Chapitre 46 : Justice, vérité et paix

3.7K 425 16
                                    

« Justicia, verdad y paz

Justiça, verdade e paz »

La formule était gravée sur la façade de l'immense bâtiment en pierre grise. Serait-ce pour réfléchir une dernière fois avant d'y être jugé ? Se remettre en question une ultime fois avant de tout avouer ? J'en avais aucune idée. Mais cela ne laissait en aucun cas indifférent. L'extérieur du tribunal était dissemblable des autres bâtiments. Plus ancien, imposant, presque royal. De forme carrée, avec de hautes marches pour accéder à l'intérieur, il impressionnait. Sur le toit, il y avait comme un jardin de plantes équatoriales verdoyantes, dont les longues tiges et feuilles tombaient dans le vide le long des façades. De même, l'eau s'écoulait le long de ces murs, et s'échouait par terre, dans des petits canaux qui entouraient les murs. À chaque fois, ici, l'architecture me laissait sans voix. 

Mes mains étaient moites. Je ne savais pas si Kai l'avait remarqué, en tout cas il avait eu la politesse de ne pas lâcher mes doigts. Ma gorge me serrait, ayant même l'impression que l'air se raréfiait. Je savais que c'était uniquement le stress qui provoquait cela. Je regardais mes compagnons autour de moi. Eux non plus ne semblaient pas dans leur élément, entre ceux qui lorgnaient frénétiquement la façade de l'imposant tribunal, ceux qui se rongeaient les ongles ou ceux qui affichaient une tête sidérée.

Ma main libre froissait le tissu de mon t-shirt gris. Ici, ils avaient des coutumes étranges. Ils recherchaient toujours la symbolique de tout ce qui les entourait. Marcello avait voulu nous expliquer la coutume des tribunaux, afin que nous soyons un peu moins perdus le jour fatidique. Pour ma part, j'étais déjà perdue même avec ses explications. Tous ceux qui devaient aller devant la justice pénale étaient dans l'obligation de porter une tenue grise. Gris, mélange du noir et du blanc. Flou qui représentait la culpabilité et l'innocence. Puis la justice décidait si nous étions coupables ou non. Marcello m'expliqua même qu'il y avait encore quelques années, à la fin, un innocent se voyait apporter un tissu blanc qu'on lui accrochait autour de la tête, comme un bandeau, signifiant que son esprit était pur. Le contraire était qu'un coupable se voyait nouer un bandeau noir. C'était un peu étrange, presque inutile, dans le sens qu'on aurait dit une mise en scène pour un spectacle. Peut-être même ridicule de faire autant de symboles pour une simple condamnation. Cette coutume avait été abandonnée, il ne restait plus que les habits gris. Je lui avais alors demandé si c'était comme une religion qui avait imposé cette symbolique, et je me rappelais que Marcello avait éclaté de rire :

— Léane, maintenant, religion et justice ne vont pas ensemble ! Ce n'est pas une force surnaturelle qui décide si tu es coupable ou non, c'est le jugement de tes semblables qui pourra définir ton esprit. De toute façon, ici, la religion a quasiment disparu. Les gens croient quand ils espèrent un meilleur avenir. Dans l'UNASUR, on leur offre un formidable présent. Les gens n'ont pas à se tourner vers les divinités, ils ont déjà ce qu'ils espèrent : un cadre de vie agréable, ressemblant presque à un paradis. Bien sûr, il y a quelques irréductibles croyants, toutes religions confondues. Ils sont libres de croire, mais ils sont très rares. Un peu comme les lieux de cultes abandonnés progressivement depuis le début du siècle. Il doit en rester seulement quelques uns entretenus par de fervents croyants sur tout le territoire. Et le Christ rédempteur de Rio. C'est tout.

Je n'avais pas posé davantage de questions. Cette société était trop nouvelle pour moi, évidement que les questions sur son fonctionnement grouillaient dans ma tête, mais je savais que Marcello me détesterait vraiment si je les posais toutes, et passerait des mois entiers pour me répondre si jamais il en avait la motivation. Alors je m'étais dit que j'apprendrais dans le temps tout ce qui concernait cette culture différente de la mienne, et poserait les questions trop complexes auxquelles je ne pouvais pas trouver seule les réponses à Marcello.

ArizonaWhere stories live. Discover now