Chapitre 19 : Sentiments nouveaux

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Je me réveillais dans d'après-midi, enfin reposée. J'ouvrais mes paupières et remarquais une ombre inhabituelle. 

Oh. 

Kai. 

Il était endormi par terre, la tête posée sur mon lit. Je détaillais les traits de son visage, aux contours ronds. Avec ses paupières frétillantes et sa moue boudeuse endormie, il avait tout d'un enfant. Mon regard monta sur ma cuisse. Quelqu'un, sans doute Kai, m'avait fait un bandage de gaze bien propre. Je ne saignais plus.

Je me levai doucement pour ne pas réveiller celui qui avait probablement voulu veiller sur moi, mais avec une maladresse extraordinaire, je réussis à trébucher sur une des chaussures de Kai au sol. Je tombais à moitié et avec la délicatesse d'un hippopotame sur le pauvre homme qui dormait assis par terre, ce qui le fit soudainement sursauter. Il se réveilla d'un coup, le regard paniqué, avant de rire en me voyant me raccrocher sur le lit tandis que je lui écrasais une jambe.

— Je me demande toujours comment tu peux être aussi maladroite... Bientôt, c'est moi qui aurais besoin de bandages aux jambes à force de te fréquenter... Bon, si tu as essayé de te mettre debout, c'est que tu vas mieux ?

— Oui.

— T'as pas mal à la jambe ?

— Non, c'est bon.

— Comment tu t'es fait une coupure pareille ? Toi-même ? se moqua-t-il avec un rictus. Normalement, seul Nolan est capable de s'auto-infliger ce type de blessures.

— J'ai rencontré Jake au niveau des pièges...

— Jake ? Le Jake que l'on avait cherché pendant deux ou trois jours à ton arrivée ? Il n'est pas mort ?

— Apparemment, non, dis-je en montrant ma jambe.

— Je ne sais pas si c'est une bonne chose ou non que l'on ne l'ait pas retrouvé à sa venue. S'il devait m'estropier tout le monde ici...

— C'était un accident...

Je demeurais toutefois pensive. Le coup de couteau, oui, ce n'était pas intentionnel. Mais ses reproches ? Sa hargne ? Kai remarqua sans doute mon air peiné, et pour une fois, arriva à proposer quelque chose de socialement acceptable et sans danger de mort imminent :

— Tu ne veux pas aller à Havasu Falls ? Une petite baignade te fera du bien, t'es pleine de poussière et de terre. J'ai juste nettoyé ta plaie avec de l'eau quand tu étais fatiguée. J'avais proposé à Derek de te laver toutes les jambes, il me l'a interdit.

— Encore heureux qu'il l'ait interdit !

— Quoi ? C'était pour rendre service ! T'étais sale !

Je revenais sur mes propos : Kai était toujours autant déconnecté sur les normes sociales. Mais son argumentaire n'était pas faux non plus : mes jambes étaient maronnées de poussière. Je le suivis au corral avec ma démarche légèrement boitillante, et souris en découvrant Tokpa dans ce dernier, saine et sauve. Les chevaux avaient toujours cet instinct de survie de revenir dans l'endroit où ils se sentaient le plus en sécurité. Tokpa, c'était au camp avec les siens. On ne divergeait pas trop sur ce point.

— On va laisser les juments se reposer. J'ai un autre cheval à dresser, il sera parfait.

Il s'avança vers un joli cheval palomino, dont la robe dorée brillait au soleil, de même que ses crins blancs. Il se déplaçait avec force et assurance, tels le faisaient les mâles dominants. Ses yeux qui nous guettaient et ses pas qui piaffaient vivement laissaient apparaître le caractère fougueux de l'animal.

ArizonaWhere stories live. Discover now