On fait de son mieux sans.

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Déterminée. Froide. Implacable.

Tel était l'état d'esprit de Marie à ce moment-là alors que ses pas s'enchaînaient presque mécaniquement. Lorsque le galorze l'avait aperçue, il avait henni doucement, presque incertain de la reconnaître. Elle l'avait ignoré pour simplement récupérer la dague au fond de son sac, celle de Balgard. Sa lame écarlate connaîtrait son premier sang ce soir.

Slalomant entre les feuilles basses des palmiers eldariens, la dryade était guidée par une ferme détermination. Elle s'était trop adoucie avec la goule. S'il fallait qu'elle s'affirme pour réussir à le canaliser à nouveau, pour être certaine qu'il tiendrait ses promesses, alors elle allait jouer au même jeu que lui. Elle allait devenir un prédateur.

Le pégase n'avait pas voulu la laisser partir seule, elle entendait ses sabots écraser le sol derrière elle. Mais qu'importait, son objectif était clair. Elle avait laissé la goule debout, dans cet équilibre précaire propre à ceux dont elle aspirait la mémoire et qui vacillaient sur le fil de l'inconscience. Elle sentait encore la morsure qu'il lui avait infligé quelques jours plus tôt, elle allait lui laisser le même type de souvenir.

La morsure serait celle de l'acier.

Son bras arma la dague, prêt à frapper.

Un hennissement puissant la stoppa dans son geste. Un vague regard en arrière vers le familier, il n'approuvait pas ce qu'elle était en train de faire. La faelienne déglutit avant de regarder à nouveau le visage absent de la goule. Il ne lui avait plus l'air si menaçant sans son air arrogant. Il méritait d'être effrayé à son tour. De ressentir la peur qu'il infligeait aux autres. Pourtant, elle ne pouvait s'empêcher de commencer à douter.

Un bref moment s'écoula avant que d'étranges incertitudes la traversent. Risquait-elle de frapper un endroit qui handicaperait la goule à vie ? La lame rentrait-elle facilement dans la chair ou aurait-elle à s'y reprendre plusieurs fois ? Pire, risquait-elle de le transpercer si la lame était trop affûtée ?

Pourquoi devait-elle mutiler le descendant exactement ? C'était là la vraie question.

Il avait attaqué le jeune singe, il avait mordu son bras et le jeune ne pourrait peut-être plus jamais s'en servir. Son bras pendait lamentablement lorsqu'il s'était enfuit et si elle n'avait pas bien vu tous les détails à cause de la pénombre nocturne ; il lui avait semblé évident que la blessure était sérieuse. Mais tout cela n'était que supposition. Était-elle vraiment sûre de ce qu'elle avançait ?

Pas vraiment.

Il avait menti à plusieurs reprises. Tout d'abord pour lui faire croire qu'il les avait dévorés, ensuite pour lui faire croire qu'il n'avait épargné que la jeune fille. Tout cela pour finir par lui jouer un tour en cachant le jeune garçon dans les fourrés. Même si tout avait toujours une aura horrifiante, était-il possible qu'il ait seulement voulu plaisanter depuis le début ? Peut-être bien.

Mais elle se revoyait, rageuse, hurler sur Krev. Un sentiment de honte s'insinuait en elle. Si elle le mutilait et qu'il s'avérait que le jeune singe n'était pas plus blessé qu'elle après sa seconde morsure, ce serait elle le monstre. Après tout, elle aussi avait poussé des hurlements, elle avait souffert, mais pour autant son bras pouvait toujours bouger correctement.

La dague tomba lourdement sur le sol.

Marie ne savait plus où elle en était.

Ses cheveux s'agitèrent alors qu'un museau inquisiteur s'y était invité. Le familier semblait préoccupé, une clairvoyance sans limite s'affichait sur la surface de ses prunelles. Sa robe aux couleurs du ciel étoilé se fondait dans le paysage de façon troublante.

Quand les choses s'écorçent.Where stories live. Discover now