Celle qui vient après l'espoir.

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Parcourant les couloirs à la recherche du terrien, elle se sentit rapidement perdue à travers ce dédale de portes identiques. C'est alors que Marie se rappela de la dague dorée, qui surplombait la chambre qu'elle avait visité l'après-midi même. Une tête de bélier, une fleur... Tout un tas de signes étaient représentés au-dessus des entrées. Elle n'était en vérité qu'à quelques dizaines de mètres de celle qu'elle cherchait. Plantée devant, elle se demanda si c'était réellement une bonne idée de retenter sa chance. Fermant les yeux avant d'abattre sa main fluette contre le bois ouvragé, son souffle se fit plus léger qu'une brise. Une voix grave lui répondit, l'invitant à entrer sans qu'aucun verrou ne soit retiré. Ils n'avaient pas peur des voleurs à Eel. Quoiqu'elle doutait de pouvoir agresser qui que ce soit avec succès vu ses compétences de guerrière inexistantes.

« Je dois vous parler.

- Oh, la petite. Tu sais, je ne voulais pas te faire fuir.

- Attendez. Je dois absolument vous demander quelque chose et j'ai besoin d'une réponse sérieuse et honnête. »

L'homme vêtu de ce qu'il lui semblait être un pyjama s'avachit en silence sur son lit, visiblement disposé à l'écouter.

« N'y a-t-il vraiment aucun moyen pour moi de rentrer de l'autre côté ? »

Elle s'attendait à ce qu'il débite à nouveau des paroles digne d'un ivrogne des bas quartiers mais au lieu de cela, il poussa un soupir en la fixant.

« Tu sais, comme je te l'ai dit, ça fait dix ans que je suis coincé ici. Quand je suis arrivé, je pensais que j'allais pouvoir rentrer. J'y croyais vraiment. En fait, on pourrait tous rentrer avec suffisamment d'efforts. »

Voyant le regard de la jeune fille s'illuminer, il coupa rapidement sa joie à la racine.

« Mais tu sais pourquoi aucun de nous ne l'a fait ? »

Elle secoua la tête, peu préoccupée par les raisons sans doute absurdes qu'il allait lui servir pour la culpabiliser ou lui faire croire que c'était trop compliqué.

« Ces passages nécessitent des ressources qui mettent du temps à s'acquérir et à se régénérer. Ils servent aux locaux à aller s'approvisionner en nourriture de l'autre côté pour ne pas mourir de faim parce que toute la bouffe qui pousse ici ne sert à rien. En imaginant que je décide de récolter tous les ingrédients nécessaires et que je m'y rende par mes propres moyens, je priverais les habitants d'Eel de nourriture pendant disons, il marqua une brève pause, l'équivalent d'un ou deux mois. Je les forcerais à aller récolter des ressources plus loin et à empiéter sur les ressources de leurs voisins qui, eux aussi, doivent nourrir la population. Ce serait dans l'hypothèse où je déciderais de partir seul. Admettons que chaque faelien égaré à Eldarya, toutes régions confondues, décide de rentrer chez lui en même temps que moi. La totalité du monde Eldaryen sera mort de faim en quelques semaines ou quelques mois. »

Figée, la jeune dryade laissa échapper un rire nerveux.

« Vous n'aviez qu'à rentrer au fur et à mesure. Vous ne pouvez-vous en prendre qu'à vous d'être resté aussi longtemps. »

Le regard acéré qui transperça la dryade lui fit perdre une grosse part de son assurance.

« Tu penses réellement que chacun de nous n'a pas essayé de trouver une solution en arrivant ici ? Il n'existe aucune solution à notre problème, à part l'acceptation. Crois-moi, je suis passé par beaucoup de phases avant de comprendre qu'il valait mieux me résigner pour le bien de ce monde et mon propre bien. Tu crois vraiment que tu supporterais l'idée d'avoir tué toutes les personnes que tu auras côtoyées, juste pour rentrer chez toi ?

Quand les choses s'écorçent.Where stories live. Discover now