergisant sur-vitaminé. Pompes, abdominaux, tractions et même porter des poids pour définir la puissance musculaire aussi bien dans ses bras que ses jambes. Elle n'avait jamais entendu parler de la résistance du muscle trapèze qui recouvrait tout l'arrière du cou et une partie du haut du dos. Et pourtant, son « maître », avait insisté pour tapoter sans délicatesse plusieurs endroits afin de noter la réaction de contraction des muscles.

Malgré cette annihilation de ses facultés pensantes par l'excès d'exercice physique, une chose lui avait semblé curieuse. Pour une salle d'entraînement, elle était bien peu fréquentée par les fameux gardiens surentraînés de l'Obsidienne. Son hésitation à poser la question eut raison du moment propice, son maître marchait déjà d'un pas vif vers une destination inconnue. Il fallait qu'elle trouve le temps de faire le point mentalement sur sa situation.

« Tu veux bien te dépêcher un peu, râla-t-il théâtralement en levant les yeux au ciel. C'est épuisant de toujours devoir te le demander. »

Offusquée par cette remarque, elle prit soin de ne pas se presser plus que nécessaire. Marie n'eut cependant pas besoin de faire semblant de traîner des pieds, son entrainement avait su saper ses forces durablement. Quand, ils arrivèrent à la salle des portes, elle se demanda où ils se rendaient. Passer par un garde-manger remplit de victuailles lui mettait presque l'eau à la bouche. C'était la première fois qu'elle découvrait cet endroit mais ils ne s'y arrêtèrent pas. Le tigre filait droit devant lui et ils débouchèrent dans une immense salle dont le brouhaha résonnait de façon assourdissante. Stupéfiée par cet amas de monde, il ne fut pas compliqué de deviner l'utilité de l'endroit. Un réfectoire immense, constellé de tables et de gardiens hauts en couleur. Son maître l'emmena dans une petite salle à l'écart, avant de lui demander de l'attendre.

Impossible de comprendre pourquoi personne n'avait jugé bon de l'informer de l'existence de cet endroit. La dryade avait mangé seule, durant des jours, des plateaux apportés par des gardes étincelants dans sa chambre. Il devenait manifeste avec cette minuscule pièce qu'on tenait à la garder à l'écart de tout contact social. Mais le pourquoi était trouble et obscur, quel intérêt pouvait-il bien y avoir ?

« Voici ta ration. »

Déposant deux plateaux repas sans aucune délicatesse sur la table, l'homme tigre se mit à dévorer le sien. Prudente dans le choix de ses mots, la jeune fille tenta d'aborder le sujet de sa préoccupation tout en s'asseyant l'air de rien.

« On ne mange pas avec les autres ? »

Stoppant sa fourchette à mi-chemin, le fauve la fixa avec intensité.

« Je vais être très clair et tout ce qu'il y a de plus honnête avec toi car je ne pense pas que tu sois idiote. »

Un sentiment de malaise saisit la faelienne alors qu'elle sentait que le contrôle de la conversation lui échappait totalement. A vrai dire, elle n'avait sans doute jamais eu le contrôle sur quoique ce soit.

« Tu n'es autorisée à parler à personne ici tant que je ne l'aurais pas jugé bon. L'étincelant qui t'a accueillie a été suspendu, tu n'aurais jamais dû pouvoir parler un autre faelien avant d'avoir été prise en charge.

- Quoi ? Mais pourquoi ? »

Marie ne comprenait plus du tout l'angle que prenait la discussion.

Quand les choses s'écorçent.Where stories live. Discover now