Car les choses ne sont jamais gratuites.

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Le groupe de gardiens se déplaçait de village en village depuis maintenant une semaine mais aucune piste quant à la localisation du receleur ne semblait vouloir apparaître. Le félin ne laissait aucun indice sur son passage, ou tout du moins, les gens n'avaient pas la moindre envie d'aborder le sujet. Les pieds de Marie la faisaient souffrir mais, à chaque fois qu'elle regardait les jambes de Saan, ses lèvres se pinçaient et elle redoublait d'efforts. Une autre chose qui lui permettait de tenir bon, c'était le discours quasi-ininterrompu de Duldik la licorne qui meublait le silence et l'empêchait de trop penser.

« Tu vois ces plantes sur le bord du chemin ? Les petites avec des fleurs rouges et les feuilles émeraudes aux bouts pointus ? »

La jeune fille hocha la tête pour la soixantième fois de la matinée.

« Ce sont des précieuses mordantes. Une espèce de végétal qui sert de gardien aux locaux.

- De gardien ? s'étonna-t-elle.

- Oui, il suffit de lui offrir, disons par exemple un morceau de ton écorce ou de ma crinière, et elle te reconnaîtra comme son maître si tu la nourris régulièrement.

- Et ça sert à quoi ?

- Quiconque passera dans ton jardin déclenchera un bruissement, comme du cristal, et tu sauras que quelqu'un entre chez toi. Qu'il soit visible ou pas, ces plantes détectent toutes sortes d'intrusions. »

L'équidé unicorne était un véritable puits de science pour toutes sortes de sujets. A tel point qu'elle lui avait demandé ce qu'il faisait dans la garde Obsidienne qui lui semblait plutôt réservée aux muscles et non à l'intellect. Ce à quoi il avait répondu la tête haute.

« Je suis un jeune mâle dans le cœur de ma force. J'ai quitté mon troupeau sans leur accord pour m'intégrer à la garde alors si j'avais poussé le vice jusqu'à dédaigner l'entraînement physique pour m'enfermer dans une bibliothèque ou des laboratoires, je pense que mes ancêtres en auraient perdu leurs cornes. Disons que c'est l'alternative qui convient le mieux à ma situation. Et, comme je te l'ai déjà dit, je suis un excellent escrimeur grâce à ma corne. Ce qui fait que je porte fièrement les couleurs du bataillon des valseurs écarlates. »

Et s'en suivit l'éloge de ses capacités naturelles avant qu'il ne dérive sur de nombreux sujets.
Le groupe était séparé en deux, ceux à l'avant qui ne supportaient plus ce babillage continu et ceux qui, profitant du savoir de Duldik, l'écoutaient à l'arrière. Ils n'étaient pas si nombreux mais un début de clivage avait déjà pointé le bout de son nez. Difficile de coexister en harmonie lorsqu'on avait été rassemblé par le coup du sort.

Le midi même, ils arrivèrent dans un village de petite taille où vivaient des lutins à la peau dorée et aux oreilles pointues. Une forte odeur de cuir flottait dans l'air, une aura de chaleur et le bruit incessant de marteaux cognant le métal. Les infrastructures environnantes n'étaient pas du tout adaptées à leur grande taille, pourtant, Marie fut étonnée de voir les petits êtres façonner des chaussures plus grandes que celles qu'elle portait naguère. La licorne fut enchantée d'expliquer que ce petit peuple était celui des Corium, des lutins experts dans le travail du cuir.

La jeune fille se sentit cependant très incommodée quand un quatuor de petits hommes nus se dandina autour de ses pieds pour imaginer un nouveau modèle de souliers. Elle tenta de les repousser et fut surprise de ne pas comprendre un mot de ce qu'ils lui répondirent.

« Quoi ? demanda-t-elle en cherchant assistance auprès des siens du regard. Qu'est-ce qu'ils disent ? J'ai l'impression d'avoir été insultée. »

Le ricanement du lutin la conforta dans cette idée.

« Je croyais qu'ici le langage était universel ! s'indigna-t-elle. »

Quand les choses s'écorçent.Wo Geschichten leben. Entdecke jetzt