Malheur à celui qui l'oublie.

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Comme beaucoup de gens aimant se terrer sans jamais être découverts, les descendants du Cristal avaient opté pour une approche souterraine de la dissimulation. Krev avait recouvert une grande partie de son sérieux lorsqu'ils s'étaient introduits dans un boyau de terre rouge sombre. Et il n'avait fallu qu'un instant pour qu'ils soient interceptés.

« Pas un geste, braya une voix criarde de femme. Mais ne serait-ce pas là ce bon vieux Krev ? Et il est venue avec... »

Elle laissa sa phrase en suspens alors qu'elle inspirait bruyamment.

« Une pourriture faelienne, tonna-t-elle. »

Une masse informe se jeta sur le sol depuis les plafonds. Un torrent de plumes marronnasses auréolait un corps rachitique, aux pieds et mains garnies de serres conséquentes. Ses dents pourries se dévoilaient à mesure qu'elle postillonnait en répétant son exclamation. Si elle les menaçait d'une lance rudimentaire en bois, Marie ne se sentait pour autant que peu menacée. Elle n'aurait aucun mal à tordre son petit corps malingre sur le sol boueux.

« De la pourriture faelienne, s'égosilla-t-elle pour la énième fois.

- Assez Nakun'El, gronda la goule. Ou je te dévore ici même. »

La harpie poussa un couinement plaintif et pitoyable, reculant de deux bons pas. La dryade se demanda si Krev avait déjà mangé certain de ses compatriotes. Elle pencha la tête vers le jeune homme d'un air circonspect en se disant que ça n'avait rien d'improbable.

« Non, implora-t-elle. Tu ne dois pas, tu n'as pas le droit. Irorkhol te tuera, cracha-t-elle soudain bien plus sûre d'elle.

- Mais tu seras tout de même morte, rétorqua-t-il en souriant, arrachant un frisson d'effroi à l'horrible petite femme. »

Marie la décortiqua du regard, si elle n'avait rien d'un ange, on ne pouvait ignorer les deux grandes ailes aux plumes aussi boueuses que miteuses qui s'élevaient et s'abaissaient à chaque saute d'humeur de leur propriétaire. Ses pieds d'oiseaux et ses mains à peine moins déformées présentaient des griffes inégales et abîmées. Tout en elle respirait une précarité de vie assez alarmante. Lorsqu'elle ouvrit à nouveau la bouche, Marie se détourna en grimaçant, ses chicots noircis étaient à vomir. Ses globes oculaires entièrement bruns frétillaient en tous sens alors qu'elle s'affolait de plus en plus.

« Que veux-tu, hurla-t-elle au bord de l'hystérie. Repars ! Repars ! Pars d'ici ! »

Haussant un sourcil, Marie mesura comme il devait être bien compliqué de fédérer cette bande de fous furieux. Qui que soit le chef, elle ne pouvait s'empêcher de se demander s'il était taillé dans le même bois que ses employés.

« Je viens voir Irorkhol, si tu arrêtais de piailler deux secondes, lui lança-t-il avec mépris, peut-être que toi aussi tu serais intéressée par les nouvelles que j'apporte.

- Des nouvelles ? répéta-t-elle, hébétée. Quelles nouvelles ?

- D'extraordinaires nouvelles, ajouta-t-il, un sourire carnassier exprimant toute son allégresse. »

Bien que toujours méfiante, la harpie s'écarta légèrement pour les laisser passer, sa lance toujours fermement serrée entre ses griffes.

« Toi d'abord, gronda-t-il, menaçant. »

Poussant des piaillements outrés, elle se mit à marmonner à toute vitesse une litanie qui ne devait avoir de sens que dans son esprit. Elle ne cessait de regarder derrière elle, les forçant à adopter un rythme de marche saccadé, bien que mené d'un bon pas. Marie observait la terre rougeâtre éclairée par de nombreux cristaux de lumière, tous incrustés dans les parois. Ils avaient laissé leur Cristal aux côtés du galorze, ce dernier semblait éprouver une certaine curiosité à l'égard de la pierre. Il fallait dire qu'ils ne l'avaient jamais laissé l'approcher jusqu'alors. Pas qu'ils ne lui fassent pas confiance, l'occasion ne s'était simplement jamais présentée ; le minéral était généralement cantonné dans un sac à dos volé en chemin.

Quand les choses s'écorçent.Where stories live. Discover now