L'ego se dissimule lâchement.

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De grosses gouttes de sueur coulaient le long de son front alors qu'elle tentait de sceller ses lèvres en mordant l'inférieure. Cet interrogatoire était sa dernière chance de garder la vie sauve. Marie ne devait pas tout gâcher, il fallait qu'elle ravale sa fierté pour se convaincre réellement dans les secondes qui suivraient que son allégeance à la garde d'Eel était sincère. Le pour, il ne fallait penser qu'aux pours et oublier les contres. Une vie protégée. Mensonge. Une nouvelle famille pour celle qu'elle était devenue. Mensonge. Des amis sur qui elle pouvait compter. Mensonge. Une seconde chance de réussir sa vie. « Mensonges » continuait de lui murmurer son esprit.

« Non, hurla-t-elle comme si les mots lui brûlaient la gorge, je ne dois obéissance absolue à personne. Je ne veux pas arrêter de penser ! »

Tout s'estompa soudainement quand la réalité prit de nouveau corps autour d'elle. Toujours transpirante, la dryade regarda dans toutes les directions avec anxiété. Son interrogatoire était terminé. Ses réponses ne seraient jamais satisfaisantes. On allait la tuer. L'adrénaline envahit ses veines en un instant alors que la folie submergeait sa conscience. Un instinct primaire lui ordonnait de prendre la fuite, de sauver sa peau coûte que coûte.

Se redressant en une seule poussée, sa course laissa toute l'assistance au dépourvu. D'un bond, elle jaillit vers les escaliers mais une main ferme l'attrapa au vol, comprimant ses côtes. Un cri dément résonna alors que la jeune fille tentait vainement d'échapper à l'ogre, des larmes baignant ses joues. Même si elle n'était plus humaine, même si ses jambes étaient faites de bois, elle n'aspirait qu'à rentrer chez elle. Peu importait son nom, son père le lui réapprendrait. Peu importait son apparence, il l'aimerait de nouveau. Il fallait simplement qu'elle rentre chez elle. Qu'elle oublie le sort cruel qu'on lui réservait dans cet autre monde.

« Je ne veux pas mourir, hurlait-elle comme une aliénée, je ne veux pas mourir ! »

La stupeur se lisait sur le visage du chef obsidien, les remords sur celui de l'ombre, l'expression du maître des absynthes se situait plutôt entre le détachement et la consternation. Ce qui heurta le plus la faelienne, ce fut sans aucun doute les airs satisfaits des deux étincelants. Le grand blond et la renarde laissèrent transparaître une allégresse parfaitement déplacée dans ces circonstances. Le gommeur, lui, la regardait de ses yeux blancs, d'un air neutre. Personne ne lui viendrait en aide, même Jamon, la montagne de muscles, lui lançait un regard dur.

« Félicitations, annonça Leiftan d'un air guilleret, tu ne mourras pas aujourd'hui. »

Plusieurs secondes se déroulèrent avant que le sens de cette phrase n'atteigne l'esprit de Marie. Ses muscles se détendirent légèrement alors qu'elle cessait enfin de lutter. Sa voix ne fut qu'un murmure incertain.

« Pourquoi ? »

Sa méfiance naturelle ne comprenait absolument pas ce qui motivait cette soudaine clémence. Ahaztu n'avait même pas encore fait son compte rendu.

« Tu tiens suffisamment à la vie pour obéir et ne pas la risquer maintenant que tu sais que nous sommes sérieux au sujet de l'insubordination, annonça la femme vulpine, un vague sourire au coin de lèvres.

- Vous pensez que je vais obéir pour ne pas mourir ?

- Tu obéiras pour ne pas mourir, affirma-t-elle. »

Le ton de la renarde était sans appel. D'un seul geste de tête, l'étincelante fit relâcher la jeune fille qui frotta son flanc en grimaçant.

« Qu'est-ce qui vous dit que je ne vais pas m'enfuir ?

- Tu pourrais, admit la renarde. Mais dans ce cas, tu ne sauras jamais si tu as eu raison de chercher un moyen de rentrer chez toi au cœur de la garde. »

Quand les choses s'écorçent.Where stories live. Discover now