Chapitre 33 : Emotions nouvelles

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J'avais fait plusieurs cauchemars pendant la nuit, qui me réveillaient à chaque fois en sueur et le cœur affolé. Les images de la journée que j'avais passé auprès de H ne cessaient de me hanter, même si je savais que tout cela était bel et bien terminé. Souvent je réveillais Kai qui dormait juste à côté, et qui avait le sommeil léger. Il me murmurait toujours des mots rassurants, mais se rendormait finalement plus vite que moi. 

Ma nuit fut horriblement agitée. Mais je n'aurais probablement pas dormi du tout sans la présence de Kai. Tant qu'il était là, sa présence avait quelque chose d'apaisant. Malgré toutes les situations de danger qu'il avait pu créer, il m'avait également toujours sortie de mes mésaventures : mon premier jour ici, mes retrouvailles avec Jake, H, et finalement, chaque jour de survie en Arizona était une dette que j'avais auprès de lui.

Le lendemain, nous nous étions remis en route, quittant l'ombre de la ville lointaine et avançant de nouveau dans des villages épars. Le mouvement de balancier sur Tokpa me berçait doucement et avec mon manque de sommeil, je luttais pour ne pas m'effondrer sur le dos de ma fidèle monture. Chaque pas de la jument m'éloignait un peu plus de Phoenix, laissant cet amas de ruines et de cendres un peu plus loin, effaçant une partie de mon angoisse. Bientôt, en me retournant, je ne distinguais plus l'ancienne capitale, et je me sentais plus légère.

Nolan n'arrêtait pas de me demander si j'allais bien. J'étais honnête avec lui, exprimant ma peur et ma fatigue. Il me répondait avec ses grands sourires qui montraient ses petites fossettes et me glissait quelques mots d'encouragement. Même si ça ne pouvait pas faire de miracle, c'était d'une grande aide.

Puis passée une bonne partie de la matinée, Kai me proposa de monter avec lui sur sa jument. Entourée par les deux bras de Kai de part et d'autre de mon corps, je me calais contre lui qui restait derrière moi et me maintenait. Je pus enfin fermer les paupières et rattraper un peu de sommeil. Quand j'ouvris difficilement les yeux, les paysages désertiques réapparaissaient de nouveau, et je préférais grandement leur présence plutôt que les ruines de Phoenix. Ma mauvaise rencontre dans cette ville avait fait d'elle ma hantise.

Après une longue journée de marche, nous nous arrêtâmes enfin pour camper. Kai avait choisi le versant à côté d'une montagne, Picacho Peak. La broussaille épineuse entourait le camp, accompagnée de plusieurs cactus de taille humaine ainsi que des buissons et arbustes, légèrement verdoyants. Kai nous informait que cette zone, au printemps, se couvrait d'une multitude de fleurs, toutes aussi colorées les unes que les autres. J'avais regretté un instant de ne pas y avoir assisté du fait que notre expédition se déroule à la fin de l'été. Et le fait qu'en partant d'ici, je manquerais ce spectacle à jamais.

— On est en avance sur notre trajet et on est épuisés, je vous laisse quartier libre, cria Kai à l'attention du groupe. Promenez-vous dans les environs mais soyez de retour dans une heure, pour le dîner. Ne vous éloignez pas trop et faîtes surtout attention aux crotales et aux scorpions !

L'avantage quand on partait en voyage avec Kai, c'était qu'on découvrait la faune locale, mais souvent au dernier moment grâce à un avertissement désinvolte. Pendant longtemps, jamais on n'aurait appris l'existence de plusieurs espèces, mais grâce à Kai, on savait que l'on pouvait mourir à tout instant n'importe où qu'on soit, si on ne surveillait pas ses arrières et selon où on mettait les pieds. Les voyages devenaient encore plus exaltants grâce à lui !

La plupart des gars comprirent le quartier libre comme une opportunité de faire la sieste à l'ombre d'un cactus. Évidemment, pour ma part, ma grande curiosité m'avait poussée à explorer cet endroit, me faisant oublier une partie de ma fatigue. Je commençais même à éprouver une sérieuse tristesse à l'idée de quitter l'Arizona et ce genre de paysages. Je savais que je ne reverrais probablement jamais ces terres, alors autant les admirer une dernière fois. Je voulais m'émerveiller devant sa nature incroyable avant d'aller dans un monde qui m'était inconnu. Je désirais garder de bons souvenirs si jamais l'Amérique du Sud n'était pas telle que nous voulions y croire.

ArizonaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant