A travers le silence qui nous terrorise.

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Arborant un air innocent, Marie dévisageait le lézard en quête de réponse. La pénombre ambiante tamisée par la lumière du cristal était propice aux confidences, il fallait que la dryade arrive à le faire parler encore un peu.

« Tu m'avais un peu expliqué le rôle des dryades, mais je ne pense pas que ce soit fait pour moi. Il n'y a pas un moyen d'échapper à ce pacte ? »

Visiblement, le jeune homme n'avait pas la moindre idée concernant la question. C'est d'une voix hésitante qu'il tenta d'apporter quelques éléments à la faelienne.

« Si tu ne veux pas, j'imagine que rien ne t'y obligera. Mais j'ai cru comprendre que les dryades ne pouvaient pas se passer d'une forêt à protéger comme c'est l'essence même de leur puissance. Ce qui veut dire que tu resteras bien plus faible que tes congénères. »

Congénères.

Ce mot donna la chair de poule à Marie. Cette impression d'appartenir à la race d'un bestiaire fantastique, comme un vulgaire animal, s'intensifiait. Les voix des arbres ne semblaient pas vraiment lui laisser le champ libre. A force, elle finirait sans doute par craquer et passerait ce fichu pacte.

« Comment des créatures intelligentes peuvent-elles être forcées par la nature à faire des choses qu'elles ne veulent pas faire ? Les arbres n'ont pas le droit de forcer les dryades à faire acte d'allégeance, c'est de la dictature. »

Perdu, le lézard observa la jeune fille avec une pointe d'inquiétude.

« Les arbres ne forcent personne à rien.

- Bien sûr que si. C'est par ce que tu ne les entends par hurler dans ta tête que tu peux dire ça.

- Ils hurlent dans ta tête ? »

Réalisant que sa spontanéité venait de la trahir, la faelienne planta ses ongles dans les paumes de ses mains pour se punir d'avoir été si maladroite. Elle ne pouvait pas s'empêcher de penser que ce qu'elle vivait semblait anormal d'autant plus en écoutant les dires du saurien. Au fond, peut-être qu'elle était une dryade ratée et aurait dû s'abstenir de parler de tout ça. Mais, il n'y avait plus rien à cacher, autant expliquer son problème.

« Depuis que j'ai commencé à me transformer, j'entends des voix. Au début, je ne savais pas ce que c'était mais il est devenu évident que les arbres me parlaient. Quand je suis venue en ville, ça s'est atténué mais ils ont fini par me retrouver et parlent de plus en plus fort. C'est parfois tellement douloureux que j'ai l'impression que ma tête est en train d'exploser. »

Le gardien assimila cette information avec étonnement et gravité.

« Tu veux dire que tu pourrais ne pas avoir le choix ?

- C'est ce que je commence à me demander, avoua-t-elle d'un air renfrogné. »

Bien embêté, le jeune homme savait qu'il n'avait pas la connaissance requise pour répondre à ce genre de problématique. Il n'y avait aucun doute sur le fait qu'aucune dryade n'avait dû résister à l'appel d'une forêt avant ce jour. Leur lien était si fusionnel qu'il était déroutant qu'il n'en ait pas été instinctivement de même pour Marie.

« Mais, hésita-t-il, ça ne te donne pas envie ?

- Envie ? s'insurgea-t-elle. Tu te fous de moi ? Je me fais harceler par des plantes jusque dans mes rêves. A part m'agacer, ça ne me fait pas grand-chose d'attractif.

- Le pacte est censé être quelque chose qui comble un vide et te renforce.

- Les dryades doivent se l'expliquer comme ça par ce qu'elles ne se rendent pas compte que la vie sans les arbres est possible surtout. »

Quand les choses s'écorçent.Where stories live. Discover now