Chapitre 31 : La traversée de Phoenix

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Ce fut le matin du seizième jour que notre groupe aperçut enfin la ville de Phoenix. Kai en profita pour expliquer qu'être un groupe d'une cinquantaine de personnes attirerait trop d'attention et pouvait potentiellement faire échouer notre plan. Ce qui serait incroyablement désastreux et déprimant après autant de kilomètres engloutis. C'était pour cela qu'il préférait diviser notre groupe en cinq petites troupes distinctes, traversant chacune la ville par un itinéraire différent. Tout le monde se répartit rapidement en cinq rangées à peu près égales, même si Kai avait ordonné à quatre d'entre nous qu'il avait choisi, dont moi, de se tenir à l'écart.

— Pour traverser cette ville, chaque groupe aura un chef. J'en ferai partie. A mes côtés, voilà les quatre autres chefs. Vous leur obéirez. Je ne veux aucune connerie. Pas de violence. Démarrez une bagarre ici et deux cents hommes viendront anéantir votre petit groupe de dix. Nous ne dormirons pas une nuit ici, c'est trop risqué. Il est possible donc que l'on ne traverse pas la ville durant la journée, dans ce cas-là, pas de repos, vous marcherez jusqu'à sortir de cet endroit, y compris de nuit. À quelques kilomètres après la ville, nous ferons un petit campement, à Sacaton. On se retrouve là-bas.

C'est ainsi que je m'étais retrouvée chef de groupe, c'est-à-dire qu'une fille de dix-sept ans allait devoir faire preuve d'autorité sur une dizaine d'hommes aillant pour la plupart bien deux fois mon âge. Kai me faisait une trop grande confiance aveugle.

— Léane, Matthew sera avec toi. C'est un homme de confiance, il sait manier une machette comme personne. Vous serez en binôme en tant que chefs de groupe, c'est ok ?

Je hochais la tête, ça me rassurait effectivement de partager les responsabilités avec un autre type. Qui plus est, malgré sa petit taille, Matthew était musclé et large d'épaules, le crâne rasé et le regard menaçant, surtout avec ses deux machettes accrochées à la ceinture. Ça m'allait très bien.

Kai, Derek, Nolan et José était eux aussi des chefs de groupe. Kai avait affirmé qu'il avait confié ce rôle aux cavaliers, qui pourraient, en cas de souci, prévenir les autres au plus vite. Ça se tenait.

— Allez, en route ! s'exclama Kai, bien plus enthousiasme et insouciant que n'importe qui.

Kai avait affirmé que la mission serait "assez" simple. Mais bon, depuis ma connaissance avec lui, j'avais aussi appris que les chutes dans des cascades vertigineuses étaient un jeu, donc autant dire que ma confiance envers cette nouvelle mission n'était pas à son plus haut point.

Je ne savais pas à quoi Phoenix avait pu ressembler des années auparavant. Je n'avais aucun souvenir, j'étais trop jeune quand la Catastrophe était survenue. Mais ce jour-là, quand je marchais dans une route déserte traversant Phoenix, tout ce que je voyais me donnait la chair de poule. Les immeubles décrépis et en ruines tranchaient un ciel azur. Des morceaux entiers de ciments jonchaient des ruelles entières, des carcasses de voitures incendiées ponctuaient notre chemin, ainsi que des déchets de plastique et de verre éparpillés partout comme des confettis. Les derniers étages des immeubles pour la plupart démolis, les flancs à vif, et sur les façades donnant sur la rue, des vitres brisés se comptaient par milliers. Une sensation de vide qui plombait l'atmosphère m'oppressait paradoxalement. Je n'étais clairement pas à l'aise. La ville reflétait un paysage que même mes cauchemars n'avaient jamais réussis à créer.

Même si cette ville semblait déserte, des bruits me parvenaient fréquemment depuis des vieilles boutiques abandonnées et des cris résonnaient du bout d'une rue, sans que j'en sache la réelle origine. J'avais les mains moites et sursautais à peu près toutes les deux secondes, tandis que le reste des hommes me suivait, eux aussi muets et décryptant du regard chaque recoin de la ville en ruine. J'avais fière allure en tant que chef, à être aussi nerveuse. Heureusement que Matthew, à mes côtés, arborait une plus grande maîtrise de ses émotions.

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