Chapitre 13 : Secrets bien gardés

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Troisième, puis quatrième, et enfin, cinquième jour en Arizona. Avec une vieille lame rouillée trouvée dans la réserve d'outils du camp, je rayais d'un trait de biais les quatre verticaux que j'avais gravé sur le mur en plâtre de ma chambre. Cinquième jour. Sans Jake. Kai avait abandonné depuis la veille l'idée d'aller le chercher, et n'en parlait même plus. J'avais compris. Pour lui, Jake était mort. Ça m'en rendait malade, comme de me dire que ça ne faisait tout autant de temps que Will était livré à lui-même. J'en pleurais chaque soir. 

Je serais les dents ce matin-là, et partis près du tas de vêtement que j'avais déposé sur une étagère. Après un très long tri, j'avais réussi à sélectionner les vêtements qui pouvaient m'aller. Enfin, ce jour-là, mon choix se décomposait entre un pantalon marron troué au genou gauche et une chemise qui m'était bien trop grande, et que j'étais obligée de nouer. Puis j'attendis. Mais le type qui avait pris l'habitude d'être mon réveil matin ne se montra pas. Pour une fois que j'aurais pu l'accueillir autrement que moitié nue, en plus.

Et comme j'avais faim, je décidais de sortir quand même. J'attrapais une casquette que j'avais déniché à l'effigie d'un vieux club de baseball « Go Arizona Jaguars !! », assez inspirante. Je guettais la porte à la gauche de la mienne, à la serrure même pas crochetée. Bien plus maniérée que le chef de camp ici, je donnais trois petits coups pour savoir s'il était là. Aucune réponse. Mais la porte s'ouvrit un peu plus. Prise de curiosité, je jetais un regard à l'intérieur.

Mais finalement, à quoi aurais-je pu m'attendre ? On était dans une prison. Tout était sobre. Et même si Kai regorgeait de secrets, rien ne transparaissait dans cette pièce. Il n'y avait qu'un lit double en ferraille et un meuble de bibliothèque bancal. Sur les deux étagères du bas, des vêtements. Mais celles supérieures étaient composées d'une multitude d'objets entreposés en vrac, certains jonchant même le sol. Que le rangement ne soit pas le fort de Kai, je n'en étais même pas étonnée. Je me rapprochais du meuble. J'y découvrais, non sans surprise, qu'il s'agissait de multiples petites statuettes de bois taillées au couteau. Elles ressemblaient à des amulettes d'animaux sauvages d'Arizona. Un petit pot de verre au rebord cassé contenait des plumes d'oiseau. Elles devaient servir pour confectionner des attrapes rêves, dont deux répliques se perdaient dans le bazar de figurines, ainsi qu'un plus grand au niveau du lit de l'homme. Mon pied heurta un bison de bois renversé par terre, à côté d'une demi-dizaine d'arcs, des flèches entassées comme un tas de bois, avec une machette posée sur le dessus.

— Léane, que fais-tu ici ?

Je sursautai. Je me retournai, prête à tomber sur Kai et à devoir expliquer ce que je faisais ici. Bon après, vu son manque de manières pour entrer dans les chambres des autres, je pouvais sortir les mêmes excuses. C'était toujours mieux qu'avouer ma trop grande curiosité à son égard.

Mais dans le cadre de la porte, c'était seulement le meilleur ami du chef que je voyais.

— Euh, c'est-à-dire, balbutiais-je. Kai n'est pas venu me réveiller ce matin... Il n'est pas là on dirait...

— Oui. Il n'est pas là ce matin.

Quelle perspicacité. D'habitude si bavard, Nolan ne disait rien. Même pire, il avait oublié sa spontanéité et semblait peser chacun de ses mots.

— Pourquoi, où est-il ? Et pourquoi il ne m'a pas prévenu ? tentai-je, dans le but de soutirer quelques informations. Il m'avait dit que l'on se réveillerait tôt pour partir explorer vers... le sud.

Bon, ce n'étaient que mensonges, et à mon plus grand dam, Nolan sembla le tiquer, car il fronça les sourcils.

— Ah bon ? C'est bizarre, car où il est parti, il le prévoit souvent en avance... Enfin, ne me regarde pas comme ça, c'est tout ce que tu sauras. Il reviendra dans quelques heures, je pense. Vous irez explorer à ce moment-là.

ArizonaWhere stories live. Discover now