Parce qu'elles ne se font jamais sans mal.

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Le métal était gelé contre ses doigts, enserrant les barreaux de sa prison.

Le temps s'était écoulé, Marie n'avait aucun doute sur ce point, mais à quel point ? S'agissait-il de quelques heures ou bien d'une journée complète ? Elle n'osait imaginer que plus de temps se soit envolé. Son estomac grondait pourtant férocement alors qu'elle se recroquevillait en resserrant sa couverture. Les volutes qui s'élevaient à chacune de ses inspirations semblaient moins chaudes.

Un éboulis de gravillons, dévalant sur les marches, lui fit tourner la tête.

« Es-tu prête à remonter et manger ta nourriture ? »

Balgard semblait avoir la fourrure hérissée, son front était plissé. S'il avait eu des sourcils, ils auraient sans doute été arqués. Sa voix était toujours aussi dure, laissant paraître un mécontentement encore bien vif. Prenant le temps de la réflexion, la dryade fit le point sur sa situation. Son dos était tiraillé par le manque de mouvement. La faim la dévorait littéralement. Sa fierté était, certes, toujours présente, mais les paroles du faelien tannaient son esprit.

Renoncer était un choix courageux.

Ses lèvres tremblantes laissèrent échapper trois mots qui, en sortant, brisèrent une partie d'elle. Une fougue enfantine qui n'avait plus de sens.

« Je vais remonter. »

Le grincement de la grille la laissa hésitante alors qu'elle franchissait l'espace qui la séparait du sol. Le fauve ne l'aida pas, laissant la jeune fille tomber sur la terre irrégulière. Elle frotta l'écorce qui lui servait de pieds avec reconnaissance, sa peau humaine aurait sans doute eu du mal à encaisser le choc. Notant le regard furibond que le gardien posa sur la couverture qui l'enveloppait, son corps se fit le plus petit possible.

« Grimpe. »

Ne se faisant pas prier, ses jambes encore maladroites entreprirent vaillamment de gravir les marches. Ses quelques déséquilibres ne furent pas un problème, ils lui semblaient être moins fréquents. C'est lorsqu'ils arrivèrent dans le réfectoire que son égo se rappela encore violemment qu'il fallait lutter.

« Mange. »

Un tas de bouillie recouvert d'une fine couche de poussière attendait patiemment sur le carrelage. Cet objet de discorde était le seul moyen de rétablir sa liberté. S'agenouillant sur le sol, elle lança un regard incertain au faery qui ne semblait pas compatir le moins du monde. Une vive douleur au ventre la saisit alors qu'il lui était impossible de se résoudre à manger sur le sol.

« J-je ne veux pas faire ça.

- Tu n'avais qu'à pas la jeter en premier lieu, gronda-t-il. Maintenant, je veux que tu assumes ton acte et que tu manges. »

Des larmes de frustration et de colère embrumèrent les yeux de la faelienne alors que sa main plongeait dans la mixture. Ses yeux se fermèrent alors qu'elle gobait tout rond l'infâme pitance. Son corps convulsait de l'intérieur pour protester contre ce traitement barbare mais elle tint bon, recommençant à manger autant qu'il fut nécessaire pour qu'il ne reste rien.

« J'ai terminé. »

Sa voix était froide et contenue alors qu'elle serrait ses poings, encore poisseux de cette immonde purée.

« C'est bien, déclara l'obsidien avec une pointe de douceur dont la jeune fille fut écœurée. Maintenant, tu vas pouvoir retourner dans ta chambre. Et, il te sera formellement interdit d'en sortir. »

Ne répondant rien, ses jambes la portèrent simplement jusqu'au lieu-dit alors que son esprit, anéanti par sa concession, essayait de comprendre ce qu'il venait de se passer. Le verrou de la porte claqua dans son dos, il lui était à présent impossible de sortir. Le matelas poussiéreux de sa chambre ne lui avait jamais paru aussi accueillant. Marie s'y installa en boule, serrant plus fort encore la couverture offerte par le terrien.

Quand les choses s'écorçent.Where stories live. Discover now